Crédit : AP
En premier lieu, il faut souligner une fois de plus que cette affaire s’est déroulée à la frontière de la juridiction russe. Le bateau Arctic Sunrise, qui contenait les bateaux pneumatiques dans lesquels les activistes ont atteint la plateforme avant de tenter d’y descendre, circulait sous pavillon néerlandais et manœuvrait plus de trois milles au-delà de la limite du site de forage. L’incident n’a pas entraîné de détérioration des installations ni de victimes humaines. Pourtant, l’équipage est accusé de piraterie.
La loi russe définit la piraterie ainsi : « attaque sur un navire maritime ou fluvial afin de s’approprier des biens appartenant à autrui, pratiquée avec recours à la violence ou en menaçant d’y recourir ». C’est pourquoi les actions des écologistes, d’un côté, peuvent être qualifiées de piraterie (tentative d’appropriation de biens). Mais d’un autre côté, l’objet de l’attaque par le navire ne peut être déterminé. La plateforme Prirazlomnaïa est une installation fixe, ancrée sur le fond de la mer, et les actions illégales contre elle ou son équipage doivent être qualifiées autrement que sous le terme de « piraterie ».
D’après le Protocole de lutte contre les attaques illégales envers la sécurité des plateformes stationnaires situées sur le plateau continental, il est possible de qualifier de délit l’occupation d’une plateforme fixe ou la prise de contrôle d’une telle installation au moyen de la force ou d’une menace d’emploi de la force ou de toute autre forme d’intimidation. Tout acte de violence contre des personnes qui se trouvent sur la plateforme et toute menace contre sa sécurité seront aussi considérés comme des délits.
C’est pourquoi il est possible de dire que les activistes de Greenpeace ont commis un délit lorsqu’ils ont tenté de descendre sur la plateforme, et que les actions des douaniers étaient légales. Les forces de l’ordre ont le droit d’étendre aux contrevenants leur compétence pénale. Cela signifie que les actions des écologistes peuvent être traitées selon l’article « Infraction à la législation de la Fédération de Russie sur le plateau continental et sur la zone économique exclusive de la Fédération de Russie ».
La présence d’un navire étranger dans les eaux territoriales russes est légale si le navire effectue un passage pacifique et se dirige vers l’un des ports russes. Ainsi, si l’Arctic Sunrise est entré dans les eaux territoriales, il a enfreint la loi russe « Sur la frontière de la Fédération de Russie ». Si l’Arctic Sunrise se trouvait dans la zone économique exclusive russe, il est possible de considérer que le navire a contrevenu à la loi pour d’autres faits : s’il transportait des esclaves ; faisait de la piraterie ; faisait du commerce de drogue ; procédait à des émissions non sanctionnées à partir de la mer ; ou a détruit un câble sous-marin.
Afin d’empêcher ce type d’infractions (si, effectivement, des doutes ont surgi concernant une menace de piraterie), les bateaux des forces de défense des frontières de la Fédération de Russie pouvaient être mis à contribution, en tant que membres des forces de l’ordre. Mais surgit ici un autre problème : d’après la Convention internationale sur la saisie conservatoire des navires de 1999, l’Arctic Sunrise doit être libéré sans délai après paiement d’une caution. Par conséquent, la libération ne dépend plus que d’une somme d’argent. La levée d’écrou n’aura pas de conséquence sur l’enquête ultérieure : ce n’est pas la reconnaissance d’une responsabilité ou un rejet d’une défense ultérieure.
Le Comité d’enquête de Russie a ouvert mardi une enquête pour « piraterie » contre les écologistes de Greenpeace qui avaient été arrêtés dans la Mer de Pechora. La semaine dernière, après leur tentative de descente sur la plateforme « Prirazlomnaïa », des activistes venus de pays divers ont été arrêtés de même que leur brise-glace, et conduits jusqu’au port de Mourmansk. A leur arrivée, les membres de l’équipe multinationale du bateau ont été interrogés et, d’après plusieurs sources citées dans la presse, ils ont été enfermés dans une maison d’arrêt.
L’auteur est le directeur des études de la faculté de Droit maritime de l’Université de la flotte maritime et fluviale S.O. Makarov.
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