Décès de Boris Berezovski

L’oligarque Boris Berezovski, exilé à Londres depuis 2000, est décédé samedi dans des circonstances mystérieuses. Incarnation des « folles années 1990 », premier oligarque de Russie et cardinal gris du Kremlin sous Boris Eltsine, Berezovski est tombé en disgrâce avec l’arrivée au pouvoir de Vladimir Poutine. Dès lors, d’exil, il est devenu un détracteur virulent du régime poutinien et l’ennemi préféré de la propagande officielle.

Berezovski, personnage de roman

Alexei Melnikov

Gazeta.ru

24.03.2013 

Boris Berezovski a toujours ressemblé à un personnage de roman. Et cet aspect littéraire a eu et continue d’avoir un pouvoir d’attraction puissant.

Peut-être qu’auparavant, plongés dans un matérialisme sombre et les vicissitudes de la vie, les gens regardaient Berezovski différemment, en le payant d’une haine envieuse. Mais désormais une de nos caractéristiques nationales se révèle : nous considérons les fripons et les escrocs, dans la littérature, comme des personnages positifs. Il en va de même pour Berezovski.

Ce genre de vie et destin comportent leur part de tragédie : le vide du petit homme qui a perdu, fatigué et malheureux, cet autre personnage connu et favori de la vie russe, qui mêle toujours la malchance et le désarroi.

L’homme Berezovski n’est plus, mais le système politique russe, aux mille visages, interprétés par lui dans un one-man-show, avec un sourire narquois, en se frottant les mains, nous toise de toute parts.

Les adieux au passé

Pavel Cheremet

KommersantFM 

J’ai l’impression que les adieux hystériques à Berezovski sont en fait des adieux avec notre passé délirant, avec les maudites années 1990. Boris Berezovski, c’est le mal légendaire de la nouvelle histoire russe. S’il n’avait pas existé il aurait fallu l’inventer.

Au risque de répéter un lieu commun : avec Berezovski, c’est toute une époque qui s’en va, celle d’une confrontation de deux mondes, de deux centres de force, l’argent et le pouvoir, l’état et le business. Il reste encore des oligarques, mais  personne d’une telle carrure, un adversaire à la hauteur pour Vladimir Poutine, un homme à l’énergie indomptable qui aurait l’ambition de gouverner le monde.

Khodorkovski est enfermé dans une prison, plus personne ne se souvient de Goussinski. D’où la tristesse générale, de ceux qui ont lutté contre l’oligarque, et de ceux qui ont observé ce combat. Tandis que pour Berezovski lui-même, une mort inattendue et mystérieuse est le meilleur final, compte tenu de la vie qu’il a menée. Ç’eut été dommage si sa vie pleine d’aventures, intrigues et scandales s’était terminée en farce ou comédie. 

Perdant à son propre jeu

Editorial

Vedomosti.ru

25.03.2013

L’image est littéraire, mais l’héritage est tout à fait réel. Et Berezovski en avait conscience. Un an avant sa mort il a publié un message de repentir sur sa page Facebook, en abordant justement l’héritage qui lui survivra. Il s’est repenti d’avoir été l’auteur des « concepts » informels qui gouvernent la politique et les affaires postsoviétiques.

Comme la plupart des oligarques de la première vague, Berezovski a cherché à remplacer les règles du jeu générales, la défense des droits de l’homme et de la propriété, par des relations privilégiées avec les leaders du pays et leur entourage. Pendant la période des « possibilités inouïes » des années 1990, la tactique paraissait bonne, mais en fin de compte elle a mené son concepteur à la défaite.

Mais le système a survécu aux années 1990 et à Berezovski lui-même. Pour lui, la politique était un business, tout résultat et tout joueur étant achetable. Les affaires n’étaient qu’un moyen de générer l’argent indispensable aux jeux de pouvoir.

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