Illustration : Niyaz Karim
2012 s’est terminé sans grosse guerre au Proche- et Moyen-Orient. Cela dit, la hausse des tensions dans toute la région, qui a provoqué des conflits locaux dans des pays d’Afrique, d’Europe et d’Asie centrale, se poursuivra probablement, tout en laissant progressivement apparaître la formation de deux camps distincts.
Ces blocs constituent avant tout des courants du monde islamique soutenus par des forces extérieures, dont les principales sont les wahhabites du Qatar et d’Arabie saoudite d’un côté, et l’Iran shiite de l’autre. Les médias arabes affirment que l’Occident est quant à lui du côté des sunnites, alors que la Russie soutiendrait les shiites. Mais la réalité est plus complexe.
Expansion de l’islamisme
Doha et Riyad, au contraire de Téhéran, souhaitent éradiquer la laïcité dans le monde arabe et étendre l’islam politique. Ils s’appuient toutefois sur des mouvements différents pour réaliser cet objectif : le Qatar soutient les « Frères musulmans », tandis que les Saoudiens supportent les salafistes.
Les évènements du 11 septembre 2012 ont prouvé que les intérêts de ces courants étaient différents. Les « Frères musulmans » et les groupes qui leur sont proches ont été les principaux bénéficiaires du « Printemps arabes » en prenant le pouvoir en Tunisie et en Égypte. Les salafistes sont, eux, restés en marge des gouvernements et des budgets, bien que leur présence en politique soit devenue légale.
On constate dans l’ensemble que l’expansion de l’islamisme dans le monde est dirigée par le Qatar et l’Arabie saoudite, comme c’est le cas dans les combats des insurgés syriens contre Assad. Téhéran continue à soutenir Damas, mais sans s’immiscer directement dans les opérations militaires en Syrie.
Au Conseil de sécurité de l’ONU, la Russie et la Chine empêchent l’adoption d’une résolution autorisant une intervention extérieure contre Assad. Et à en juger les manœuvres de la flotte militaire russe près des côtes syriennes, cette tendance risque de durer.
Si Damas tient le coup jusqu’au déclenchement d’un conflit entre l’Iran et l’Arabie saoudite, le régime a une chance tenir.
Tactique du Golfe
Si l’Occident peut encore espérer trouver un accord avec des gouvernements, de tels arrangements sont exclus avec des groupes islamistes révolutionnaires disparates. Le dialogue est possible avec la participation du Qatar et de l’Arabie saoudite. Il ne faut néanmoins pas compter sur leur collaboration ou leur neutralité. Les attentats du 11 septembre à New York et Washington et les évènements de l’automne 2012 démontrent qu’après avoir atteint leurs objectifs grâce au soutien des États occidentaux, les islamistes n’hésitent pas à s’attaquer à l’Occident.
Les monarchies du Golfe qui chapeautent ces groupes veulent simplement que ces terroristes affaiblissent leurs concurrents, sans s’emparer du pouvoir dans leurs propres pays. Leur but est de rediriger les activités de mouvements dangereux vers l’étranger.
C’est stratégie n’est pas une surprise pour les gouvernements américain, français e britannique. Cependant, ils ont tendance à fermer les yeux sur ce qu’il se passe, à l’image de leur politique de 2012. Le ministre de la Défense et le Secrétaire d’État, récemment nommés par le président Obama, poursuivront probablement la politique américaine actuelle au Proche-Orient, qui privilégie le dialogue avec les islamistes.
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Hausse de l’islamisme en Russie
La Chine, qui est un des marchés les plus prometteurs pour les sources énergétiques arabes mais aussi un des principaux partenaires commerciaux de l’Occident, peut se permettre d’agir selon ses propres intérêts, comme en collaborant avec l’Iran, et ce sans risquer de détériorer ses relations avec ses opposants.
Vu sa mauvaise image auprès des pays du Golfe, La Russie ne bénéficie pas d’une telle indulgence. Ces États estiment en effet que le « Printemps arabe » s’est enrayé en Syrie à cause de la Russie. On peut donc s’attendre en 2013 à une recrudescence des actes islamistes sur le territoire russe, mais aussi dans son voisinage proche.
La Kirghizie (qui abrite des ambassades du Qatar et d’Arabie saoudite depuis 2012) et le Tadjikistan pourraient servir de bases pour le lancement d’un « Printemps d’Asie centrale ». Mais leurs principaux objectifs seront l’Ouzbékistan et le Kazakhstan, ce dont les gouvernements de ces pays s’attendent de toute évidence.
Le départ des troupes américaines d’Afghanistan en 2014 est synonyme de victoire pour les talibans et leur offre de nouvelles possibilités. Leur première mission sera de déloger d’Afghanistan les djihadistes étrangers, dont certains viennent de Russie ou d’autres anciennes républiques de l’ex-URSS.
En attendant la guerre
L’année qui commence sera charnière pour l’Iran. Le développement de la bombe atomique iranienne est quasiment acquis. La situation dans la région dépend d’abord de l’escalade des tensions entre l’Iran et les monarchies du Golfe ou Israël.
Les élections présidentielles iraniennes qui auront lieu au début de l’été 2013 définiront la stratégie du pays, qui ne peut pas mener de guerre sur tous les fronts. Il ne pourra attaquer Israël qu’en organisant des bombardements à partir du Sud du Liban et de Gaza.
La situation au Golfe est assez complexe. Bahreïn a peur de l’Iran à cause de son soutien aux courants shiites. Les ibadites d’Oman sont neutres. Quant aux Émirats arabes unis, en conflit avec l’Iran à cause d’îles qu’il occupe, ils n’apprécient pas trop les islamistes sunnites. Les arrestations de « Frères musulmans » dans les Émirats, malgré les protestations de l’Égypte, en sont la preuve.
L’Égypte, sans se soucier de l’islamisation rapide de la vie politique et grâce à elle, reste un pays clé dans le monde arabe. La publication de déclarations tenues par Morsi en 2010, dans lesquelles il traite les Juifs de « descendants de cochons et de singes », montrent qu’il sera impossible de rétablir la paix avec Israël. Elles confirment également qu’en cas de crise irréversible en Égypte, en premier lieu économique, une guerre avec l’État hébreux pourrait constituer la seule issue pour le leader égyptien.
Israël se prépare à cette guerre, tout comme il se tient prêt à un conflit avec l’Iran, une troisième intifada et des affrontements avec les djihadistes aux frontières avec la Syrie, le Liban ou la Jordanie.
Evguéni Satanovski est président de l'Institut du Proche-Orient.
Version résumée. L’intégralité de l’article est disponible sur le site de VPK.
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