Comment apaiser les tensions ethniques en Russie

Dessin de Sergueï Elkine

Dessin de Sergueï Elkine

La politique nationale est l'une des questions les plus difficiles à résoudre en Russie. Les différends de nature ethnique constituent un problème qui peut surgir de façon imprévisible en n’importe quel lieu, y compris sous forme des conflits, le plus récent desquels est en train de se développer à Pougatchev, dans la région de Saratov.

À l'époque soviétique, la politique nationale consistait à considérer le problème des ethnies comme secondaire et à placer au premier plan le problème des classes. La formule était la suivante : les républiques de l’Union soviétique ne constituaient qu’une forme administrative dont le contenu était socialiste, fonctionnant selon le principe de « l’amitié des peuples » et de la solidarité des classes. Il était admis de considérer que le problème national ne pouvait trouver sa solution définitive que sous le socialisme.

La pratique consistait à considérer que le peuple russe était, par principe, « le grand frère » de tous les autres et qu’il devait faire tous les efforts possible pour que les autres peuples se développent et participent au processus de modernisation. Les Russes étaient obligés, en temps que « frères aînés », d’être responsables des autres peuples et de sacrifier généreusement leurs propres intérêts.

On peut citer à titre d’exemple « la mise en valeur des terres vierges » dans les années 1950, à une époque où, dix ans après la fin de la guerre, il y avait deux alternatives : ou bien développer le centre de la partie européenne du pays, habitée principalement par une population d’origine russe, ou bien investir dans des régions éloignées, en particulier le Kazakhstan, en y défrichant les terres vierges. Le choix a été en faveur de la seconde option. La politique consistant à accorder la priorité aux régions limitrophes, habitées par des minorités ethniques, a été suivie jusqu’à la fin de l’Union soviétique. Ce qui a pu être alors considéré comme une atteinte aux intérêts de la population russe a stimulé le développement du nationalisme actuel.

De nos jours, la formule devant résoudre problème national a été proposée par le président Poutine dans son article préélectoral, intitulé : La Russie : son problème national. Il a proposé de considérer la Russie comme un « État-civilisation » unique en son genre, dans lequel l’identité est fondée sur la conservation de la « domination culturelle russe », indépendamment de l’appartenance ethnique. C’est ainsi qu’a été souligné le rôle prédominant du peuple russe pour la formation de l’État et « la grande mission » de ce peuple : unir et renforcer une civilisation unique.

Cependant, il subsiste de nombreux problèmes concernant la mise en œuvre de cette formule. La plupart des politiciens partagent l’idée qu’il est nécessaire d’égaliser la situation sociopolitique de tous les citoyens russes. Certains politologues déclarent souvent que le problème national n’existe pas, et que ce qui existe, c’est le problème de la justice sociale. Ils expriment également l’idée que, si les gens touchaient de bons salaires et vivaient bien, il n’y aurait pas de conflits. Mais en adoptant une telle approche, on néglige le problème de la dissemblance des cultures, et c’est pourtant bien lui qui, à l'heure actuelle, est le catalyseur des conflits. Ce qu’il faut dans ce cas, c’est déployer un programme d’éducation interculturelle. Il serait donc utile de réaliser l’idée du ministère du Développement régional de créer des centres culturels nationaux. Nous devons comprendre que certains types de comportement sont habituels pour certaines ethnies et étrangers pour d’autres.

Il faut accorder davantage d’attention à la culture russe dans toutes ses réussites suprêmes, car c’est elle qui assure la cohésion du pays.

En ce qui concerne les propositions des politiciens et des organismes publics, il convient il convient de créer un centre de coordination destiné à rassembler toutes les propositions. La meilleure solution serait de créer cette structure auprès du président, afin de constituer une sorte de banque de propositions émanant des différentes forces politiques. Toutes les variantes devraient être soumises à une discussion publique. Il faudrait les analyser et décider quelle est la façon la plus simple et efficace de s’y prendre. L’aide de la Douma, de la Chambre publique de la Fédération de Russie, des structures gouvernementales et des organes de l’autorité exécutive aux différents niveaux serait également nécessaire. En agissant de la sorte, on pourrait obtenir dès l’automne prochain un document pratique, puis passer à sa mise en œuvre.

Leonid Poliakov, chef du département de politologie générale auprès de l’Université nationale de recherche, École supérieure d’économie.

Contexte

Après les troubles ayant eu lieu dans la ville de Pougatchev, située dans la région de Saratov, des solutions du problème national en Russie ont commencé à être proposées par différentes forces politiques. Le Front populaire de toute la Russie (proche du pouvoir, ndlr), en particulier, propose de créer un centre spécial de surveillance des processus interethniques et de migration qui devrait non seulement surveiller les conflits interethniques s’étant déjà manifestés, mais également étudier les conditions pouvant mener à leur apparition, afin que les autorités puissent prendre des mesures de prévention. Des représentants de la Chambre publique de la Fédération de Russie ont conclu, à la suite d’une analyse de la situation, que dans les villes où les conflits sont possibles, il est nécessaire de créer des milices interethniques, alors qu’au niveau fédéral, il convient de créer une Agence sur les tensions ethiniques. Le ministère du Développement régional a récemment exprimé l’idée qu’il faudrait créer des centres culturels nationaux où les gens pourraient prendre connaissance des cultures des différentes ethnies. Selon le ministère, chacune de ces idées est intéressante et qu’il est nécessaire de les rassembler, afin de mettre au point un mécanisme global de politique nationale.

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