Image par : Konstantine Maler
Le moteur de recherche Internet Spoutnik (sputnik.ru),
lancé en mai dernier lors du Forum économique international de
Saint-Pétersbourg, est devenu le troisième moteur de recherche russe le
plus utilisé à l’étranger.
Un débat existe concernant ce qu’il doit être et ce qu’il sera
véritablement : certains craignent en effet que Spoutnik, développé par
une filiale de l’entreprise publique Rostelekom, remplace Yandex, site privé dont l’influence médiatique a commencé à
être remarquée par l’État en 2008.
Yandex lui-même estime que seuls la page principale du portail
Yandex.ru et les sites accessibles en un clic à partir de cette dernière
ont un impact médiatique. C’est pourquoi les nouvelles qui apparaissent
sur la page principale « reflètent ce qu’écrit la majorité des
journalistes et des blogueurs, et ce dans des formulations neutres étant
le plus proches possibles des faits, et non des jugements ».
Yandex essaye ainsi de se distancier au maximum de la question de son influence médiatique et politique.
De plus, les fonctionnaires de l’État estiment que les autorités russes
ont besoin d’instruments pour contrôler ces énormes plateformes
définissant la pensée et l’état d’esprit des citoyens.
Le député de la Douma Robert Chleguel a notamment indiqué lors d’une interview : « La question est de ne pas laisser le contrôle (des actions) à de possibles forces occidentales. Car même si quelqu’un là-bas y possède les 49% restants, ce n’est à vrai dire pas trop grave. Cette mesure pourrait-elle faire fuir les investisseurs étrangers ? Oui, peut-être. Mais Yandex, Odnoklassniki et Vkontakte sont de gros morceaux ».
Cette nouvelle vison a entraîné l’acquisition par la Sberbank de golden
shares de Yandex. La grande banque russe peut désormais opposer son véto
à n’importe quelle opération visant à placer le paquet d’actions de
Yandex dans les mains d’une seule entreprise.
En 2011, Dmitri Medvedev, président russe de l’époque, abordait déjà
l’idée d’un moteur de recherche national. Selon lui, il s’agissait d’une
question d’identité du pays, qui doit avoir un impact sur le
développement de l’Internet en utilisant ses capacités « assez limitées ».
Les fondateurs de Sputnik.ru souhaitent désormais se distancer tant de
l’État que des actionnaires, tout en soulignant avec force qu’ils
veulent aider les citoyens russes à collaborer avec l’État et le monde
des affaires sur les questions générales comme l’obtention de documents
des institutions publiques, le paiement des services, ainsi que
l’enregistrement des véhicules, des biens immobiliers et l’achat de
billets d’avion ou de train.
Selon Alexeï Bassov, qui a participé au développement de Spoutnik, le
projet devra aider ceux qui auparavant n’avaient pas accès à Internet ou
l’utilisaient de manière assez limitée d’en tirer profit.
Bassov ajoute
que Rostelekom, plus gros fournisseur d’Internet en Russie, « pourra
développer des services en ligne de masse pour la résolution de tâches
quotidiennes et mettre en place un point de collaboration des citoyens
avec l’État et les institutions ».
On peut comprendre les fondateurs de Spoutnik. Leur public cible n’est
pas la jeunesse ayant des habitudes de vie ancrées.
Beaucoup de personnes vivent différemment. Ils utilisent Skype et Viber
avec plaisir pour communiquer avec des proches et des amis, mais ne
désirent pas suivre à tout prix les dernières modes comme les jeunes sur
Facebook, Instagram ou Twitter.
Difficile en effet de s’imaginer un
amateur d’horticulture envoyant à ses amis des photos de ses plantes via
Snapchat. Par contre, il n’aura pas de problèmes à rechercher des
informations pour prendre soin de ses plantes, payer ses factures,
passer un contrôle technique ou contracter une assurance.
Ces gens n’ont certainement pas besoin d’un moteur de recherche offrant
toujours un effet de surprise : ils ne vont pas sur Internet pour y
passer du temps car, pour eux, réaliser une tâche concrète hors ligne est
plus pratique et moins chère. Et on ne parle pas uniquement des
grands-mères et des grands-pères.
Pour certains, la vie ne tourne pas
nécessairement autour d’Internet : ils travaillent, étudient et font du
sport. Le web n’est qu’un outil et pas un monde qu’il faut absolument
explorer. Ils ne veulent pas perdre leur temps à chercher pourquoi
certains sites demandent d’entrer un numéro de carte de crédit et des
données personnelles, et d’autres pas.
En ce sens, Spoutnik a aussi quelque chose à proposer : il ne permet
pas de complètement fermer l’option de « recherche sans danger », même
si on peut choisir le niveau de sécurité.
L’utilisateur de Spoutnik devra donc comprendre qu’il ne doit pas être un expert de l’Internet pour pouvoir surfer : par exemple, il pourra être sûr que les instructions qui lui sont proposées pour remplir des documents afin d’acquérir un bien immobilier respectent les lois actuelles.
Le moteur
de recherche, créé avec une approche publique, sera simple et accessible
pour les personnes malvoyantes, et ce sans tenir compte de l’intérêt
économique. Le but n’est pas de gagner plus d’argent grâce à eux. Il
s’agit simplement de citoyens auxquels l’État doit aussi penser.
Détail intéressant : on remarque surtout que l’ajout d’une nouvelle
fonction offre le leadership sur le marché et satisfait les demandes des
consommateurs. Le développement du marché mène également à la formation
de segments où les gens ne souhaitent pas utiliser les produits
existants.
Duckduckgo.com ne conserve pas et n’enregistre pas ce que
vous recherchez, et c’est ce qui attire les internautes qui ont peur de
ce que Google pourrait connaître sur chacun. Le slogan de Yandex en
Russie est « Tout se trouve ». Il existe apparemment un marché pour les
moteurs de recherche dont le slogan sera « Tout ne se trouve pas ».
Iouri Sinodov est un journaliste russe et le fondateur du site Roem.ru,
spécialisé dans les événements liés à l’Internet en Russie.
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