Saint-Pétersbourg surmonte le choc dans le calme et la solidarité

Après l’attentat, la vie reprend peu à peu son cours. Récit d’un témoin sur place.

Après l’attentat, la vie reprend peu à peu son cours. Récit d’un témoin sur place.

AP
​Après l’attentat dans le métro de Saint-Pétersbourg, la ville se recueille et la vie reprend son cours. Impressions d'une jeune Française sur l'atmosphère qui règne après le drame.

Dans la rue Kazanskaïa, le 3 avril vers 21h15, une longue file s'étend sur 140 mètres, presque jusqu'à la perspective Nevsky. Une centaine de personnes attendent le bus dans le calme, alors qu'une partie du métro reste fermée au public.

Les premiers patientent depuis déjà 45 minutes, et personne ne sait quand le bus arrivera et pourra embarquer quelques passagers chanceux. Depuis 15 heures, c'est un spectacle omniprésent à Saint-Pétersbourg : tous les transports sont perturbés depuis l'explosion qui a fait 11 morts et 45 blessés dans un wagon entre deux stations du centre-ville.

Des milliers de Pétersbourgeois se sont retrouvés en pleine rue, espérant qu’un bus, un tramway, un taxi ou un concitoyen les prendra à son bord. Excepté le métro, les transports publics et taxis sont gratuits, mais les embouteillages ont paralysé la ville.

Présente à Saint-Pétersbourg depuis un mois, je n'ai jamais vu autant de monde dans la rue que cet après-midi, même aux pires heures de pointe. Toute la ville est dehors, et dans cette métropole de cinq millions d'habitants, il règne comme une atmosphère de village.

Jeunes et anciens sont sortis dans la grisaille pour parler aux voisins, aux passants, aux commerçants, échanger les dernières nouvelles mais surtout des banalités sur un ton aimable, comme pour conjurer le caractère choquant de l'évènement. La moitié des passants sont pendus au téléphone avec leurs proches, les autres font  un brin de causette avec leurs voisins de trottoir. Je n'ai jamais vu une communauté si dense, une illustration si littérale de l'expression « réseau social ». Toute la ville communique.

Saint-Pétersbourg a absorbé le choc avec un calme et une dignité frappants. Tout est dans son état normal, seulement la vie semble y être un peu plus intense. Le mot de « terakt » est prononcé à mi-voix et sans tomber dans le pathos. Les visages sont tendus et la tristesse plane, mais on accuse le coup avec un haussement d'épaules.

On en a vu d'autres. Personne ne songe à se plaindre du fait que les bus sont bondés, que les réseaux mobiles sont presque saturés, que les portes du métro, bloquées par des chaînes, restent muettes. Dans un bus plein à craquer, je perçois bien une certaine anxiété : on se scrute d'un air timide et coupable, presque honteux de ses propres soupçons, et les passagers qui portent de gros sacs se font tout petits, navrés de penser qu'ils peuvent causer de l'inquiétude aux autres.

J'ai reçu un message très touchant d'un collègue russe. Il se désole que mon séjour soit « gâché » par ce triste événement. Je n'en crois pas mes yeux : il s'excuse que la Russie me fasse « mauvais accueil » !

Environ six heures après l'explosion, la foule s'est déjà dissipée et on dirait presque un lundi soir comme un autre. Certaines lignes de métro ont repris leur fonctionnement. Mais au détour d'une rue, il y a cette file de gens qui attendent de rentrer chez eux. Les voyageurs de la rue Kazanskaïa ont formé une queue ordonnée et prennent leur mal en patience, dans la bruine et la pénombre, sous la lumière des lampadaires et de la cathédrale voisine. On dirait qu'ils attendent d'entrer au théâtre.

En début de file, Sacha, 32 ans, me dit attendre depuis 20h30. « Ça ne vous dérange pas ? », lui demandé-je. Il sourit en haussant les épaules : « Ce n'est pas très grave ». Soudain, comme sorti de nulle part, on me tend un gobelet. « Attention, c'est chaud ! », dit une voix.

Olga et son équipe sont sortis du restaurant voisin, un lieu huppé du centre-ville, avec une marmite de thé au miel brûlant sur une table roulante. Leur allure fringante et l'éclat de l'acier inoxydable contraste avec l'air piteux des passagers gelés et mouillés. Les employés remplissent les gobelets à la louche et Olga parcourt la file pour les distribuer, avec la mine d'une gérante qui vient apporter le petit cadeau du chef à des hôtes de marque.

Elle m'explique pudiquement : « Saint-Pétersbourg c'est Leningrad, la ville héros », indique-t-elle en allusion aux sombres heures vécues par la ville pendant le siège nazi de 900 jours. « Ici, on ne laisse pas ses voisins geler dans la rue ».

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