La Russie va résoudre ses conflits interethniques

Plus de 5000 individus s’étaient réunis sur la place du Manège en réaction à la mort cinq jours plus tôt d’Egor Sviridov, supporter du club Spartak Moscou, décédé lors d’une bagarre entre des supporteurs de football et des immigrés du Nord Caucase. Crédit Photo : ITAR-TASS

Plus de 5000 individus s’étaient réunis sur la place du Manège en réaction à la mort cinq jours plus tôt d’Egor Sviridov, supporter du club Spartak Moscou, décédé lors d’une bagarre entre des supporteurs de football et des immigrés du Nord Caucase. Crédit Photo : ITAR-TASS

Le gouvernement russe est prêt à se battre contre les conflits interethniques et a pour cela élaboré un plan en 82 points. Parmi la série de mesures promues par les ministres, on trouve le financement d’organisations à but non lucratif chargées de l’intégration des immigrés, le soutien d’un plus grand nombre de festivals et séminaires culturels, ainsi que la mise en place dans les écoles et les universités de cours consacrés aux « relations culturelles et interethniques ». Les experts s’accordent à dire qu’un plan d’une telle envergure en matière de politique d'intégration ne s’était pas vu depuis cinquante ans.

Immédiatement après les troubles sur fond de tensions interethniques qui ont fortement secoués la ville de Pougatchev dans l’oblast de Saratovskaya, le cabinet ministériel a validé l’élaboration d’une stratégie pour la politique nationale.

Ainsi adoptée, la Stratégie pour la politique nationale de la Fédération de Russie a l’horizon 2025, rédigée par le Ministère du développement régional, comprend 82 points allant de la culture à l’éducation, en passant par la sécurité.

Les autorités devront en premier lieu élaborer un programme d’objectifs fédéraux pour le renforcement de la nation russe et de la diversité ethnique d’ici 2020. Un centre d’études scientifiques est même en préparation à l’intention des autorités en charge de la réalisation de ce document. Des spécialistes en relations interethniques devront ainsi être formés au sein d’établissements d’enseignement étrangers.

L’éducation représente l’un des instruments essentiels promu par la stratégie. Une nouvelle matière fera notamment son apparition dans les écoles et les universités : « La culture des relations interethniques ».

Les activités à vocation culturelle, telles que la tenue de festivals, la célébration de journées commémoratives, l’organisation d’expositions et de fêtes pour la jeunesse, se verront quant à elles doter d’un soutien primordial. Les autorités soutiendront aussi bien la littérature slave que la célébration des 700 ans de la naissance du saint orthodoxe Serguei Radonejski ou les 150 ans de l’immigration coréenne en Russie.

Le document prévoit par ailleurs des activités à destination des jeunes, avec en été des cours en politologie et des centres de vacances dans la région de Kalouga sur le thème de l'« ethno-monde ». Des activités sportives sont aussi prévues. Plusieurs programmes télévisés et films documentaires sur les différents peuples de Russie doivent être tournés.

Si le moyen d’éradiquer définitivement les conflits reste toujours à trouver, il est cependant manifeste que les autorités se doteront d’une méthodologie pour l’identification et l’élimination de ces conflits. 

De même, conformément aux dispositions du gouvernement, il est prévu d’apporter des modifications à la législation, notamment en ce qui concerne le maintien de l’ordre lors de rassemblements sportifs, car ce sont bien parmi les supporteurs qu’apparaissent souvent des conflits interethniques. Les débordements massifs du 11 décembre 2010 à Moscou font figures d’exemple probant.

Ce jour-là, plus de 5000 individus s’étaient réunis sur la place du Manège en réaction à la mort cinq jours plus tôt d’Egor Sviridov, supporter du club Spartak Moscou, décédé lors d’une bagarre entre des supporteurs de football et des immigrés du Nord Caucase. L’enquête des services de police avait été perçue comme bâclée, déclenchant l’ire des manifestants.

Le meeting sur la place du Manège dégénéra alors en affrontement avec les forces de l’ordre. Au final, les émeutes firent plus de dix victimes. Plusieurs dizaines de supporteurs furent arrêtés. Après ces débordements, on assista dans les villes de Russie à une série de manifestations et d’agressions à l’encontre des immigrés des républiques du Caucase.

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Des mesures répressives se retrouvent ainsi parmi les propositions du gouvernement. On envisage la conduite de vérifications concernant les agissements des associations ayant pour objectif la promotion d’extrémismes nationalistes et religieux, et la diffusion de contenus à caractère extrémiste. Une attention particulière sera portée sur leurs sources de financement.

A l’opposé, un soutien financier est prévu pour les organisations à but non lucratif promouvant les relations interethniques. Les autorités soutiendront de même les mouvements de volontaires et d’étudiants. Le développement de l’ethno-tourisme est également à l’ordre du jour.

Toujours selon cette stratégie, des cours de langue russe seront ouverts dans les pays d’origine de la majorité des travailleurs immigrés.

Il est aussi recommandé de lancer immédiatement plusieurs mesures de surveillance à l’égard des équilibres interethniques au travail ou dans des situations potentiellement conflictuelles.

Le président du mouvement citoyen Le congrès russe des peuples du Caucase, Aslambek Paskatchev, a pris part à la préparation de ce document.

Selon lui, il est essentiel à présent de financer pleinement le programme et d’amorcer sa réalisation : « C’est la première stratégie de politique nationale depuis 50 ans. Pour la première fois, nous sommes en présence d’un programme complet visant à la sauvegarde des intérêts du pays en matière de relations interethniques. Toutes ces questions étaient auparavant prises en charge par différents ministères et services, sans aucune coordination, car nous n’avions d’après la Constitution aucun institut ni département chargés de réfléchir aux problématiques nationales : voila pourquoi c’était difficile de travailler dans ce domaine. »

Il affirme que le travail sur les problématiques interethniques doit se faire de concert avec les ONG, et se réjouit que le soutien de ces dernières soit mis en avant dans le plan du gouvernement. En outre, M. Packatchev précise que la composante culturelle est d’une grande signification et que, par conséquent, il faut lui accorder beaucoup d’attention.

« Par exemple, chez les jeunes, c’est précisément la familiarité avec d’autres cultures qui leur procure un sentiment de sécurité. En soi, un festival ne résout pas les conflits, mais il permet une connaissance des autres cultures », affirme-t-il. Aslambek Paskatchev souligne que, même si l’énoncé des mesures comporte déjà 82 points, il faudra encore le modifier et l’approfondir.

Valerie Khomyakov, directeur général du Conseil pour la politique nationale, est lui certain que la normalisation des problématiques inter-ethniques passe par la lutte contre la corruption et par la condamnation des fonctionnaires coupables d’atteintes aussi bien aux droits des immigrés qu’à ceux des anciens habitants.

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