L’éducation d’abord, ensuite : les élections

Sur son blog, Alexeï Navalny évoque les intérêts financiers « personnels » des gens, parle des actionnaires minoritaires et de la corruption des fonctionnaires. Crédit : Reuters

Sur son blog, Alexeï Navalny évoque les intérêts financiers « personnels » des gens, parle des actionnaires minoritaires et de la corruption des fonctionnaires. Crédit : Reuters

La situation des droits de l’homme ne s’est en rien dégradée, car au sein de la population les attentes sont complètement différentes. Nous avons des lois protégeant les droits des croyants et interdisant la propagande de l’homosexualité qui n’intéressent pas l’immense majorité de la société. Ces deux textes fortement médiatisés n’affectent pas les droits et libertés des citoyens russes.

Le fait est qu’à chaque étape de son développement, chaque société se distingue par des priorités différentes. En toute franchise, ces thèmes constituent un ordre du jour de façade qui se substitue aux vrais enjeux.  

Pour les autorités, il est avantageux de débattre de ces questions et non pas des sujets véritablement pressants comme la corruption et les services publics communaux (SPC). Bien qu’il soit à première vue négatif, le point de vue occidental sur ce thème rend en réalité service aux officiels russes. Les droits des croyants et des homosexuels fournissent une occasion de débattre à l’excès de problèmes très secondaires.      

Les gens sont préoccupés par la construction d’un Etat efficace au quotidien : éducation, santé, services publics, sécurité, immigration. Le gouvernement doit apporter des réponses à chacune de ces questions, et ses réponses doivent ensuite pouvoir être facilement vérifiées. Peut-être qu’un jour les Russes commenceront à s’agiter à propos des questions relatives aux  droits des homosexuels et des croyants, comme cela se passe dans les pays occidentaux. Mais aujourd’hui, même le droit « de choisir et d’être élu de manière équitable » appartient au domaine des droits abstraits, incompréhensibles pour la majorité de la population.

La Constitution affirme que la Russie est un Etat social et cela est précisément à ce titre que la sauvegarde de ces droits est un sujet pressant. Au cours des 20 dernières années, cette dimension sociale a été progressivement démantelée au niveau systémique. Les gens sont en particulier sensibles aux droits acquis durant la période soviétique : la gratuité de l’enseignement et de la médecine. Ces droits sont très largement bafoués, mais cela passe inaperçu au niveau international. L’opposition a commencé à s’emparer de ce sujet. Cela est justement le secret de la popularité du candidat au poste de maire de Moscou Alexeï Navalny. Sur son blog, il a commencé à évoquer les intérêts financiers « personnels » des gens, à parler des actionnaires minoritaires et de la corruption des fonctionnaires. Il est immédiatement devenu évident à quel point cette orientation était populaire. La prochaine génération d’hommes politiques de l’opposition va sans aucun doute poursuivre cette tendance. L’on pourrait qualifier cette orientation de « populisme rationnel ». De nombreux hommes politiques qui parlent aujourd’hui davantage « d’élections honnêtes » vont progressivement s’orienter vers les questions sociales. Le mouvement d’opposition qui a émergé à la suite des élections de 2011 ne s’est pas développé parce qu’il traitait des thèmes les plus insignifiants. Cela s’est produit moyennant la persistance, voire même une augmentation des opinions protestataires au sein de la société.

Pavel Saline, directeur du Centre d’études politiques de l’Université des finances près le Gouvernement de la Fédération de Russie.

Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.

Ce site utilise des cookies. Cliquez ici pour en savoir plus.

Accepter les cookies