Dmitri Medvedev : la crise chypriote a écorné la confiance financière

Crédit : AP

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Le premier ministre Dmitri Medvedev s'est entretenu avec les médias européens au sujet de la démocratie russe, de la crise chypriote et de la nationalité russe accordée à Gérard Depardieu. Voici quelques extraits de l'entretien.

Chypre

J'ai l'impression que toutes les erreurs possibles que l'on pouvait commettre dans cette situation ont été faites, y compris en torpillant dans son ensemble la confiance dans les institutions financières, et pas seulement les organisations chypriotes ou celles basées à Chypre.

La mesure qui a été proposée est clairement expropriatrice, elle revêt un caractère confiscatoire, elle est sans précédent par sa nature... Le problème est que nous vivons au XXIe siècle dans une économie de marché mondialisée et nous insistons tous sur le fait que nous devons respecter le droit de propriété et les principales dispositions concernant la réglementation bancaire. Il est surprenant qu'en plus de l'idée de procéder à cette confiscation, on ait en fait verrouillé l'activité de toutes les banques à Chypre, notamment les plus grandes banques ainsi que des établissements à participation russe qui sont absolument normaux et sains et n'ont pas de problèmes de bilan ou avec les impôts.

Nous avons bien sûr nos raisons et nos intérêts d'État, parce que nos banques y possèdent leurs actifs, tout comme un grand nombre d'hommes d'affaires russes là-bas. Ils ne cherchent pas tous, loin de là, à se cacher derrière le rideau de la juridiction spéciale de Chypre. Non, c'est juste un moyen commode de travailler.

Je pense que les rumeurs sur les dépôts revêtent un caractère spécifique et témoignent des schémas gris de fuite de l'argent de Russie. Ces dépôts n'ont pas des volumes aussi importants que ce qu'on en dit généralement ; beaucoup de nos entreprises publiques ont des comptes dans nos banques également. Si c'est hors de nos banques, c'est juste pratique, pour des raisons évidentes. Chypre a toujours été une juridiction assez commode pour travailler, pour effectuer des opérations standard, comme acquérir des actions, mener à bien une activité financière classique et assurer l'activité économique de tous les jours. Par conséquent, c'est une question qui doit à être précisée. Mais je peux le dire avec certitude : pour nous, pour l'État russe, il serait crucial que l'on nous fournisse toute l'information, pour que ceux qui ont détourné de l'argent de notre économie reçoivent au moins une évaluation adéquate de la part de l'État et en subissent les conséquences.

Donc, nous serions tout à fait favorables à ce que cette situation devienne plus transparente. Cependant, le principal est d'éviter de perturber l'existence normale du système financier parce que nous avons un grand nombre d'institutions publiques ouvertes travaillant par le biais de Chypre.

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Négociations avec l'UE concernant les visas

Il y a deux pistes ici. La première concerne le régime sans visas, c'est-à-dire la possibilité d'aller et venir entre le territoire des États de l'UE et la Russie sans visa, et vice versa. En ce sens, nous avons enregistré des progrès. Nous avons réussi à nous entendre sur la liste dite des étapes communes (ce qui a eu lieu en 2011) et faisons face à certains problèmes parce que l'avancée dans plusieurs domaines est au point mort. Nos partenaires, nos collègues, font référence au fait qu'il existe certaines positions chez certains États et suggèrent de faire un lien avec différents processus qui ont lieu chez nous. Ma réponse est toujours la même : je pense que c'est dans l'intérêt tant de l'Union européenne que de la Fédération de Russie, il existe un intérêt absolument mutuel.... Alors, pourquoi renforcer les tensions de part et d'autre ? La deuxième piste est l'allègement des visas. Il serait possible de voyager avec un visa selon une procédure allégée pour certaines catégories de personnes qui se rendent sur ​​notre territoire. Ici aussi, des processus sont en marche.

Dans l'ensemble, nous avons pu enregistrer des accords concernant différentes catégories de personnes qui viennent en Russie et vice versa. Mais la seconde piste ne remplace pas la première. Il s'agit plutôt d'un axe auxiliaire, et non de l'objectif principal. Néanmoins, nous continuons de communiquer sur ce sujet.

Sur le Troisième paquet énergie

… Nous ne sommes pas opposés au Troisième paquet énergie. Nous comprenons que c'est le droit souverain de l'Union européenne de réglementer la livraison de gaz sur son territoire. Mais nous sommes hostiles à certaines dispositions du Paquet énergie qui à notre avis portent atteinte à nos intérêts, ce qui est naturel, et qui, soit dit en passant, contredisent certains documents de base, y compris l'accord-cadre entre la Russie et l'UE. Certains accords bilatéraux sont également touchés.

Nous parlons du Troisième paquet énergie comme moyen de résoudre certains problèmes. Si c'est le cas, nous ne cherchons pas à interférer avec l'Union européenne, mais il nous semblerait correct d'évoquer certaines choses avec nous, simplement parce que nous sommes tout de même un fournisseur assez important d'énergie en Europe, nous livrons jusqu'à un tiers du gaz et du pétrole....

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Sur la hausse des dépenses militaires

Je suis à l’origine de cette hausse et je suis donc le militariste en chef. Je me suis opposé à certains membres du gouvernement sur cette question, ils ont exprimé leur désaccord. Mais, pour parler simplement et directement, nous comprenons ce qu'est le secteur militaire dans n'importe quel pays et surtout dans un pays comme la Russie qui est un État immense et une puissance nucléaire. Ce n'est pas seulement une occasion de montrer les muscles militairement, c'est en fait une étape vers la modernisation de l'économie... En plus, pour le dire franchement, les années 1990 ont été très difficiles, nous avons pris du retard, nous avons des armes anciennes et nous devons les remplacer.

Des droits de l'Homme

Nous partons du fait qu'en ce qui concerne notre approche du développement du système politique – protection des droits et libertés humaines et des libertés constitutionnelles de base – nous ne différons en rien des pays européens. Nous ne réclamons pas une démocratie distincte, spéciale, qui reposerait sur les approches spécifiques de la Russie.

…Nous faisons seulement nos premiers pas, en développant notre système politique, en renforçant nos institutions démocratiques dans notre pays, et nous ne pouvons pas être jugés selon les critères les plus élevés. Disons que si dans cent ans, par exemple, il reste des problèmes, alors cela voudra dire que quelque chose a échoué pendant toutes ces années. Mais je l'ai toujours dit et je le répète : nos institutions démocratiques n'ont que vingt ans. Et il faut savoir qu'avant cela, nous n'avions pas vraiment de traditions démocratiques. C'est la spécificité de l'État russe. Et elle ne peut pas être ignorée.

Sur Gérard Depardieu

En tant que spectateur, il m'a toujours semblé être un acteur très talentueux. Quant à sa décision, eh bien c'est sa décision. Je pense qu'elle était d'une part émotionnelle, de l'autre sans doute réfléchie. C'est un adulte et un acteur à succès – s'il en a décidé ainsi, c'est qu'il avait ses raisons. Dans tous les cas, concernant la décision prise du côté russe, dans ce cas par le président qui accorde la nationalité, il n'y avait pas d'intention politique spécifique.

Sur la Banque centrale

Nous nous sommes longuement entretenus avec le Président sur les meilleurs candidats pour remplacer M. Ignatiev (actuel président de la Banque centrale de Russie). C'est une personne expérimentée, mais selon la loi, il ne peut plus prétendre à ce poste. Et voilà le résultat de ces consultations. Je pense que c'est une bonne candidature, absolument juste, car Mme Nabioullina est une personne expérimentée. En ce qui concerne l'approche globale... Bien sûr, l'approche de base ne doit pas être modifiée.

Source : site du gouvernement de Russie

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