Crédit : service de presse
Publicité
Sticker Ride est une jeune start-up qui a vu le jour il y a quelques années seulement et qui propose aux automobilistes de louer des « emplacements publicitaires » sur leur voiture. Le savoir-faire de Sticker Ride, c’est d’abord une application mobile qui vous permet de savoir où et combien de kilomètres vous avez parcouru avec la marque publicitaire. En fonction du kilométrage et du nombre potentiel de personnes dans les rues dans lesquelles vous avez circulé, le logiciel détermine le « salaire » du propriétaire du véhicule. Bien sûr, il ne s’agit pas de sommes astronomiques, concède le créateur de ce projet fou, Mikhaïl Martchenko, mais cela permet de rembourser entièrement vos dépenses en essence, assure-t-il. Quelle sorte de publicité aurez-vous à coller sur votre voiture ? C’est à vous d’en décider. Un employé de Sticker Ride se chargera alors de coller l’autocollant.
Mais Sticker Ride n’a pas le monopole de ce business : « la publicité sur véhicule contre rémunération » est proposée par quelques dizaines de sites qui offrent plusieurs centaines de propositions.
Traits d’humour
Mais les Moscovites n’adhèrent pas tous exclusivement au sticker publicitaire. Beaucoup s’adonnent à cette activité de façon désintéressée, en choisissant des autocollants qui reflètent leur personnalité, leurs croyances, leurs valeurs, ou simplement un certain sens de l’humour, pour bien commencer la journée (car l’humour est toujours subjectif). Des boutiques en ligne proposent pour presque rien des stickers et autocollants de toutes les tailles et aux contenus les plus variés. En veux-tu, en voilà, colle-en sur toute la voiture se cela te chante! Généralement, les automobilistes raisonnables se limitent à un autocollant à l’arrière de la voiture. Ce peut-être une signification utile, comme la lettre « A » pour les jeunes conducteurs ou le fameux « bébé à bord », ou bien des contenus plus personnels que le conducteur souhaite partager avec le monde extérieur.
Quelques cas fréquents : une jeep imposante avec, sur la vitre arrière écrit en grosses lettres, « Fuck fuel economy ». Autre option, le jeu de mot, comme la populaire inscription du moment, « yahoooeyou sur ces routes ! » (jeu de mot mélangeant le moteur de recherche Yahoo et un terme argotique en russe qui signifie « j’hallucine »). Ou encore, le « nombre de mamies écrasées », où le concept est similaire aux hôtels étoilés, en collant une ou plusieurs mamie sur sa voiture. Le stickers est une reprise du dessin que peignaient sur leurs avions les pilotes pendant la Seconde Guerre mondiale pour signifier le nombre d’ennemis abattus.
Les signifiants
En Russie, il est fréquent de voir le sticker de Simon’s cat sur les véhicules. Le très populaire dessin de Simon Tofield présente un chat avec une gamelle vide. En plaçant le sticker près du bouchon de réservoir à essence, l’automobiliste indique ainsi avec humour que sa voiture aussi a faim. Ce qui permet à la fois d’indiquer où se trouve le réservoir, et d’autre part, l’autocollant précise souvent également quel type d’essence la voiture «préfère». Un moyen habile pour l’automobiliste paresseux de ne pas avoir à indiquer aux employés des stations-service quel type d’essence il a besoin : tout est déjà inscrit et en plus, c’est ludique.
Politique
Depuis peu, les stickers pour voiture sont également devenus un instrument politique. Pendant les élections municipales de Moscou, le trafic automobile s’est soudainement transformé en espace politique public, avec de nombreuses voitures affichant des autocollants de soutien au candidat de l’opposition Alexeï Navalny. Les stickers sont devenus le moyen pour les partisans de ce dernier de compenser le manque de temps d’antenne consacré à l’opposition par les chaînes publiques. L’opposition a ainsi remporté 27% des voix et sa côte de popularité a bondi de manière significative.
Actuellement placé en résidence surveillée, M.Navalny a pratiquement disparu du champ médiatique et les véhicules qui affichent encore son nom se font rares dans les rues de Moscou. En revanche, les boutiques en ligne regorgent d’autocollants avec le logo des « gens courtois » (pour les soldats russes en Crimée). Un autre reflet dans l’air du temps.
Symbolisme
Une fois par an, le nombre d’annonceurs à quatre roues connaît un pic de croissance. Cela se produit au début du mois de mai, juste avant la fête de la Victoire, célébrée le 9 mai. Le Jour de la Victoire est sans doute la seule fête véritablement patriotique de Russie. Ce jour-là, il est de coutume de rendre hommage aux anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale. Et les automobilistes se mobilisent eux aussi à cette occasion : ils décorent leur voiture d’étoiles rouges, de rubans oranges avec trois rayures noires, les couleurs de l’ordre de Saint-Georges (ordre honorifique russe qui récompense les mérites militaires), et d’inscriptions : « Merci grand-père pour cette victoire ! » ou « Je me souviens, je suis fier ! ». Plus rarement, sur certaines voitures de marques étrangères, il est possible de se retrouver face à l’appel « Sur Berlin ! » : ainsi écrivait-on sur les chars et les avions qui partaient vers l’Ouest pendant la guerre. Généralement, une fois le Jour de la Victoire passé, les autocollants sont décollés. Mais il y a toutefois des exceptions. Il y a environ un an, une chaîne télévisée russe a diffusé un reportage sur un Moscovite qui, après avoir recouvert entièrement sa voiture de symboles du 9 mai, a continué à rouler avec toute l’année, sans les décoller. « Depuis que je les a collés, la police ne m’a pas arrêté une seule fois pour me demander mes papiers. Ils sourient, c’est tout », avait-il allègrement déclaré.
Les autocollants de la honte
Certains stickers peuvent aussi se retrouver sur un véhicule contre la volonté de son propriétaire. L’organisation « StopLourdaud », qui se bat contre les conducteurs qui ne respectent pas les règles de stationnement, vient décorer les vitre des voitures mal garées à l’aide d’autocollants ronds géants où figure l’inscription : « Je me fiche de tous, je me gare n’importe où ». Il n’est pas rare de voir des automobilistes témoins d’une scène de collage se solidariser et empêcher ce type d’action, voire se battre avec les colleurs rebelles. De leur côté, les membres de « StopLourdaud » filment les scènes et les diffusent sur internet. Les stickers et autocollants peuvent donc parfois aussi servir pour stigmatiser les automobilistes. Ceci dit, ces autocollants ne sont pas difficiles à décoller. L’organisation « StopLourdaud » assure en effet que leurs stickers s’enlèvent facilement, sans laisser de traces.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.