Malgré la crise, de plus en plus de couples russes se disent « oui »

Crédit : Reuters

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Les statistiques du bureau d’état civil pour l’année 2014 montrent que les Russes se marient de plus en plus. À Moscou, en dépit de l’instabilité économique et des risques politiques de l’année passée, le record absolu de ces 30 dernières années a été établi. 100 483 jeunes couples se sont dit « oui », soit 4 000 de plus qu’en 2013 et presque 30 000 de plus qu’en 2004. Nous avons cherché à comprendre ce qui explique cette hausse de mariages en temps de crise.

Parmi les causes objectives de la hausse actuelle des mariages, les scientifiques citent le baby-boom des années 1981-1987 — aujourd’hui, c’est cette génération qui crée des familles. Toutefois, de nombreux chercheurs suggèrent que la véritable cause est bien la crise.

Anna Varga, directrice du master « Psychothérapie familiale systémique » à l’École des hautes études en sciences économiques, explique que la situation mondiale générale le montre : plus la vie est difficile, plus les gens tendent à s’unir, à se marier, et à avoir des enfants. « L’exemple des pays pauvres et peu développés l’illustre bien. Les perspectives de vie y sont maigres, c’est pourquoi les gens sont soucieux de créer une descendance ».

La crise produit le même effet : la survie passe au premier plan, les perspectives de vie s’amenuisent. Anna Varga ajoute que les gens sont confrontés à une sorte de régression sociale. « En temps de crise, le niveau d’anxiété croît, la réalisation des missions biologiques a pour vocation d’éliminer cette anxiété », conclut l’expert.

À deux, la vie est moins chère

Cette hypothèse est confirmée par la hausse du nombre de mariages enregistrée pendant les périodes d’instabilité économique précédentes, en 1998 et dans les années 2008-2009. Du point de vue économique, l’explication est très simple : à deux, la vie est moins chère.

L’efficacité économique du mariage a été prouvée par le prix Nobel Gary Becker : la vie en couple permet de réduire les dépenses courantes et offre, en outre, une sorte d’assurance contre le chômage qui croît en temps de crise. Si l’un des époux perd son emploi, mais que l’autre le garde, la survie est plus facile.

Mourat, employé de banque,  nous a raconté qu’il avait toujours considéré le mariage comme une étape importante. « Je voulais d’abord me sentir à l’aise du point de vue financier »,  explique-t-il. « Ironie du sort, après le mariage, je me suis retrouvé sans emploi ». Mourat précise que, dans cette situation difficile, sa femme a été son soutien pendant une certaine période, en tant que seule personne de la famille à disposer d’un emploi.

Les experts estiment que les relations horizontales – amicales ou familiales – aident la population à survivre en temps de crise. Les gens considèrent leur famille comme une zone spéciale de confort psychologique appelée à soulager le stress et à apporter de la joie.

Remède contre l’incertitude

La psychologue Natalia Trofimova estime que, dans ces temps incertains, il est effectivement important de trouver un appui. « Officialiser les relations aide à combattre l’incertitude », ajoute-t-elle. L’expert raconte que pendant les consultations fin 2014, de nombreux clients lui demandaient comment combattre l’anxiété en temps de crise et s’inquiétaient pour leur avenir.

« On a besoin d’un certain temps pour s’adapter à la crise », explique Natalia Trofimova. « Quoi qu’il advienne dans l’économie ou dans la politique, la vie continue. Et les relations ressortent de nouveau au premier plan ». L’expert précise en outre que de nombreux couples avaient pris la décision psychologiquement importante de se marier avant la crise, la tourmente financière n’étant pas parvenue à les faire renoncer à leurs projets.

Artiom, étudiant, confirme cette idée. « Quand nous étions en train de planifier notre mariage, nous ne pensions pas à la crise », dit-il. En revanche, il est convaincu de l’intérêt économique de l’union conclue : désormais, plus besoin de traverser la ville tous les jours pour aller voir sa fiancée.

« La crise a tout bouleversé : notre mariage était un mariage modeste d’étudiants payé par l’argent que nous avions économisé ensemble, notre déménagement était également modeste. Puis nous avons refait l’appartement avec l’argent qu’on nous a offert au mariage. Et les parents nous ont aidés des deux côtés », ajoute Artiom. « Le climat économique ne peut empêcher la réalisation des désirs de deux personnes qui s’aiment ».

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