Source : RIA Novosti
Le premier à avoir annoncé la triste nouvelle est l’autre fondateur de « Yandex », Arkadi Voloj, sur le blog officiel de la société. Ami de Segalovitch depuis l’enfance, Voloj a été laconique : « Il est parti aujourd’hui dans la nuit. Tout s’est passé trop vite et subitement. »
« Je ne sais pas ce qui pourra remplacer son savoir encyclopédique sur les technologies et sa claire vision du produit », a écrit Voloj. « Mais il a laissé derrière lui une génération entière de nouveaux programmateurs, toute une école. Et il nous a fixé à tous ses normes éthiques ».
Jeudi dernier encore, le 18 juillet, Segalovitch a présenté la nouvelle plateforme numérique du moteur de recherche « Yandex », « Ostrova », aux partenaires turcs de la société. C’est sa dernière apparition publique.
Les raisons de la mort ne sont pas précisées. Le magazine Forbes a rapporté, en référence au représentant de « Yandex », que Segalovitch souffrait d’un cancer à l’estomac. « L’affection avait atteint un stade critique, et l’entrepreneur avait un temps combattu avec succès le cancer », écrit Forbes. « Mais la nuit dernière, il a fait une rechute létale ».
La nouvelle de la mort de Segalovitch a secoué le Runet (internet russe), a été publiée sur twitter en russe, et a fait l’objet de dépêches sur les réseaux sociaux. De nombreuses personnalités de l’industrie ont estimé qu’il était de leur devoir de s’exprimer, et ont présenté leurs condoléances.
« Il était un ‘capitaliste idéal’, qui gagnait son l’argent grâce à sa tête et à son labeur, était personnellement engagé dans des organisations de charité, et n’avait pas peur de soutenir ouvertement des projets à caractère politique », a écrit le célèbre opposant Alexeï Navalny sur son blog, qui est actuellement candidat au poste de maire de Moscou.
« Il était un pilier fondamental de l’industrie des TIC (technologies de l’information et de la communication) en Russie et a aidé à créer des applications mobiles pour les observateurs électoraux ».
Navalny a ajouté que la dernière fois qu’il avait vu Segalovitch, c’était lors de la marche du 6 mai dédiée aux prisonniers politiques. « Il marchait modestement avec tous les autres dans un manteau gris à capuche. Vive mémoire. Il était très bon », se souvient Navalny sur son post.
« C’était un homme infiniment bon, sensible et pur, que l’on ne pouvait pas corrompre ni par les mots, ni par l’argent, ni par les investor relations », a écrit le gourou du net Anton Nossik, qui est souvent qualifié de père du Runet.
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Segalovitch est né dans une famille de géologues à Nijni-Novgorod (à 400km à l’Est de Moscou) sur la Volga, que l’on appelait alors Gorki. Il a passé son enfance au Kazakhstan, où son père a ouvert dans les années 60 le plus grand gisement de chromites d’URSS.
À l’école républicaine de physique et de mathématiques d’Alma-Ata, alors capitale du Kazakhstan, Segalovitch a fait la connaissance d’Arkadi Voloj.
Après l’école, leurs chemins se sont séparés pour quelques temps, Segalovitch entrant à la faculté de géophysique de l’Institut de prospection de Moscou, avant de travailler à l’Institut des ressources minérales.
« Depuis 1990 a surgi une forte impression qu’il faut faire quelque chose encore », écrivait Segalovitch dans son autobiographie sur l’un des forums pour les développeurs.
Alors, la sortie a été la société de Voloj et d’un autre entrepreneur, Arkadi Borkovski. « J’ai commencé à travailler chez eux. Petit à petit, j’ai pris de l’audace et je me suis mis à tout optimiser, classant les principaux développeurs », se souvenait Segalovitch.
En 1993, l’idée de « Yandex » est apparue, celle d’un indexeur rapide pour l’utilisateur final, comme le décrivait Segalovitch. La première version du programme, un moteur de recherche encore local, est apparue à l’automne, et au bout de deux Segalovitch et Voloj ont décidé de créer un moteur de recherche pour internet. Il est sorti en 1997.
La société-même de « Yandex » a été créée par Segalovitch et Voloj en 2000. L’idée de la marque était aussi d’Ilia, combinant la lettre « ya » au mot « index ». « Je me sépare très mal de ‘Yandex’, j’y suis très fortement intégré », avait déclaré Segalovitch en septembre 2012 lors d’une interview avec le web magazine Snob.
« Avec mes collègues, nous posons devant nous une tâche très difficile et ambitieuse, celle de créer une firme internationale ».
Il a atteint son but : en 2011, l’entrée de Yandex en bourse a été un succès, avec une capitalisation de plus de 8 milliards de dollars. En 2013, Segalovitch a occupé le poste de directeur technique de la société, possédait 2,5% de son capital et 6,87% des voix de « Yandex », et est entré au conseil de direction.
Son souhait « de faire quelque chose encore » ne s’est pas limité à ses recherches et réalisations professionnelles. En 1993, Segalovitch et son épouse Maria ont fondé une organisation de bienfaisance, « Les enfants de Maria », pour aider les enfants orphelins et les enfants sortant de foyers d’accueil dans leur réhabilitation sociale à travers les arts créatifs.
Le dernier post de la page Facebook de Segalovitch date du 16 juillet, précisément à ce sujet. À côté de d’une photo sur laquelle des dizaines de jeunes gens souriants tiennent un panneau sur lequel sont dessinées des girafes, on peut lire : « Eh bien en attendant, les Enfants de Maria m’ont aujourd’hui fait une dédicace renversante. Les girafes sont juste géniales ».
À la question de savoir ce qu’il aurait aimé inventer, dans cette interview de Snob, Ségalovitch a répondu : « Une machine à remonter le temps, comme en possède Hermione Granger de ‘Harry Potter’. D’ailleurs, j’ai traduit les sept tomes de cette histoire, et je les ai lus à haute voix à mes enfants. J’aurais aimé avec une baguette magique faire des miracles, que hop ! le système électoral fonctionne, et hop ! tous les orphelins des foyers pour enfants soient adoptés par une famille. Pour une telle invention, j’aurais donné tout l’argent que vous voulez ».
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