Crédit photo : RIA Novosti
La marche de soutien aux prisonniers politiques a été autorisée par l’administration de Moscou au dernier moment, comme l’indiquent les organisateurs de la manifestation. Ils expliquent avoir été contraints d’informer l’administration qu’en cas de refus, les gens viendraient malgré tout.
Vers deux heures (l’heure du rassemblement des participants), seules quelque 500 personnes étaient réunies dans le centre de Moscou, informe le quotidien Moskovski Komsomolets. Une heure plus tard, lorsque la colonne devait commencer la marche, ils étaient environ 5 000.
Outre les participants habituels des marches de l’opposition, des personnages inattendus ont été remarqués dans le cortège: les rangs des opposants ont été rejoints par deux moines bouddhistes.
«Nous représentons l’ordre du sutra du lotus, une mouvance bouddhiste originaire du Japon. A Moscou, nous ne sommes que 10, mais dans le monde nous sommes des centaines. Nous avons soutenu toutes les manifestations depuis la guerre de Tchétchénie », — a dit Felix Chvedovski, tout en tapant sur un tambourin et en chantant une prière. Les bouddhistes priaient pour le rétablissement de la justice et de la paix dans le pays.
La manifestation s’est déroulée sans incidents, même les slogans n’ont été scandés que les 10 premières minutes de la marche, ensuite le cortège a marché dans le silence.
Le rédacteur en chef adjoint d’Echo de Moscou Vladimir Varfolomeev a noté sur son Twitter que 5 000 manifestants est un grand succès. Les manifestations précédentes organisées autour des mêmes revendications n’ont pu réunir que 2 000 personnes au maximum, a-t-il souligné.
Toutefois, en comparaison aux autres manifestations organisées dans la capitale ces dix-huit derniers mois, ce chiffre est très bas.
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Ilya Konstantinov, directeur adjoint de l’Institut de la promotion de la société civile et de gouvernance locale, a annoncé que les manifestants étaient plus nombreux, 7 à 8 000 personnes environ, mais c’est effectivement bien moins que le nombre de manifestants réunis il y a un an.
Le spécialiste estime que l’activité de contestation est en chute, et cela est motivé par plusieurs raisons.
« Premièrement, il y a une lassitude générale vis-à-vis de la contestation. Les gens manifestent, exigent, mais ne parviennent pas à faire respecter leurs exigences. Aussi, ils sont déçus et naturellement las », explique le spécialiste.
« Deuxièmement, l’opposition s’est divisée. Par exemple, il n’y avait aucun participant de gauche à la manifestation d’hier, alors qu’auparavant, ils représentaient une part importante. Les nationalistes ne sont pas venus non plus ».
Olga Krychtanovskaia, spécialiste en étude des élites note également non seulement une baisse, mais des changements structurels au sein du mouvement de contestation.
« Ces derniers temps, le mouvement de contestation se réduit et vieillit. L’âge moyen des participants était de 35 ans, il est désormais de 40 ans. Les sentiments politiques ne sont plus une nouveauté, ils ont perdu en intensité. Par ailleurs, la fréquence des événements a crû alors que le nombre de participants a baissé. La partie qui reste comporte désormais un noyau radical, assez dangereux. C’est un groupe de jeunes qui veulent utiliser des méthodes dures, parfois extrémistes. Les gens calmes ont déserté la rue ».
Evgueni Mintchenko, directeur de l’Institut international d’expertise politique, estime qu’actuellement, quelque 100 000 personnes sont prêtes à manifester, mais il leur faut une bonne motivation.
«Hypothétiquement, cette motivation aurait pu être l’élection à la mairie de Moscou, mais cette dernière a été organisée de manière à enrayer la contestation. En outre, il était important pour Alexeï Navalny de montrer non seulement qu’il est capable de mobiliser les manifestants, mais qu’il est également inutile de les démobiliser », - explique le politologue.
Krychtanovskaia partage son opinion. Elle estime que les prisonniers politiques ne sont pas la motivation la plus significative. Elle souligne qu’actuellement les réseaux sociaux comptent de nombreux jeunes radicaux qui considèrent que la Russie ne peut être unie que sous des slogans extrémistes et qui appellent à agir hors champ légal.
Ilya Konstantinov note également une restructuration du mouvement de contestation, mais ne s’aventure pas dans les pronostics de sa forme future.
«Les questions posées en hiver 2011-2012 n’ont pas trouvé de réponse. Aussi, la contestation continuera, mais sans doute sous d’autres slogans et avec d’autres leaders. La demande de la société de développer des institutions démocratiques perdure, mais le parti au pouvoir n’y apporte pas de réponse adéquate », - conclut l’expert.
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