Nailia Ziganchina : « Interdire à une musulmane de s’habiller comme elle le souhaite revient à violer ses droits »

Nailia Ziganchina (au centre). Source : Service de presse

Nailia Ziganchina (au centre). Source : Service de presse

Dans un entretien avec RBTH, la présidente de l’Union des musulmanes de Russie Nailia Ziganchina présente les activités de l’organisation, les défis et les obstacles auxquels sont aujourd’hui confrontées les disciples russes de l’Islam.

Quand en 2005 Nailia Ziganchina, originaire d’un village tatar de Mordovie et journaliste, a rejoint le Conseil clérical des musulmans de la république du Tatarstan (CCM RT), à la demande de ses collègues, elle a immédiatement lancé la création d’une association républicaine féministe.

En décembre 2005, le premier Congrès des femmes musulmanes réuni à Kazan sous les auspices du CCM RT a officiellement décidé la création de l’Union des musulmanes du Tatarstan. Plusieurs années plus tard, en 2002, cette union républicaine, qui a réuni quarante-deux autres régions russes, a rejoint une organisation panrusse : l’Union des musulmanes de Russie.

Nailia, pourriez-vous nous parler des principaux objectifs de l’Union des musulmanes ?

Nous sommes engagées dans tous les domaines à l’exception de la politique. En tant que mère et épouse, la femme est sollicitée dans tous les domaines : social, caritatif, éducatif. Nous avons visité de nombreux districts, aucune administration n’a jamais refusé de nous recevoir. Nos femmes se rendent dans les écoles.

Vous pensez que c’est si simple pour une femme en hijab de donner des leçons de moralité dans un établissement éducatif laïque ? Nous, on nous l’autorise. Nous visitons les maternelles, les orphelinats, organisons des camps de vacances. En outre, nous organisons des clubs pour femmes et jeunes filles, et nous les aidons à rencontrer des amies musulmanes de leur âge.  

Parvenez-vous à diffuser l’expérience du Tatarstan dans d’autres régions russes ?

Ici, au Tatarstan, nous avons la possibilité d’atteindre les cœurs, car c’est une région musulmane. Alors que nos sœurs travaillent avec des gens qui ne les comprennent pas autant, et avec qui elles n’ont pas de langage commun. Mais au-delà de la nationalité et de la confession, nous cherchons à expliquer que Dieu est unique et que nous aimons tous notre Créateur.

L’Union des musulmanes du Bachkortostan est en cours de formation, une équipe s’organise dans l’oblast de Kostroma, une autre à Saint-Pétersbourg, nous sommes ravies pour nos sœurs de Saratov qui ont déjà leur propre programme et ont choisi leur voie.

Les musulmanes du Caucase sont très actives : une équipe se forme rapidement en Karatchaï-Tcherkesses, une autre en Tchétchénie. Nos sœurs du Daguestan se sont consacrées au travail caritatif. Elles vivent dans une région difficile, donc le travail caritatif y est très demandé. Chaque région a sa spécificité.

Comment les jeunes musulmanes d’aujourd’hui perçoivent-elles le stéréotype selon lequel la femme doit s’occuper des enfants et rester à la maison ? On vous pose sûrement la question de moyens pour une femme musulmane de s’impliquer dans la vie publique.

Chez nous au Tatarstan cela n’arrive pas que les femmes musulmanes se marient, s’enferment et restent chez elles. Dans les universités religieuses, nous essayons d’inculquer l’idée que la femme doit être utile.

Bien sûr, il y a des musulmanes qui se marient et ont beaucoup d’enfants : elles n’ont, évidemment, pas le temps de se consacrer à la vie publique. Nous sommes heureuses pour elles. Mais il y a des musulmanes qui veulent se réaliser, trouver leur créneau. Beaucoup d’entre elles veulent être journalistes ou s’intéressent aux affaires.

Par le passé, au Tatarstan, il y avait un grand problème du hijab au travail : les musulmanes voilées avaient du mal à trouver un emploi.

Source : Service de presse

Ce problème existe encore. Il est impossible de faire comprendre à tous les employeurs qu’interdire à une musulmane de s’habiller comme elle le souhaite revient à violer ses droits, à l’insulter. Nous ne pouvons l’expliquer à tout un chacun. Parfois, certains disent : nous avons un dress code, c’est interdit chez nous.

J’ai rencontré le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Protection sociale Airat Chafigoulline. Je lui ai expliqué que le foulard n’empêche pas à une personne de manifester son talent et ses compétences. Le ministre a promis que si l’on rencontre des difficultés, il suffisait de solliciter le ministère et les employeurs concernés feraient l’objet de sanctions administratives.

Après cela, l’aversion envers le foulard s’est un peu calmée, mais il y a encore des cas. Nous visitions toujours un tel employeur, lui expliquons, défendons le bon droit de la femme. Mais si la personne ne comprend pas, n’entend pas et, surtout, si le collectif s’y oppose, nous conseillons à la jeune femme de chercher un autre travail.

Comment gérez-vous la question du hijab à l’école ?

C’est un sujet douloureux, bien que notre président Vladimir Poutine ait expliqué que chaque région peut avoir sa propre législation, en fonction des particularités nationales. Le président du Tatarstan Rustem Minnikhanov, interrogé à Saint-Pétersbourg sur la question du foulard à l’école, a répondu que le foulard n’était pas un obstacle.

Nous avons suggéré aux designers de développer un uniforme scolaire avec un accessoire supplémentaire. Car il faut également résoudre ce problème dans les régions non-musulmanes. Récemment, Vyacheslav Zaitsev a développé un tel modèle d’uniforme : lors du défilé, les enfants portaient un chapeau spécial. C’est également un exemple d’une solution possible pour cette question aussi discutée.

Collaborez-vous avec des organisations féministes non-musulmanes ?

Nous recevons de nombreuses propositions de la part d’organisations féministes qui travaillent essentiellement en Russie. Toutes nous proposent de collaborer dans tel ou tel domaine. Parfois, il s’agit du travail avec les enfants, parfois, d’activités caritatives. Nous apprécions toutes ces collaborations, car nous élargissons nos connaissances et notre expérience.

Collaborez-vous avec les pays arabes ?

Nous les rencontrons régulièrement pour échanger nos expériences et nous nous rendons également à des conférences au Koweït et en Arabie Saoudite. Il y a un an, une conférence à la Mecque a réuni des femmes de différents pays qui dirigent des fondations caritatives, des centres de la famille et des organisations féminines.

Bien sûr, nous avons noué des liens et nous travaillons sur de futurs projets communs. Nous voulons notamment créer une structure féministe internationale, dans laquelle chaque pays puisse exprimer sa propre expérience.

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