France-Russie : une coopération sur le long terme

Image par Sergueï Elkine.

Vladimir Poutine et François Hollande se connaissaient déjà avant la visite de ce dernier, fin février à Moscou. Le président russe était passé à Paris, bien que très brièvement, dès son premier voyage officiel, le lendemain de son investiture au printemps dernier. 

Cette rencontre n’avait pas été très chaleureuse, en raison des désaccords sur la Syrie, question sur laquelle les deux pays ont des positions radicalement opposées. Malgré cela, Poutine avait cru bon de souligner l’importance particulière que revêt pour Moscou la relation avec Paris, l’un des principaux partenaires de la Russie en Europe, au même titre que Berlin.

De bonne guerre

La visite de François Hollande devait être très courte, une demi-journée seulement, ce qui très vite s’est avéré insuffisant. Le thème incontournable de la Syrie était bien sûr au rendez-vous, mais cette fois la discussion était plus détendue : les deux chefs d’État ont déclaré publiquement que la question étant complexe, « il faudrait une bonne bouteille pour l’éclaircir » : vodka pour Poutine, vin pour Hollande.

Par rapport à la dernière fois, leur position est restée la même mais le contexte a changé. 

Priorité à l’économie

François Hollande s’attache à mettre l’accent sur l’exclusivité des relations politiques entre les deux pays afin de s’en servir pour accroître leur rapprochement économique. Actuellement, les pays européens se concentrent sur la quête de nouveaux marchés, porteurs de nouveaux emplois et de croissance économique, préoccupations majeures des électeurs.

En France, tous les présidents de la Cinquième République, de Charles de Gaulle à Nicolas Sarkozy, ont appliqué la même politique face à Moscou : la préservation des relations, pour deux raisons essentielles. 

Il s’agit d’abord d’assurer la stabilité en Europe. En l’absence de rapports clairs avec la Russie, l’Europe ne sait sur quel pied danser. Ensuite, la bonne entente avec Moscou est l’un des trois piliers essentiels sur lesquels reposent le prestige et la force de la politique défendue par Paris, les deux autres étant une Europe unie, où la France se positionne d’emblée comme chef de file, et la relation avec les États-Unis, sur la base d’une équité maximale avec Washington.

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La Russie, quant à elle, a besoin d’un essor technologique et économique, dont le moteur a toujours été l’Europe. Malgré les éternelles discussions sur sa réorientation vers l’Asie, la Russie reste tournée vers l’Europe (voir le nouveau Concept de la politique étrangère russe, où les régions d’Asie-Pacifique n’apparaissent qu’au 75ème point).

Ainsi, ces différends politico-idéologiques entre Russie et Europe, qui se sont accrus ces derniers temps, ne peuvent pas entraver leur coopération. Évidemment, une proximité idéologique faciliterait les choses, mais le développement des relations économiques qui se poursuit est la preuve d’une volonté de rapprochement mutuel.

L’affaire Mistral 

Les projets franco-russes majeurs, lancés par les présidents respectifs précédents (l’achat de deux porte-hélicoptères Mistral et la participation de la France au développement de Sotchi) ont été freinés par la Russie pour des raisons internes. La nouvelle direction du ministère de la Défense s’est opposée à l’achat de technologies militaires à l’étranger, le secteur militaire ayant besoin de créer des emplois en Russie et non en France. 

L’affaire Sotchi, avec ses scandales et ses licenciements, peut être vue comme une redistribution des forces. La participation française pourrait avoir un rôle régulateur et stabiliser les conflits. Quant au dossier Mistral, ce projet intergouvernemental est trop important pour s’en détourner. 

L’affaire du Mistral permet de tirer une leçon. La tentative de deux pays de faire du commerce à court terme peut entraîner des réactions négatives. Ce genre de coopération n’a de sens que dans le cadre d’un projet commun d’envergure au niveau de l’industrie militaire, profitable aux deux pays à long terme. 

Si étrange que cela puisse paraître, Moscou et Paris ont tout intérêt à s’inspirer des accords de coopération militaire et technique entre la Russie et l’Inde (construction d’avions de chasse de la cinquième génération). Bien sûr, le fait que la France soit membre de l’OTAN pose des limites, mais ces vingt dernières années, nous avons appris que dans le monde moderne il ne fallait jamais dire jamais, et que tout reste possible. 

En tout cas, l’évolution des relations franco-russes laisse apparaître, et ce malgré la conjoncture actuelle, une véritable perspective de coopération à long terme.

Fedor Loukianov, président du Conseil pour la politique de sécurité et de défense de la Fédération de Russie.

Article publié dans RIA Novosti.

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