Revirement pour une jeune famille qui avait fui les troubles en Ukraine pour trouver refuge en Russie. Crédit : Mikhaïl Mordassov
Nina, son mari et leur nouveau-né ont quitté l’oblast de Lougansk pour la Russie en septembre 2014. À l’époque, le sud-est de l’Ukraine était le théâtre d’opérations militaires actives. La ville de cette famille ukrainienne, Rovenky, côtoyait la ligne du front. Rovenky n’était pas dans la ligne de mire. Mais à la périphérie, des bombardements ont provoqué la mort de cinq personnes, se souvient la jeune femme. Face au danger, la famille a décidé de fuir. « J’ai des parents à Kamensk-Ouralski, dans l’oblast de Sverdlovsk [dans l’Oural, ndlr]. Ils ont promis de nous aider, et nous sommes partis les rejoindre », se remémore le jeune mère.
Le couple et son enfant ont été accueillis avec bienveillance par leurs proches comme par la population locale en général. Apprenant que la jeune famille ukrainienne était en difficulté, les habitants de la ville lui ont immédiatement fourni des aliments pour bébé, ainsi que des meubles et des vêtements.
« Mais, bien sûr, sans la guerre, nous ne serions pas partis. On est toujours mieux chez soi qu’ailleurs », raconte Nina. Après réflexion, elle ajoute : « Quoique, peut-être serions-nous quand même partis, mais uniquement si nous avions trouvé un très bon travail ».
Dans la rude réalité de l’Oural, le mari de Nina a trouvé un emploi, mais fort éloigné de ses qualifications. Igor était un spécialiste joaillier hautement qualifié. Il a dû se contenter de travailler en tant que simple ouvrier dans une usine métallurgique. Son expérience de créateur de bijoux s’est avérée inutile, tout comme son diplôme d’études supérieures.
« Le plus gros problème rencontré était financier. Nous sommes contraints de vivre dans un appartement en location avec un seul salaire de 20 000 roubles maximum [350 euros, ndlr]. Ce mois-ci, l’usine n’a pas rempli ses quotas, et le salaire de mon mari a été réduit de 30% », se lamente sa jeune femme.
Nina aurait bien voulu travailler, mais elle n’a personne pour garder son bébé de dix mois. L’option de la nounou n’est financièrement pas réaliste. Elle s’est lancée dans la recherche d’un emploi à mi-temps. « Je suis prête à tout faire, même travailler comme femme de ménage, mais je ne trouve pas de travail à temps partiel. Je me suis renseignée au centre d’embauche, j’ai posté des annonces sur les réseaux sociaux. Mais sans résultat », déplore Nina.
Par ailleurs, la famille est en butte à des tracasseries administratives. L’asile temporaire peut être accordé gratuitement, mais pour obtenir un permis de séjour temporaire, il faut présenter une traduction certifiée conforme des documents. Ce service coûte entre 5 000 et 6 000 roubles (entre 87 et 105 euros) par personne, une somme inabordable pour le ménage. L’autre problème de taille pour Nina est l’enregistrement sur le lieu de résidence, une formalité obligatoire pour tous les étrangers. Les propriétaires d’appartements hésitent à déclarer leurs locataires pour éviter d’avoir à payer les taxes locatives. Or, la déclaration est exigée pour toute démarche administrative.
La jeune femme estime qu’elle et sa famille seront bientôt contraints de retourner en Ukraine, faute de parvenir à s’intégrer. « Beaucoup de mes amis ont fui en Russie à cause de la guerre, mais presque tous sont rentrés chez eux à cause de problèmes pécuniaires ou administratifs ».
La situation est moins complexe dans les grandes villes. Nina explique qu’une de ses connaissances est parvenue à faire son trou à Ekaterinbourg : « Son époux y a trouvé un travail convenable, leur enfant va à l’école, et la famille n’a pas l’intention de retourner en Ukraine », dit-elle. « Nous pourrions aussi rester en Russie si les choses s’étaient passées autrement, on se plaît ici, mais nous allons probablement rentrer ».
Actuellement, tout est calme à Rovenky et la ville a été épargnée par les hostilités. Il faut espérer que la situation ne se dégradera pas, sinon les réfugiés qui sont rentrés chez eux devront de nouveau quitter leur foyer.
Les statistiques du FMS confirment qu’un mouvement de retour des Ukrainiens s’est amorcé. « Avec la trêve [dans le Donbass, ndlr], les migrations de réfugiés en Russie sont faibles. Nous constatons plutôt des départs. Mais il serait prématuré de parler d’un départ massif », a indiqué une responsable de l’office moscovite de l’organisme à l’agence RIA Novosti.
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