Vladimir Pekhtine (sur la photo), président du comité d’éthique de la Douma et membre éminent du parti de droite Russie unie, qui est la dernière victime d’un scandale de corruption. Crédit : Itar-Tass
Les députés soupçonnés par la justice perdent de plus en plus souvent leur immunité parlementaire. Et certains doivent même renoncer à leur mandat.
Ironie du sort, c’est Vladimir Pekhtine, président du comité d’éthique de la Douma et membre éminent du parti de droite Russie unie, qui a été la dernière victime en date d’un scandale de corruption. Pekhtine a même été obligé de démissionner après qu’Alexeï Navalny, célèbre bloggeur et politicien d’opposition russe, a révélé que le député possédait des biens immobiliers dans l’État américain de Floride.
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Selon Navalny, qui se base sur divers documents, Pekhtine et son fils Alexeï seraient propriétaires de deux appartements à Miami, ainsi que d’un terrain avec maison à Ormond Beach, le tout pour une valeur de 2 225 900 dollars (environ 1,69 million d’euros). Or, ces biens ne sont pas repris dans la déclaration officielle que le député et les membres de sa famille doivent présenter chaque année.
La publication de Navalny a été partagée par des dizaines de milliers d’internautes : elle a obtenu 3,1 millions de « like » sur Facebook et plus de deux mille « retweet ».
De son côté, Pekhtine a nié toute accusation et a proposé à une commission de la Douma d’examiner cette affaire, qui n’enfreint pour lui aucune loi. En vain. Il a finalement dû renoncer à son siège de député.
Selon les membres de son parti, Pekhtine compte désormais se rendre aux États-Unis pour démontrer que ces biens ne lui appartiennent pas.
Le scandale des avoirs immobiliers du député de droite aux États-Unis est le plus retentissant parmi une série d’affaires similaires.
Presqu’au même moment, des parlementaires votaient la levée de l’immunité pour deux figures de l’opposition, le communiste Konstantin Chirchov et le membre du parti Russie juste Oleg Mikheïev, et ce suite à une demande du parquet général. Chirchov est en effet soupçonné d’avoir profité de sa position de député, alors que Mikheïev est accusé de ne pas avoir remboursé un énorme crédit obtenu avec son aide.
Les deux députés ont assuré être innocents.
L’immunité parlementaire ne permet des poursuites pénales qu’avec l’accord de la Douma.
En automne dernier, le mandat parlementaire avait été retiré à Guennadi Goudkov, célèbre personnalité de l’opposition et membre de « Russie juste ». La justice l’accuse de gestion illégale d’entreprise. Le député de « Russie unie » Alexeï Knychov s’était ensuite retiré après avoir lui aussi été mêlé à cette affaire.
Les analystes interrogés par « La Russie d’aujourd’hui » estiment que les députés sont eux-mêmes responsables de cette campagne qui se retourne désormais contre eux, après avoir évincé Goudkov.
« Après ces événements, la zone de turbulences était inévitable pour la Douma », a ainsi indiqué Alexeï Moukhine, directeur du Centre pour l'information politique à Moscou.
« Toutes ces affaires ont toutefois des origines différentes », ajoute le politologue. D’après lui, le scandale de Pekhtine est une réponse de l’opposition au verrouillage imposé par le parti au pouvoir, tandis que Chirchov et Mikheïev sont victimes de règlements de comptes entre partis au sein même de la Douma.
Alexeï Makarkine, vice-président du Centre de technologies politiques, partage cet avis. Pour lui, les trois dernières affaires ne sont pas liées, même si les poursuites de députés ne sont possibles qu’à cause du « précédent Goudkov ».
« Dès le début, la sixième Douma a montré que l’immunité parlementaire n’était plus inconditionnelle. Auparavant, les députés ne révoquaient les "leurs" qu’à contrecœur, même si le coupable venait d’un autre parti. Il existait une sorte de solidarité : aujourd’hui c’est lui, mais demain ce sera peut-être moi. Mais le renvoi d’une figure politique aussi réputée que Goudkov a permis d’ouvrir la boîte de Pandore ».
On a observé un « effet boule de neige ». « S’il est possible de renvoyer un député, cela signifie qu’on peut le faire avec d’autres », poursuit Makarkine. Raison pour laquelle différents acteurs ont commencé à utiliser cette arme.
« Les procureurs rassemblaient depuis longtemps des données sur certains politiciens et ont maintenant décidé de les utiliser. Quant à l’opposition, qui n’a pas obtenu la dissolution de la Douma, elle a décidé de "déloger" les députés un par un », explique à son tour Moukhine.
Les deux analystes sont également d’accord sur un autre point : la lutte anti-corruption au sein du parlement ne s’arrêtera pas là. « Certains députés regretteront bientôt d’avoir voté pour le retrait du mandat de Goudkov et d’avoir ainsi créé un précédent », estime Makarkine.
Le 12 février, le président russe Vladimir Poutine a soumis à la Douma un projet de loi faisant partie d’une série de législations anti-corruption et visant à interdire aux fonctionnaires de posséder des comptes ou des actifs financiers à l’étranger.
Les députés avaient déjà approuvé en première lecture un document analogue proposé par un autre auteur, et se préparaient à l’adopter en deuxième lecture.
Mais entre-temps, la version présidentielle, qui n’évoque pas l’interdiction d’acquérir des biens immobiliers à l’étranger, est devenue prioritaire. Concernant les avoirs fonciers, les fonctionnaires devront simplement rendre leurs possessions publiques et garantir la transparence de leurs financements.
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