Boris Nemtsov lors d'un rassemblement en février 2012. Crédit : Tatiana Chramtchenko
Dans la nuit du 27 au 28 février, l’opposant et co-président du Parti républicain de Russie – Parti de la liberté populaire (libéral-démocrate) et ancien premier vice-premier ministre Boris Nemtsov a été assassiné par balles sur le pont Bolchoï Moskvoretsky, près des murs du Kremlin. Selon les données des forces de l’ordre, les tirs ont été réalisés depuis un véhicule blanc au moment où M. Nemtsov rentrait d’un restaurant avec une jeune Kiévienne de 23 ans. Sept coups de feu ont été tirés, dont quatre ont touché l’homme politique dans le dos, le tuant sur le coup. La jeune femme est indemne.
L’identité des auteurs du crime n’a pas été établie. Pour le moment, aucune interpellation n’a eu lieu. Les informations fournies par les témoins oculaires n’ont pas été divulguées dans l’intérêt de l’enquête. « Toutes les pistes sont examinées, dont celle de l’assassinat commandité », a déclaré la porte-parole du Comité d’enquête de Moscou, Ioulia Ivanova.
Peu avant son meurtre, Boris Nemtsov avait avoué aux médias qu’il craignait pour sa vie. Opposant actif, il était un des organisateurs de la Marche anticrise Vesna (Printemps) prévue le 1er mars. Quelques jours avant son assassinat, il a divulgué des informations sur le non-règlement de leurs impôts par 133 députés et sénateurs russes. Selon ses alliés, il s’apprêtait à publier un rapport sur l’Ukraine dans lequel il voulait prouver que les militaires russes présents dans le Donbass seraient dirigés par les autorités suprême russes.
Le meurtre de Boris Nemtsov « revêt tous les traits d’un assassinat commandité et a un caractère purement provocateur », a déclaré Vladimir Poutine, cité par son porte-parole Dmitri Peskov. Le président a pris l’enquête sous son contrôle personnel. Dans une interview à la radio Kommersant-FM, M. Peskov a déclaré que « du point de vue politique, [Boris Nemtsov] ne présentait aucune menace pour les autorités russes, y compris pour Vladimir Poutine ». « Si nous comparons la cote de popularité de Poutine et du gouvernement dans son ensemble (…) celle de Boris Nemtsov sera légèrement supérieure à celle d’un citoyen moyen », a souligné le porte-parole.
L’avocat du défunt, Vadim Prokhorov, a indiqué aux médias que l’opposant avait reçu il y a quelques mois des menaces par le biais des réseaux sociaux. « Un toqué » écrivait qu’il « en finira avec lui », mais l’avocat ne lie pas l’assassinat à ces menaces. Il est persuadé que le crime est politiquement motivé. Il n’écarte pas la possibilité que les auteurs du crime soient récemment rentrés des « points chauds » en Ukraine : l’homme politique s’y rendait régulièrement et maintenait des contacts avec Kiev.
Boris Nemtsov occupait en
outre un poste de député de la Douma de l’oblast d’Iaroslavl. Toutefois, ses partisans excluent
que son activité dans la région puisse être liée
au meurtre.
« C’est un règlement de comptes. (…) Il était harcelé par différentes organisations. On le traînait dans la boue. Il luttait pour que la Russie soit un pays libre où les droits de l’homme priment sur le reste. Il est impossible qu’un leader de l’opposition puisse être tué démonstrativement près du Kremlin. Il a été tué pour avoir dit la vérité », a annoncé l’opposant et ex-premier ministre Mikhaïl Kassianov.
L’opposition est en train de négocier avec la Mairie de Moscou le transfert au centre-ville de la marche de l’opposition prévue le 1er mars à Marino (quartier en périphérie de Moscou). Ils veulent en outre changer son statut : au lieu d’une marche anticrise, ce sera une manifestation de deuil.
« Nous l'aimions tous. Un garçon téméraire, mais tellement gentil », a écrit sur son comte Twitter l’homme d’affaires et ex-oligarque Mikhaïl Khodorkovski.
Depuis cette nuit, des personnes apportent des fleurs et des bougies sur les lieux de la tragédie.
Boris Nemtsov a occupé une place de premier plan parmi les hommes politiques des années 1990-2000. De 1991 à 1997, il a occupé le poste de gouverneur de l’oblast de Nijni-Novgorod, avant d’être nommé ministre de l’Énergie (1997). Il devient ensuite premier vice-premier ministre dans le gouvernement de Viktor Tchernomyrdine. Il militait contre le monopole d’État et contre les liens étroits entre le pouvoir et les oligarques. Pressenti comme le successeur de Boris Eltsine, il a été député de la Douma entre 1999 et 2003 avant de rejoindre l’opposition. En 2004, son parti Union des forces de droite a ouvertement soutenu la campagne électorale du futur président ukrainien Viktor Iouchtchenko. De 2005 à 2006, M. Nemtsov a été conseiller économique bénévole de ce dernier. Dans les années qui ont suivi, il a joué un rôle actif dans différentes alliances des forces d’oppositions et dans l’organisation des marches de protestation, notamment celles de 2011 et de 2012 contre les fraudes électorales.
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