Mikhaïl Kalachnikov s’est repenti d’avoir inventé le célèbre AK-47

Mikhaïl Kalachnikov Crédit : Reuters

Mikhaïl Kalachnikov Crédit : Reuters

Mikhaïl Kalachnikov, père du légendaire fusil d’assaut soviétique AK-47, a adressé peu avant sa mort une lettre au Primat de l’Église orthodoxe russe, le patriarche Cyrille, dévoilant qu’il regrettait les souffrances infligées à de nombreux gens à l’aide de son invention.

L’illustre Mikhaïl Kalachnikov avait-il des remords d’avoir inventé le fusil d’assaut le plus répandu dans le monde, utilisé dans de nombreux conflits autour du monde entier et même baptisé par certains « une arme de destruction massive » ? Cette question avait fait l’objet de débats acharnés tout au long de la vie du célèbre ingénieur soviétique. Et c’est seulement après son décès qu’il s’est avéré que Kalachnikov avait en effet écrit une lettre au patriarche russe Cyrille, exprimant les regrets qui le torturaient.

« Ma douleur est insupportable »

Dans la lettre, datée du 7 avril 2013 et portant sa signature manuscrite, Kalachnikov admet qu’il se sentait responsable de la mort des gens tués par le fusil qu’il avait inventé.

« Ma douleur est insupportable, et je me pose toujours cette question insoluble : si mon fusil a supprimé des vies humaines, est-ce donc moi, Mikhaïl Kalachnikov, âgé de 93 ans, fils d’une paysanne, chrétien orthodoxe, qui est responsable de la mort de ces humains, même s’ils étaient des ennemis ? », s’interroge-t-il.

Il est à noter que Kalachnikov nomme son invention « une arme-miracle » et qualifie les « rivaux principaux, les Américains » d’« amis ».

« Nous (l’URSS) avons toujours vécu de l’air du temps, dans certains domaines nous devancions même nos rivaux principaux, les Américains, mais quant aux relations humaines, nous étions amis, bien que nous servions des systèmes sociaux différents et incompatibles à l’époque », écrit l’inventeur.

M. Kalachnikov partage également dans sa lettre ses réflexions sur la condition humaine et le sort de la Russie.

« Oui, le nombre de temples et de monastères augmente dans notre pays, mais le mal ne recule pas ! Le bien et le mal existent côte à côte, se combattent et – ce qui est le pire de tout – se réconcilient dans les cœurs des gens : voilà ce que j’ai compris à la fin de ma vie terrestre. Cela fait penser au mouvement perpétuel que je désirais tellement découvrir quand j’étais jeune. La lumière et l’ombre, le bien et le mal, sont-ils deux parties d’un ensemble qui ne peuvent pas exister un sans l’autre ? Est-ce que Dieu a tout organisé de cette manière ? L’humanité sera-t-elle obligée de languir éternellement dans cet état ? », se demande-t-il.

Kalachnikov souligne dans son message l’importance de l’Église orthodoxe russe qui, selon lui, « porte au monde les valeurs sacrées de bonté et de miséricorde ».

« Dans mes dernières années, le Seigneur m’a conduit à l’aide de mes amis à découvrir les saints sacrements, à me confesser et à recevoir la communion au Corps et au Sang du Christ », dévoile-t-il.

« Pécheur, je fais confiance à vos mots et votre sagesse pastorale. J’étudie vos prédications et les réponses que vous donnez aux lettres des gens dont les âmes sont perplexes par la vie. Vous donnez à de nombreuses personnes la Parole de Dieu, et les gens ont vraiment besoin d’un soutien spirituel », note Kalachnikov dans sa lettre.

« Il n’a jamais révélé ce qu’il éprouvait »

Le porte-parole du patriarche Cyrille, Alexandre Volkov, a confirmé que le primat de l’Église russe a reçu le message de Kalachnikov et lui a répondu dans une lettre privée.

« Cette lettre était très pertinente au cours des récentes attaques contre l’Église. Le patriarche a remercié le légendaire ingénieur de l’attention qu’il lui accordait et de sa position et a souligné qu’il représentait un exemple du patriotisme et de l’attitude correcte envers son pays », a déclaré M.Volkov.

Le responsable a en outre fait remarquer que l’Église orthodoxe russe avait en effet une position ferme sur les armes : lorsque celles-ci sont utilisées pour protéger la Russie, l’Église soutient leurs créateurs ainsi que les militaires que les emploient.

« Il a inventé son arme pour défendre sa patrie et non pas pour que des terroristes d'Arabie saoudite s'en servent », a-t-il expliqué.

La fille de Mikhaïl Kalachnikov, Elena, a pour sa part appelé le public à éviter des attitudes péremptoires quant à la confession de son père.

« On ne peut pas dire qu’il visitait toujours les services ou qu’il a vécu en respectant strictement les commandements. Nous ne devons pas oublier à quelle génération il appartenait. Après tout, parfois les gens parlent de la foi en Dieu, mais ne sont pas eux-mêmes des croyants. Et, au contraire, on peut croire, mais ne pas en parler. Mon père n’a jamais révélé ce qu’il éprouvait. Je me rappelle que je lui ai offert en 1999 une croix en pendentif, et je l’ai mis sur son cou – on peut dire que je l’ai forcé à le mettre – et je lui ai demandé de faire un signe de la croix, mais il m’a dit qu’il ne pouvait pas le faire et il a juste mis la main sur son cœur », dit Elena.

Contexte

Des inventeurs d’armes ont souvent été déçus par leurs créations dans leurs dernières années. Ainsi, Robert Oppenheimer, créateur de la bombe atomique, a été choqué par le pouvoir destructif de son invention, démontré à Hiroshima et à Nagasaki. Après les bombardements, il a lutté contre l’usage et le développement d’armes nucléaires.

 

 

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