Un mariage tchétchène qui divise l'opinion

Crédit : AP

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Le mariage d'un policier de 47 ans, qui a déjà une femme, et d'une jeune fille tchétchène de 17 ans a alerté l'opinion russe et a indigné les défenseurs des droits de l'Homme. RBTH a interrogé des experts sur la légitimité de telles unions.

Depuis fin avril, les médias russes suivent l'histoire de Kheda Goïlabievaïa, une jeune fille âgée de 17 ans originaire d'un village tchétchène, et du chef de la police locale Najoud Goutchigov. C'est le journal libéral Novaïa Gazeta qui a appris leur mariage prochain, et rapporte que les parents de la jeune fille mineure avaient « catégoriquement » refusé de « donner leur fille à un homme qui pourrait être son grand-père ».

Toutefois, la famille a reçu des menaces et la promesse que, s'il le fallait, la jeune fille serait emmenée de force.

Novaïa Gazeta a pris contact avec le fiancé potentiel, mais celui-ci a nié avoir l'intention de se marier et a déclaré qu'il avait déjà une femme. Cependant, peu après, les fiançailles ont été confirmées par le leader tchétchène lui-même, Ramzan Kadyrov (que Goutchigov connaît personnellement). Il a ensuite approuvé le projet de mariage.

Pour finir, décision fut prise de célébrer le mariage. « 30 ans de différence d'âge. Les parents de la jeune fille ont béni cette union », a écrit Kadyrov sur son compte Instagram. La célébration a eu lieu le 16 mai.

« Un phénomène normal »

A cause de ce scandale, le ministre tchétchène de la Presse et de l'Information a été démis de ses fonctions. Le ministre a été tenu responsable de l'inertie des médias locaux qui, selon Kadyrov, ont décidé d'ignorer cette histoire scandaleuse et n'ont pas défendu la vérité.

Mais par la suite, l'affaire de la jeune fille mineure, Kheda, que l'on voudrait forcer à épouser « un vieux » ou à devenir sa seconde épouse selon la charia, est remontée au niveau fédéral.

La première réaction du responsable des droits des enfants de la Fédération de Russie, Pavel Astakhov, fut accueillie avec une certaine nervosité. Il a refusé de prendre part au conflit. Le service de presse du médiateur a déclaré qu'aucune plainte pour violence n'avait été déposée par les parents ou les proches, ajoutant que « nous ne défendons personne de force ».

Le parlement russe a critiqué cette position passive et a rappelé à Pavel Astakhov que selon la Constitution, la maternité et l'enfance sont sous la protection de l'Etat. Plus tard, dans l'émission « Service russe d'information », le médiateur a rétorqué les mariages précoces étaient un phénomène normal dans le Caucase et que l'âge minimum légal du mariage était défini par les autorités régionales.

« L'âge minimum en Tchétchénie est de 17 ans, en Bachkirie de 14 ans, et dans la région de Moscou il est de 16 ans », a souligné Astakhov.

« Les mariages entre des jeunes filles de province et des hommes plus âgés sont une pratique courante », a expliqué à RBTH le rédacteur en chef du site internet Kavkazski Ouzel (Le nœud caucasien) et spécialiste du Caucase Grigori Chvedov.

Selon lui, il s'agit souvent d'un mariage forcé, « les jeunes filles subissant une influence psychologique ». Il est vrai que les gens de cette région n'ont pas l'habitude de porter plainte, explique Chvedov. « C'est ce qui explique l'absence de réelles procédures de protection de l'Etat dans ces cas », ajoute l'expert.

Selon la Charia

En revanche, si en termes de différence d'âge entre les fiancés, de nombreux exemples d'unions réussies ont été énumérés, la notion de polygamie a soulevé une vague d'indignation. Le président du Conseil des droits de l'Homme Mikhaïl Fedotov s'est adressé au Parquet et la Commissaire aux droits de l'Homme Ella Pamfilova, s'est tournée vers le président tchétchène.

Selon la législation, la polygamie est interdite en Russie. Mais certaines républiques, où l'islam est répandu, abordent cette question de façon spécifique. Selon la Charia, un homme est en droit d'avoir jusqu'à quatre épouses.

Ces mariages sont célébrés par un imam ou un cadi, « ils n'ont pas de valeur juridique, et par conséquent, ce ne sont pas des relations fondées sur le droit », a raconté à RBTH le directeur du département du Caucase de l'Institut d'études orientales de l'Académie des sciences de Russie, Vladimir Bobrovnikov.

Il ne s'agit pas d'un conflit entre la Charia et le droit national, estime le leader de l'organisation musulmane russe « Al-Khak » (Justice), Kamiljan Kalandarov. La Tchétchénie n'a encore pas connu de cas où l'état civil (ZAGS) aurait enregistré un mariage entre un homme et plusieurs épouses en même temps, dit-il. Il estime qu'il est « incorrect de juger la vie des républiques musulmanes d'après les normes de Bruxelles ou de Moscou ».

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