Les deux pays auraient intérêt à développer leurs coopérations, car ils sont largement complémentaires. Crédit photo : AFP / East News
« Une bouteille de bon vin ne suffit pas, il faut une bouteille de vodka pour se comprendre », a plaisanté Vladimir Poutine en recevant François Hollande le 28 février à Moscou. La phrase a été largement reprise par les commentateurs russes, alors qu’en réalité elle tranchait radicalement avec le ton général de la rencontre. C’est le pragmatisme qui a défini le sommet entre les deux chefs d’État.
Une certaine anxiété régnait avant cette deuxième rencontre, après la courte escale en juin de Vladimir Poutine à Paris, qualifiée de « glaciale » par certains médias. Sans être franchement chaleureux, les échanges furent détendus. Les divergences fondamentales entre Paris et Moscou sur le dossier syrien ont de nouveau émergé, mais les autres grands sujets ont rapproché les deux hommes.
L’approbation par Moscou de l’intervention militaire française au Mali passe du baume sur les plaies. De son côté, François Hollande a réduit au minimum ses commentaires sur la situation des droits de l’homme en Russie pour ne pas froisser son hôte. Le terrain était donc bien dégagé pour parler affaires.
« C’est l’économie qui donne le « la » à la rencontre », notait Pavel Chinsky, responsable de la Chambre de commerce et d’industrie franco-russe à Moscou.
Quatorze grands patrons français (dont ceux d’Airbus, d’Astrium, de LVMH, de Sanofi, d’Arianespace, de Total, de la SNCF et de Thales) ont accompagné François Hollande à Moscou, ainsi que cinq ministres : Laurent Fabius (Affaires étrangères), Pierre Moscovici (Économie), Manuel Valls (Intérieur), Aurélie Filippetti (Culture) et Arnaud Montebourg (Redressement productif).
Les neuf contrats signés lors de la rencontre ne représentent pas une grosse moisson. Mais le potentiel est là.
« Il y a eu de très gros contrats les trois années passées et nous sommes dans l’attente d’un second souffle », constate un diplomate français à Moscou. Comme l’a noté François Hollande, le développement de la grande vitesse ferroviaire en Russie représente l’une des grandes perspectives pour les industriels français. Mais il faudra s’armer de patience.
« Il n’y aura pas de décision russe cette année. Peut-être prise dans les deux ou trois ans à venir », indique Guillaume Pépy, PDG de la SNCF, forte de son vaste savoir-faire acquis avec le TGV. En attendant, le patron français continue à avancer ses pions : « Nous allons signer aujourd’hui la création d’un centre d’étude avec RZD[les chemins de fer russes] qui va permettre à nos ingénieurs de mieux échanger et de mieux se connaître, donc de mieux s’apprécier ».
Vladimir Poutine a fixé les priorités de son pays. « L’accent dans les accords commerciaux a été essentiellement mis sur les secteurs de la technologie et de la haute-technologie », a-t-il indiqué. Moscou s’emploie à moderniser et à diversifier son économie, trop dépendante des exportations de matières premières.
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Écho symbolique, François Hollande a profité de son passage en Russie pour visiter le centre de recherche d’Airbus à Moscou. La remise sur pied de l’aéronautique figure parmi les priorités du gouvernement russe.
Suivant cette logique, l’aéronautique et l’aérospatiale font partie des secteurs qui ont enregistré des signatures de contrats, comme en témoignent la création d’une entreprise conjointe entre l’Institut des systèmes satellites Rechetnev et Thales, ou l’accord de licence entre RKK Energia et Astrium.
Les autres contrats touchent aussi la haute technologie : deux mémorandums d’accord entre Rostekhnologuii et Technip, ainsi qu’entre le Centre scientifique d’endocrinologie et Sanofi Aventis. La république du Tatarstan et la région PACA vont conclure un partenariat avec l’association des régions innovantes de Russie.
Mais le volet des investissements russes en France reste en retrait, ceux-ci représentant 1 milliard d’euros contre 12 milliards d’investissements français en Russie. Conscient du problème, François Hollande a relevé que « des capitaux sont disponibles ici [en Russie], prêts à s’engager. Et nous avons besoin d’emplois en France.Nous devons faciliter les implantations, avec l’agence Invest in France et d’autres initiatives comme celle de la Caisse des Dépôts et Consignation et de plusieurs fonds d’investissements russes ».
Pour l’économiste Jacques Sapir, « dans le domaine économique, tout pousse à un rapprochement rapide entre les deux pays ». Il juge la situation économique en France « mauvaise », tandis qu’elle est meilleure « mais se dégrade » en Russie.
Les deux pays auraient intérêt à développer leurs coopérations, car ils sont largement complémentaires.
« Si l’on fait le compte des filières industrielles qui pourraient rapidement se développer en Russie, de la robotique appliquée à l’extraction des hydrocarbures et à l’entretien des oléoducs et gazoducs aux technologies de contrôle appliquées à l’énergie, en passant par les biotechnologies assurant le développement de nouveaux matériaux, on constate que l’on est dans des domaines où la compétence des industriels français est internationalement reconnue », note l’économiste.
La dynamique d’une intensification des échanges est déjà à l’œuvre. François Hollande a souligné que les échanges bilatéraux ont augmenté de 15% en trois ans et que « la Russie est le quatrième partenaire commercial de la France en dehors de l’Union européenne ».
La France est aussi le sixème fournisseur de la Russie, exportant vers ce pays principalement des produits de moyenne gamme et de haut de gamme. « Seul le Japon fait mieux », s’est réjoui le président français. Quand la politique éloigne, l’économie rapproche.
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