Des orphelins russes à l'école d'Ivankovo, région de Novossibirsk. Crédit : Alexandre Kriajev/RIA Novosti
Mardi 18 juin, la chambre basse du Parlement russe (Douma) a approuvé, en deuxième lecture, à 443 voix contre 7, un projet de loi interdisant l’adoption d’enfants russes par des couples homosexuels étrangers, ainsi que par les personnes célibataires, dont les pays ont légalisé le mariage entre personnes de même sexe.
Ce projet de loi fait suite à l’adoption de la loi sur le mariage pour tous, promulguée le 18 juin dernier par François Hollande, qui ouvre le mariage et l’adoption aux personnes de même sexe.
« Que l’Occident fasse sa propre expérimentation sociale sur les enfants chez elle, mais la Russie n’y participera pas », a affirmé l’un des auteurs du texte, Elena Mizoulina, chef du Comité de la Douma pour le droit des femmes et des enfants.
Selon elle, il est indispensable d’apporter des garanties supplémentaires à l’accord d’adoption avec la France pour s’assurer que les enfants russes ne se retrouvent pas dans des familles de personnes de même sexe.
Avocat spécialisé en adoption, Anton Jarov se questionne sur l’utilité d’une telle loi.
« Je n’imagine pas qu’un juge puisse autoriser l’adoption d’un enfant russe en France, à une famille du même sexe. Cela ne répond pas à la représentation actuelle de la famille dans notre pays », a-t-il précisé dans une interview à la chaîne russe Dojd. « Personnellement, je ne connais pas un seul cas de couple français du même sexe venu spécialement en Russie pour adopter un enfant ».
Selon Anton Jarov, l’adoption internationale est possible à partir du moment où la démarche se fait dans l’intérêt de l’enfant et si cet enfant, en Russie, n’a plus que l’orphelinat.
L’Eglise orthodoxe russe soutient pleinement l’interdiction de l’adoption par des couples homosexuels.
« La récente reconnaissance, par certains pays, de couples du même sexe en tant que famille, induisant de ce fait le droit à l’adoption, est le résultat d’un long processus vers le renoncement aux notions de chasteté, d’abstinence, de fidélité au sein du couple », a déclaré le responsable du Département synodal de l’information de l’Eglise orthodoxe russe Vladimir Legoïda. « Cette expérimentation, que certaines sociétés font subir aux enfants qui sont placés dans un système de relations basées, selon l’Eglise, sur un péché, est une abomination ».
Dans une récente interview à la chaîne REN TV, Elena Mizoulina avait même proposé le retrait des enfants russes déjà adoptés par des familles du même sexe.
Ces derniers temps, Mme Mizoulina s’est fait connaître comme l’auteur d’un certain nombre d’initiatives à fort retentissement, notamment deux lois, adoptées le 11 juin dernier en troisième lecture, interdisant tout acte de «propagande» devant un mineur concernant les relations sexuelles non traditionnelles (homosexualité et bisexualité) et le transsexualisme.
Signée en décembre 2012 par le président des Etats-Unis Barack Obama, la loi Magnitski fait suite à l’affaire Sergueï Magnitski, avocat fiscaliste russe emprisonné en Russie dans des conditions inhumaines, mort en 2009 à la suite de tortures. La loi prévoit l’interdiction de l’entrée aux Etats-Unis pour les fonctionnaires russes et autres personnes impliquées dans « l’affaire Magnitski », soupçonnées de violations des droits de l’homme et dont les activités ne font pas l’objet d’une enquête par les services de maintien de l’ordre russes.
Fin 2012, le Comité de Mme Mizoulina a activement soutenu la loi interdisant l’adoption aux citoyens américains, en riposte à l’adoption par le Congrès américain de la loi Magnitski, qui prévoyait des sanctions à l’encontre de dirigeants russes impliqués dans des violations des droits de l’homme.
De son côté, la loi russe qui dénonce l’accord d’adoption russo-américain entrée en vigueur le 1er novembre 2012 a été baptisée «Dima Iakovlev», en mémoire à l’enfant russe de 21 mois adopté aux Etats-Unis en 2008 et mort oublié par son père adoptif dans une voiture en pleine chaleur. Le père a été relaxé par le tribunal américain en décembre 2008.
Au moment de l’élaboration du projet de loi sur l’interdiction de l’adoption par des couples homosexuels, l’hypothèse d’une interdiction totale de l’adoption internationale a également été émise, mais c’est une version plus clémente qui a finalement été retenue.
Au cours des 12 dernières années, le mariage homosexuel a été légalisé en Argentine, en Belgique, au Brésil, au Danemark, en Islande, en Espagne, au Canada, aux Pays-Bas, en Norvège, au Portugal, en Suède, en Afrique du Sud, ainsi que dans 14 Etats américains. En août prochain, l'Uruguay et la Nouvelle-Zélande viendront agrandir cette liste.
En 2012, près de 58% des orphelins russes adoptés par des couples étrangers l’ont étés par des citoyens de ces pays.
Selon le Centre panrusse d’étude de l’opinion publique, la part des Russes soutenant l’interdiction complète aux couples étrangers en provenance de ces pays est passée de 32% en 2005 à 64% en 2013.
Le nombre d’enfants adoptés par des citoyens russes est passé de 9 530 en 2007 à 6 565 en 2012. Le nombre d’adoptions internationales a atteint son record (9 419) en 2004. Depuis, ce chiffre est en déclin. L’année dernière, ils sont 2 604 orphelins russes à avoir été adoptés par des étrangers.
Le nombre d’enfants placés sous tutelle ou dans des familles d’accueil russes où ils pourront vivre jusqu’à leur 18 ans a également baissé, passant de 50 mille en 2011 à 46 mille en 2012.
Selon la Vice-Premier ministre chargée des Affaires sociales Olga Golodets, à l’heure actuelle, ils seraient plus de 118 mille enfants orphelins dans l’attente d’une famille, et leur nombre ne cesse d’augmenter.
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