Les soldats ukrainiens réfugiés en Russie rentrent au pays

Selon les chiffres officiels, 438 militaires ukrainiens sont passés le 4 août sur le territoire russe, dont 164 gardes-frontières. Crédit : Ioulia Nassoulina/RIA Novosti

Selon les chiffres officiels, 438 militaires ukrainiens sont passés le 4 août sur le territoire russe, dont 164 gardes-frontières. Crédit : Ioulia Nassoulina/RIA Novosti

Un correspondant du quotidien Kommersant s’est rendu dans un camp abritant les soldats ukrainiens passés en territoire russe afin de fuir les combats. Il s’agit de troupes tombées il y a un mois dans la zone dite du « chaudron sud ». Selon les interlocuteurs du journal, d’autres régiments pourraient suivre leur exemple à l’avenir en cas d’encerclement.

Les soldats veulent retrouver leur maison et leur travail

Les soldats ukrainiens n’ont pas l’air brisés moralement. On raconte que pendant un temps, ils n'ont rencontré aucun problème de ravitaillement, les munitions et provisions leur étant larguées par avion. « Mais les avions ont commencé à tomber et des difficultés sont apparues ».

Beaucoup font partie de régiments venant de l’Ouest de l’Ukraine. La moyenne d’âge est de 35-40 ans. Les uniformes et les bagages à main sont en ordre et, à en juger les discussions entre les soldats et les officiers, la discipline a été conservée dans les troupes.

Les militaires se présentent cependant à contrecœur : ils ont peur des poursuites dans leur pays. Iouri, 50 ans et originaire de la région de Kiev, explique que son régiment a été encerclé pendant près d’un mois.

« Les quatre derniers jours de combat ont été particulièrement acharnés », se souvient-il. « On essuyait sans arrêt des tirs de mortier. Juste avant notre repli en Russie, nous avons dû nous défendre pendant onze heures ».

Iouri indique que les véhicules blindés du régiment ont été « détruits à 80% », mais que deux chars ont réussi à s’extirper. Avant de partir, il a photographié son char en morceaux avec son téléphone et a envoyé le cliché à son fils, « pour qu’il ne pense pas que son papa s’est rendu si facilement ».

Iouri ajoute que les morts n’ont pas été enterrés sur le lieu des combats : les miliciens leur ont donné l’autorisation d'emporter les corps et les blessés.

« Lorsque nous avons décidé de passer en Russie, près de 40 personnes étaient blessées et on comptait de nombreux morts », poursuit Iouri.

Son camarade de régiment Mikhaïl, 40 ans, confirme :

« Les pertes étaient énormes ».

Originaire d’un village dans les environs de Kiev, son tank a été détruit lorsque le régiment est tombé dans une embuscade aux alentours de la ville de Krasny Partizan, dans la région de Lougansk.

« Nous avons été appelés le 10 mars pour une période de préparation de dix jours. On ne parlait pas de guerre à l’époque », se rappelle Mikhaïl.

Beaucoup de soldats ont avoué au journaliste qu’ils « voulaient retrouver leur maison et leur travail ». Ils ne savent toutefois pas où ils seront envoyés après leur retour en Ukraine. Ils pourraient à nouveau se retrouver au front.

Kiev abandonne les soldats encerclés à leur sort

Selon les chiffres officiels, 438 militaires ukrainiens sont passés le 4 août sur le territoire russe, dont 164 gardes-frontières. Un couloir humanitaire a été ouvert aux Ukrainiens afin qu’ils puissent entrer en Russie. Un camp de campagne a été spécialement aménagé pour leur « donner la possibilité de prendre une douche, de mettre des vêtements propres et de manger». Plus de 180 soldats ukrainiens sont déjà rentrés dans leur pays via le point de passage « Matveïev Kourgan ». Les autres devaient partir dans la journée.

Kiev a aussi confirmé que « plusieurs militaires du 72ème régiment motorisé » avait été obligés de traverser la frontière avec la Fédération de Russie. Selon Alexeï Dmitrachkovski, représentant du centre de presse des forces armées, la décision de passer la frontière a été prise après que les troupes encerclées aient épuisé toutes leurs munitions.

D’après les analystes interrogés par Kommersant à Kiev, l’arrivée massive de soldats ukrainiens démontre que le régiment, encerclé dans ce qu’on appelle le « chaudron sud », aurait pu très vite être massacré. Environ un mois auparavant, entre 4 et 5 000 soldats ukrainiens s'étaient retrouvés coincés entre le territoire autoproclamé de la « République populaire de Donetsk » et la Russie. Ils devaient initialement couper cette république de la Russie, mais ont finalement été eux-mêmes pris au piège.

Lorsqu’un un groupe encerclé n’a plus de munitions, de nourriture et d’eau potable, les militaires ukrainiens doivent choisir entre mourir sous les tirs, se rendre aux miliciens ou passer en Russie après avoir détruit leur matériel, ce qu’ils ont finalement fait. Selon les interlocuteurs de Kommersant à Kiev, deux autres bataillons battus coincés dans le « chaudron sud » pourraient prochainement suivre l’exemple du 72ème régiment motorisé : le 28ème régiment de la garde mécanisée et le 78ème régiment aéromobile autonome. Dans ce cas, les groupes encerclés cesseront en réalité d’exister.

Kiev préfère néanmoins ne pas mettre l'accent sur le sort des soldats encerclés, en soulignant les succès obtenus sur d’autres fronts et en prédisant une victoire imminente sur les miliciens. Le conseiller du président ukrainien Iouri Loutsenko a ainsi déclaré que Kiev avait mis en place un « plan pour prendre Donetsk qui sera une surprise totale ».

Article initialement publié sur le site de Kommersant

 

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