De Hollande à Le Pen : Russie, le pour et le contre

Alexeï Iorch
Cette année sera marquée pour la France par des évènements de première importance : tous les partis définiront leurs candidats pour la présidentielle de 2017. La lutte intérieure devient de plus en plus intense dans tous les camps et chaque leader cherche à présenter sous son meilleur jour son programme et à souligner ce qui le différencie avantageusement des autres. Quelle est la présence de la Russie dans ces débats ? Est-il possible de prévoir un changement dans les relations entre Paris et Moscou en cas de victoire de tel ou tel candidat ?

Les socialistes : sanctions et scepticisme

Si l’actuel président essaie d’obtenir un nouveau mandat de cinq ans, ce sera tout à fait naturel : il est difficile de trouver un leader renonçant volontairement à la possibilité d’être constitutionnellement réélu. Mais objectivement, les chances de François Hollande semblent maigres : la croissance économique est quasi nulle, le chômage reste élevé et la crise des migrants est loin d’être résolue. Les Français sont irrités par un style de direction « faible », les électeurs de la Cinquième République n’y étant pas habitués. Et c’est aux activités inefficaces du chef de l’Etat qu’ils lient l’affaiblissement des positions françaises sur la scène internationale et le déplacement vers l’Allemagne du centre de gravité au sein du tandem franco-allemand.

Les relations russo-françaises n’ont pas non plus réussi à réaliser de percée sous la présidence de François Hollande, qui n’a manifesté aucune volonté d’intensifier le dialogue bilatéral ou de dépasser la rhétorique des sanctions : l’échec de la vente de navires de guerre Mistral en fournit un exemple éclatant. La coopération dans le cadre du format dit « Normandie » est une exception, mais là non plus, François Hollande ne fait pas figure de proue. Ainsi, même s’il réussit à franchir la dernière étape de son mandat sans erreur et à remporter l’élection de 2017, il ne faudra pas s’attendre à des initiatives stratégiques : Paris « suivra le courant » et restera au diapason de l’ensemble du monde occidental.

Le PS poursuit les débats et estime que le premier ministre, Manuel Valls, a de fortes chances d’obtenir un résultat digne. Jusqu’ici, le chef du gouvernement a réussi à mettre en valeur son contraste avec le président « de gauche » en se positionnant comme homme politique énergique aux méthodes « de droite ». Sa position sur la Russie ne diffère pas grandement de celle du président, mais sa conversation avec son homologue russe, Dmitri Medvedev, dans le cadre de la Conférence de Munich sur la sécurité en février dernier, confère un certain optimisme. Il est possible qu’en cas de victoire de Manuel Valls, la diplomatie française cherche plus énergiquement à établir une compréhension mutuelle avec Moscou.

La droite : loin du centre, près de la Russie ?

Au sein des Républicains, la situation semble floue, plusieurs politiques ambitieux souhaitant représenter le parti à la présidentielle. Par exemple, l’ex-premier ministre Alain Juppé vante son expérience et son savoir-faire en matière de gestion. Selon les sondages, c’est lui qui a les plus grandes chances de remporter la victoire dans n’importe quel cas de figure électoral. Ceci a peu de chances de réjouir les observateurs russes, étant donné qu’Alain Juppé est, dans le camp du centre droit, le plus sévère détracteur de la diplomatie russe. Il s’est inquiété à plusieurs reprises d’un « accès de russophilie » parmi Les Républicains, soulignant que la France devait se solidariser avec l’Europe et les Etats-Unis. Un autre candidat, le jeune Bruno Le Maire, reste sur un registre proche au sujet de la Russie : « On ne peut pas tout accepter en fermant les yeux ». S’ils remportent la primaire prévue pour novembre prochain, puis à l’élection finale en 2017, les relations bilatérales pourraient devenir plus froides qu’elles ne le sont actuellement.

En revanche, les positions de François Fillon et de Nicolas Sarkozy sont imprégnées d’optimisme « prorusse ». L’ex-premier ministre, qui propose de focaliser le programme du parti sur les problèmes économiques, suit une logique purement pragmatique : le partenariat avec la Russie recèle de nombreux avantages pour la France, tandis que les sanctions politiquement motivées ne font que nuire aux économies des deux pays. L’ex-président propose d’aller encore plus loin : selon lui, la Russie doit être considérée comme un élément important de la sécurité européenne et il est indispensable de tenir compte de ses arguments, malgré les différends. Il ne faut pas oublier non plus la bonne entente personnelle entre Nicolas Sarkozy et Vladimir Poutine, affichée une nouvelle fois au cours de la visite du leader des Républicains en octobre dernier. En cas de victoire de l’un de ces deux candidats, les relations s’engageront vraisemblablement dans la voie du renforcement de la confiance et de la recherche d’un ordre du jour commun.

Il ne faut pas oublier non plus le Front national de Marine Le Pen. Les Russes savent très bien que la présidente du FN soutient la politique de Moscou : elle ne dissimule pas sa sympathie pour la rhétorique prônant l’indépendance en matière de politique étrangère et la souveraineté nationale. Pour elle, la Russie moderne est un modèle original de développement étatique sur lequel la France doit prendre exemple. Cette situation laisse penser que parmi tous les politiques français, l’observateur russe doit privilégier sa candidature. En effet, une éventuelle victoire de Marine Le Pen en 2017 serait capable de booster les relations bilatérales. Toutefois, aussi populaire que soit le FN, ses chances de remporter la présidentielle sont maigres malgré l’attrait que lui confèrent les problèmes économiques et la crise migratoire. Le parti ne peut toujours pas trouver d’allié électoral, ce qui signifie qu’en 2017 il se retrouvera « isolé » de toutes les autres forces, ce qui lui est déjà arrivé précédemment.

Alexeï Tchikhatchov, faculté des Relations internationales à l’Université de Saint-Pétersbourg

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