Mauvaise année pour les droits de l’homme

La participante d'une manifestation de soutien à l'opposant Alexeï Navalny. Slogan sur la pancarte : "Pour les Droits de l'homme". Crédit : Andreï Stenine/RIA Novosti

La participante d'une manifestation de soutien à l'opposant Alexeï Navalny. Slogan sur la pancarte : "Pour les Droits de l'homme". Crédit : Andreï Stenine/RIA Novosti

Le rapport examine la situation dans 159 pays. Il rappelle que cette année, la Russie a adopté des lois restreignant la liberté d'expression, d'association et de réunion. Amnesty International est elle-même confrontée à une situation difficile après la promulgation de la nouvelle loi sur les ONG.

Amnesty International a présenté hier son rapport annuel sur l'état des droits humains dans le monde. L'épais document décrit la situation dans 159 pays en 2012 et au début de cette année. Il constate globalement que la « passivité mondiale dans le domaine des droits de l'homme est de plus en plus dangereuse pour les réfugiés et les migrants ». En ce sens, l'organisation a déclaré qu'il était plus difficile de franchir les frontières pour les réfugiés que pour les armes.

Le rapport indique que « le Conseil de sécurité de l'ONU doit constamment lutter de façon cohérente contre les violations qui détruisent des vies et forcent les gens à quitter leurs foyers, et que le respect de la souveraineté des Etats ne peut pas être utilisé comme un prétexte à l'inaction ».

La présentation a été réalisée à Moscou par Sergueï Nikitine, directeur du bureau dans la capitale russe, et Eduard Nazarski, son collègue néerlandais. Selon ce dernier, « chaque année, des milliers de personnes sont arrêtées non pas parce qu'elles ont violé la loi ou commis un crime, mais pour faciliter leur expulsion du pays ou empêcher leur résidence. Malgré l'existence d'alternatives, la détention est généralisée », a-t-il dit.

En ce sens, Eduard Nazarski a rappelé le suicide du Russe Alexander Dolmatov dans un centre d'expulsion aux Pays-Bas à la mi-janvier. Ce militant d'opposition avait demandé l'asile politique parce qu'il craignait d'être arrêté en Russie après avoir participé à une manifestation de protestation le 6 mai 2012. Amnesty International réclame une enquête indépendante et a questionné « la politique d'immigration actuelle de l'UE, estimant que tous les gens devraient être traités avec dignité. »

A la question de savoir s'il croit à un déclin de la défense des droits humains en Europe en raison de la crise, Nazarski a déclaré : « Tant la situation économique que les mesures anti-terrorisme et la pression migratoire compliquent la situation. Il y a de nombreux facteurs. Globalement, dans l'équilibre précaire entre le marché et les droits de l'homme, il semble que le premier ait tendance à l'emporter, et à mon avis, l'ascension de la Chine est liée à cette tendance ».

Situation des droits humains en Russie

En chiffres

Des cas de torture ont eu lieu dans 112 pays

La liberté d'expression a été limitée dans 101 pays

Des procès inéquitables ont eu lieu dans 80 pays

15 millions de personnes sont enregistrées comme réfugiés

12 millions de personnes sont apatrides

Sergueï Nikitine, directeur du bureau de Moscou, a évoqué « la détérioration de la situation en Russie l'année dernière ». Selon ce défenseur des droits humains, « on a adopté plusieurs lois qui restreignent les libertés d'expression, d'association et de réunion ». Ainsi, il a dénoncé la condamnation du groupe punk de Pussy Riot ou les discriminations subies par les personnes LGBT dans le pays.

La nouvelle loi sur les ONG, qui oblige ces organismes à s'inscrire comme « agents étrangers » s'ils reçoivent de l'argent de l'étranger, a été l'un des thèmes phares. Nazarski a rappelé qu'Amnesty International avait signé un manifeste de solidarité avec les autres organisations et « continuerait à œuvrer pour le développement de la société civile russe ».

Nikitine a expliqué comment fin février des agents du fisc ont perquisitionné le siège d'AI à Moscou. De nombreux documents ont été saisis après la fouille surprise de cinq heures, où étaient présentes les caméras chaîne de télévision NTV. Selon lui, « c'est une campagne nationale visant à resserrer l'étau autour des ONG ».

Egalement présente à la conférence de presse, Natalia Taoubina, directrice de l'ONG Verdict Public, consacrée à l'aide juridique aux citoyens en matière de communication avec les autorités, a été directe : « Nous ne travaillons pas pour renverser le gouvernement, mais pour défendre les droits humains. Ces principes sont universels et il est déplacé de dire que c'est seulement une affaire interne ».

Elle a expliqué les difficultés et les incertitudes auxquelles de nombreuses organisations étaient confrontées aujourd'hui : « Se déclarer « agent étranger », c'est comme dire que vous êtes un espion, alors que nous travaillons à l'intérieur et pour la société russe. Cette mesure nous marginalise, et c'est surtout un mensonge ». D'autre part, elle a expliqué à quel point il était compliqué d'obtenir un financement privé en Russie : « Il sera pratiquement impossible d'obtenir des subventions parce que nous sommes indépendants. Même si, en théorie, il peut y avoir un financement privé, il y a des signaux, comme l'affaire Khodorkovski, qui ne sont pas encourageants ».

Dans le même temps, l'avocate a rappelé qu'elle attendait la réponse de la Cour européenne des Droits de l'Homme de Strasbourg à la plainte déposée par onze ONG russes en février dernier. Elle a toutefois expliqué que la Russie « ignore les jugements, ce qui fait que le tribunal perd de son autorité ».

D'autre part, selon AI, « la réforme judiciaire en Russie a été reconnue, même par de hauts représentants. Tout au long de l'année, aucune mesure efficace n'a été prise pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire et il y a de nombreux rapports faisant état de procès inéquitables ».

Note d'espoir

Sergueï Nikitine a évoqué « une percée importante durant l'année. Le traité sur le commerce des armes, adopté par l'ONU en avril malgré l'opposition de seulement trois pays, peut freiner les transferts d'armes susceptibles d'être utilisées pour commettre des atrocités. C'est une preuve que le travail conjoint entre les ONG, les institutions internationales et les gouvernements à travers le monde peut porter ses fruits. C'est un processus lent, mais nécessaire », a-t-il conclu.

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