Le parlement s'attaque au «prosélytisme homosexuel»

 La Russie a déjà une expérience dans la « lutte contre l'homosexualité ». Crédit : RIA Novosti

La Russie a déjà une expérience dans la « lutte contre l'homosexualité ». Crédit : RIA Novosti

Les députés russes ont décidé d'inculquer les valeurs familiales classiques en luttant contre les « formes non-traditionnelles » de sexualité. La semaine dernière, la Douma (chambre basse du parlement) a adopté un projet de loi visant à interdire la promotion de l'homosexualité auprès des mineurs, sans toutefois préciser ce que recouvre ce concept. Les députés ont quatre mois pour formuler des précisions en vue de la deuxième lecture, ou se raviser.

Le projet de loi a été préparé par les députés de la région de Novossibirsk, situé à 300 km de Moscou. Les législateurs souhaitent introduire des amendements au Code administratif établissant une responsabilité pour « propagande des relations homosexuelles » auprès des enfants et des adolescents. Pour cette infraction, la police infligera des amendes de 4.000 à 5.000 roubles roubles (environ 100 à 125 euros) aux simples citoyens, de 40.000 à 50.000 roubles (1.000 à 1.250 euros) aux fonctionnaires et de 400.000 à 500.000 (10.000 à 12.500 euros) aux personnalités juridiques, par exemple aux médias destinés aux enfants qui feraient la promotion des relations homosexuelles.

Une telle propagande, estiment les députés de Novossibirsk, peut générer une « vision déformée stipulant l'équivalence entre les formes de sexualité traditionnelle et non-traditionnelles ». Cependant, la loi ne le précise pas quel format de présentation de l'information sera considéré comme de la propagande. Les députés sibériens se contentent de souligner qu'aucune amende ne punira l'orientation homosexuelle en tant que telle.

Les amendements au projet de loi seront adoptés par la Douma avant le 25 mai 2013. Viendront ensuite les deuxième puis troisième lectures, qui traînent rarement en longueur. Ainsi, la loi pourrait être transmise de la chambre basse (Douma) à la chambre haute (Conseil de la Fédération) avant la fin de la session de travail de printemps, qui se termine mi-juillet, avant d'être soumise au président pour signature.
 
La Russie a déjà une expérience dans la « lutte contre l'homosexualité ». Celle-ci remonte au passé soviétique récent, lorsque la possibilité d'une telle forme de relations entre femmes était tout bonnement niée, l'homosexualité masculine ayant quant à elle fait l'objet de poursuites pénales pendant près de 60 ans. Les homosexuels étaient passibles de peines de prison allant jusqu'à 5 ans, alors que les violeurs de mineurs pouvaient écoper jusqu'à 8 ans. Les articles ad hoc du Code pénal n'ont été abrogés qu'en 1993, mais en 1992, plus de 200 personnes étaient condamnées à de la prison pour homosexualité. On ignore précisément combien de personnes au total ont été condamnées pour ce type de délit.

Dans la Russie moderne, l'homosexualité n'est officiellement pas un délit. Mais l'interdiction de sa propagande auprès des jeunes est en vigueur dans neuf régions, en particulier à Saint-Pétersbourg et dans la région de Novossibirsk, d'où émanait l'initiative législative. Il est à noter que la Douma a rejeté à plusieurs reprises de telles initiatives, en invoquant une incompatibilité avec la Constitution.

Les représentants de mouvements LGBT ont réalisé de nombreuses actions contre l'adoption de la loi. Ainsi, le réseau russe LGBT affirme qu'aucune des lois en vigueur dans les régions ne permet la protection des mineurs, et qu'elles constituent un instrument de pression sur les militants de la société civile et les défenseurs des droits humains. L'organisation de défense des droits de l'homme Amnesty International a déclaré que la loi restreignait les droits fondamentaux des minorités sexuelles au mépris des engagements internationaux assumés par le pays,  afin de les protéger contre toute discrimination. Selon les militants russes, les gens risquent d'être punis pour quelque chose de tout à fait légitime : la libre expression et le désir d'être soi-même, la loi pouvant être interprétée de façon très large.

Mais la position des législateurs fédéraux a peu de chances de fléchir sous la pression de l'opinion publique. La vice-présidente du Comité pour les associations publiques Ekaterina Lakhova (par le passé chef de la commission de la Douma pour la famille et initiateur de l'interdiction des adoptions d'enfants russes par des citoyens américains) est convaincue que la campagne menée contre les députés est le fruit des machinations du lobby homosexuel au plus haut niveau. « Je pense que mes collègues agissent de façon ferme. D'autant plus que, dans son message à l'Assemblée fédérale, le Président a mis l'accent sur les valeurs spirituelles, morales et familiales », rappelle la députée dans un entretien avec La Russie d'Aujourd'hui.
 
Mme Lakhova convient que la loi exigera des modifications en deuxième lecture, notamment une clarification du terme « propagande ». Après tout, rien que les nombreuses discussions des députés autour de la loi pourraient être considérées comme de la propagande. La députée n'exclut pas qu'il faille tenir des audiences parlementaires avec des représentants de la société civile, y compris des membres des mouvements LGBT. Et ce, même si Mme Lakhova est personnellement hostile à la participation au débat des minorités sexuelles, qui selon elle commenceront immédiatement à défendre leurs propres intérêts.

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