Ukraine : les journalistes russes libérés par Ramzan Kadyrov

Oleg Sidiakine (à g.) et Marat Saïtchenko Crédit : Vladimir Astapkovitch/RIA Novosti

Oleg Sidiakine (à g.) et Marat Saïtchenko Crédit : Vladimir Astapkovitch/RIA Novosti

Le numéro un tchétchène Ramzan Kadyrov a usé de ses réseaux pour obtenir la libération de deux journalistes russes retenus depuis plusieurs semaines en Ukraine.

La libération des journalistes de LifeNews Oleg Sidiakine et Marat Saïtchenko, faits prisonniers le 18 mai à Kramatorsk par les miliciens de la Garde nationale ukrainienne, a d’abord été annoncé par le numéro un tchétchène Ramzan Kadyrov sur sa page Instagram. « Les journalistes russes sont libres ! », a écrit Kadyrov. Marat et Oleg ont passé la nuit à Grozny, puis ont embarqué pour Moscou à bord d'un vol spécial.

Il s’est avéré que les représentants de Kadyrov ont mené des négociations de plusieurs jours avec les autorités ukrainiennes et les dirigeants des services secrets qui cachaient le lieu de détention des journalistes, empêchaient tout contact avec les avocats et interdisaient à Marat et Oleg de téléphoner à leurs proches. La libération a échoué à plusieurs reprises, mais au final, un accord un peu être conclu.

Conditions de détention

Une fois libéré, l’opérateur Marat Saïtchenko a raconté avoir été détenu pendant plusieurs jours avec le correspondant Oleg Sidiakine dans une fosse souterraine par les militaires ukrainiens.

« Nous étions en route pour l’aérodrome (de Kramatorsk) afin de vérifier si les militaires ukrainiens l’avaient quitté, comme l'affirmaient les sources locales. A proximité de l’aérodrome, nous avons été braqués par les miliciens. Nous avons levés les mains en l’air et avons crié que nous étions des journalistes », raconte Saïtchenko.

Puis les journalistes ont été ligotés, amenés à bord d’un hélicoptère et transportés vers un camp de l’armée ukrainienne.

« Lorsque nous attendions l’hélicoptère, on nous a montré un missile air-sol Igla en disant, « vous êtes russes, et c’est une arme russe. En montant à bord de l’hélicoptère, j’ai vu que le missile, entouré d’une couette, était chargé à bord également. Tous les militaires étaient convaincus d’avoir arrêté des terroristes séparatistes et que cette arme était la nôtre », raconte Saïtchenko.

Les reporters ont passé les deux premiers jours dans une fosse. « Ensuite, on nous a chargés dans un coffre en métal pour un long trajet vers une destination inconnue », explique le journaliste. Ils ont ensuite appris avoir été transportés à Kiev.

Les journalistes ont passé les cinq derniers jours dans une pièce fermée, gardés par deux agents des forces spéciales Alpha. Les membres des services secrets accusaient les Russes de transport d’armes. Selon les journalistes, leurs gardes croyaient vraiment qu’il s’agissait de terroristes. « Nous avions les mains ligotées dans le dos, les chevilles scotchées, un sac sur la tête scotché au niveau du cou, nous avions du mal à respirer », raconte Saïtchenko.

Les services secrets n’ont présenté aucune excuse officielle aux journalistes.

« Quand on nous a de nouveau menottés et qu’on nous a mis des sacs sur la tête, on a pensé au pire. Mais lorsque nous sommes montés dans une voiture et avons entendu parler tchétchène, j’ai tout de suite été rassuré. J’ai alors compris qui est intervenu », raconte le reporter.

Une semaine en détention

Pour rappel, les journalistes de LifeNews ont été arrêtés le 18 mai par les miliciens de la Garde nationale ukrainienne à proximité de Kramatorsk. Plus tard, le ministère de la Défense ukrainien a confirmé l’arrestation des journalistes russes. Ensuite, une photo a été publiée sur les réseaux sociaux confirmant l’arrestation des journalistes par les militaires ukrainiens. Sur la photo, on voit les journalistes ligotés avec les militaires derrière eux.

Le ministère des Affaires étrangères russe a qualifié la situation « d’illégale » et a parlé d’un « traitement inhumain », soulignant que la détention des journalistes russes « confirme que la partie ukrainienne ne respecte pas (…) la liberté de parole ». Le ministre Sergueï Lavrov a exigé la libération de Saïtchenko et de Sidiakine et a sollicité l’aide du président de l’OSCE. La même demande a été adressée à ce dernier par la Commissaire aux droits de l’homme russe Ella Pamfilova.

Les Etats-Unis ont d’abord douté de la qualité professionnelle des jeunes hommes détenus. Toutefois, Jennifer Psaki, porte-parole du département d'État américain, a ensuite déclaré : « Nous appelons le gouvernement ukrainien à conduire une enquête sur ces incidents et à libérer ces personnes s’il s’agit de journalistes légitimes qui ne sont pas impliqués dans des activités illégales ». Les représentants de l’organisation internationale de défense des droits de l’homme Human Rights Watch ont également pris la défense des journalistes.

La chaîne de télévision LifeNews, qui emploie les journalistes, a organisé une campagne de sensibilisation sur leur détention sur les réseaux sociaux, utilisant le hashtag #SaveOurGuys. De nombreuses personnalités russes et étrangères ont soutenu la campagne.

Contexte

Des journalistes russes ont été agressés par le gouvernement de Kiev à plusieurs reprises.

Lundi dernier, la police ukrainienne a demandé à des journalistes de VGTRK (holding publique russe de radio-télévision) de quitter le pays avant le 19 mai, les menaçant, dans le cas contraire, de poursuites judiciaires. Auparavant, les journalistes étaient soupçonnés d’avoir commis un crime grave, sans aucune précision sur la nature de ce dernier.

Le 15 mai, les militaires ont ouvert le feu sur une équipe de tournage de RT ; le 13 mai, des journalistes de LifeNews ont essuyé des tirs, puis cinq jours plus tard, ils ont été arrêtés à Kramatorsk.

Le 9 mai, les membres de la Garde nationale ont blessé le correspondant de RT Fédor Zavaleïkov lors d'une opération à Marioupol.

Le 2 mai, un sniper ukrainien a ouvert le feu sur la voiture des journalistes du quotidien russe Komsomolskaïa Pravda à proximité de Slaviansk.

Le gouvernement ukrainien entrave également le travail des journalistes russes – ils sont souvent interdits d’entrée sur le territoire ukrainien, ceux qui sont déjà sur place sont expulsés en raison de leur interprétation gênante des événements. Le 16 mai, on a appris qu’au cours d’une seule journée, l’Ukraine avait interdit à dix journalistes russes d’entrer sur son territoire par crainte de « travail non-autorisé dans les zones frontalières ».

 

Sources : LifeNews.ru, Lenta.ru, interfax.ru

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