Suicide d'un opposant russe aux Pays-Bas : l'enquête s'achèvera en mars

L'opposant, qui a demandé l'asile politique aux Pays-Bas, s'était vu recevoir un refus par les autorités locales et devait être expulsé vers la Russie. Source : moikrug.ru

L'opposant, qui a demandé l'asile politique aux Pays-Bas, s'était vu recevoir un refus par les autorités locales et devait être expulsé vers la Russie. Source : moikrug.ru

Le corps de l'opposant russe Alexandre Dolmatov, qui s'est suicidé dans le centre de rétention pour demandeurs d'asile de Rotterdam (Pays-Bas), sera envoyé en Russie d'ici une semaine et demie environ. Les coûts financiers du transport du corps seront assumés par les Pays-Bas. L'enquête visant à faire la lumière sur les circonstances de l'incident devrait durer jusqu'à la mi-mars.

Impliqué dans l'affaire des émeutes de la place Bolotnaïa de Moscou, survenues lors de la manifestation du 6 mai 2012, Alexandre Dolmatov s'est suicidé dans la nuit du 16 au 17 janvier dans le centre de rétention pour demandeurs d'asile de Rotterdam. L'opposant, qui a demandé l'asile politique aux Pays-Bas, s'était vu recevoir un refus par les autorités locales et devait être expulsé vers la Russie. Comme cela s'est avéré par la suite, la décision de renvoyer Dolmatov dans son pays natal avait été prise par erreur : son avocat avait déposé un recours contre la décision de refuser l'asile, permettant au militant russe de rester dans le pays.
 
Le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov a déclaré, lors d'une conférence de presse le 23 janvier, qu'à l'heure actuelle, le ministère des Affaires étrangères réalisait les procédures nécessaires afin de rapatrier le corps de Dolmatov en Russie. « D'après la partie hollandaise, la procédure prendra environ une semaine et demie selon les règles en vigueur dans ce pays », a indiqué le diplomate. Lavrov a promis que la Russie insisterait pour que la vérité soit faite, et a assuré que l'ambassade des Pays-Bas en Russie considérait également cette question comme prioritaire.

Comme l'a expliqué à La Russie d'Aujourd'hui la militante des droits de l'homme et membre du Forum civique finno-russe Oxana Chelycheva, qui a fourni un soutien juridique à la famille Dolmatov, les Pays-Bas mènent quatre enquêtes indépendantes sur la mort de l'opposant. Elles sont menées par le ministère de la Justice et de la Sécurité, le ministère de la Santé, la police et le parlement. Les enquêtes dureront entre 6 et 8 semaines. Elles sont en cours depuis le 17 janvier et devraient se terminer d'ici la mi-mars.

« Le principal maintenant est de connaître les circonstances et les causes de l'incident. Personne ne doute de la validité des raisons qui ont poussé Alexander Dolmatov à partir et à demander l'asile », a déclaré Chelycheva, notant que à la fin de l'automne 2012, l'opposant n’avait pas encore de idées suicidaires.
 
Afin de justifier son refus d'accorder le statut de réfugié politique, le service des migrations a estimé que le militant de l'opposition ne risquait dans son pays qu'une amende de 500 roubles (12,5 euros) pour violation du droit administratif.

« Cette décision a été prise par un fonctionnaire concret, poursuit Mme Chelycheva. Et je me demande bien où le Service des migrations a trouvé cette information rassurante, étant donné le nombre de personnes officiellement accusées dans le cadre de l' « affaire Bolotnaya », compte tenu de la grève de la faim menée depuis plus d'un mois par le détenu Sergueï Krivov, et le refus d'octroyer un traitement médical à Vladimir Akimenkov, devenu aveugle ».

La militante des droits humains admet que la cause du refus opposé à Dolmatov est l'incompétence d'un fonctionnaire de bas échelon, qui n'était tout simplement pas au courant de la situation réelle en Russie.

La Russie, confirme Chelycheva, ne dépensera pas un centime pour le transport de la dépouille du militant ayant mis fin à ses jours, tous les frais étant assumés par le Département pénitentiaire des Pays-Bas. On ignore pour le moment si une quelconque aide matérielle sera fournie à la mère d'Alexander Dolmatov, restée en Russie. Mercredi dernier, elle a reçu la visite et les condoléances de l'ambassadeur adjoint des Pays-Bas en Russie, mais la réunion revêtait un caractère privé, a raconté Mme Chelycheva, qui est en contact avec la famille du défunt.

La militante des droits humains a déclaré que le jour de la visite du représentant de l'ambassade, l'immeuble et l'appartement des Dolmatov étaient sous la surveillance de représentants des forces de l'ordre russes engagés dans la lutte contre l'extrémisme.

Le partenaire gérant du cabinet d'avocats russe Vichnievski et Partenaires, Guerman Vichnievski, a réalisé des éclaircissements d'ordre juridique : la commission d'enquête de Russie a lors de l'enquête sur l'« affaire Bolotnaïa », qualifié les actions de ses participants conformément à l'article 212 du Code pénal « désordres de masse », sans invoquer l'article 20.2 du Code administratif (violation des procédures de tenue d'un meeting), punie d'une amende estimée à 500 roubles, comme l'ont estimé les Pays-Bas. « Je n'exclurais pas le fait que Dolmatov ait pu faire l'objet de poursuites pénales », a déclaré M. Vichnievski, soulignant que « les règles du jeu politique pouvaient compromettre les règles juridiques », en faisant du droit pénal un instrument de répression.

Le directeur de l'Institut de sociologie politique Viatcheslav Smirnov, en revanche, estime que l'opposant ne risquait rien dans son pays, et que ce dernier a fui la Russie « par hasard ». « Il est regrettable que cette tragédie médicale et personnelle soit instrumentalisée à des fins de propagande par l'opposition et les autorités. L'opposition fait de Dolmatov un martyre, et les médias pro-gouvernementaux évoquent la lettre écrite avant son suicide, sa rupture avec l'opposition et ses mots d'amour pour sa patrie. En fait, cette homme était perdu et s'est juste enfui d'un monde auquel il était inadapté », estime l'analyste.

Les autorités néerlandaises, estime Smirnov, sont en premier lieu coupables de n'avoir pas fourni en temps opportun une assistance psychologique au citoyen russe, le plaçant au lieu de cela dans un centre en vue de son extradition.

Réfléchissant à la signification de ce scandale, Smirnov ne prévoit pas une détérioration dans les relations entre la Russie et les Pays-Bas. « Le ministère russe des Affaires étrangères n'a formulé aucun grief aux Pays-Bas et cela a peu de chances d'arriver. Désormais, tout dépend de la position des Pays-Bas et de la conclusion à laquelle ils arriveront: accuseront-ils le défunt ou en fin de compte la Russie, qui a insufflé la peur en lui ? », a conclu le sociologue.

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