Kobzarro, la dangereuse aventure d’une surfeuse du métro

Je ne peux joindre la jeune femme qu’en ligne, via son compte sur un réseau social russe populaire. En fait, c’est un faux profil et elle cache son nom sous le pseudonyme Zarro Kobzarro et son visage sous une cagoule noire. Elle a probablement raison, car le « métro-surfing », sous-culture consistant à courir sur e toit du métro, est tout ce qu’il y a de plus illicite.

Vous n’avez jamais rencontré ces fous ? Ils grimpent sur le toit d’une rame du métro ou d’un train et s’amusent à courir dessus alors qu’il est en marche, avant de publier sur la Toile leurs vidéos rappelant le tournage d’un nouveau James Bond avec scènes d’action et effets spéciaux à profusion. Toutefois, les séries de sauts ne sont pas accomplies par des cascadeurs, mais par de mystérieux inconnus au visage caché dont certains ne rentrent jamais de leur périple.

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Mon interlocutrice précise qu’elle doit porter un masque avant tout pour garantir sa sécurité personnelle, le « métro-surfing » étant illégal.

La plupart des « surfeurs » cachent leur visage, mais Kobzarro est une jeune femme (d’après sa manière de parler je comprends qu’elle n’a pas plus de trente ans) et le masque est incapable de dissimuler complètement ses traits charmants. En outre, son masque la rend inaccessible aux critiques de la société – celles-ci ne la concernant pas directement – et fait partie de son image.

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Kobzarro s’est essayée pour la première fois au « métro-surfing » alors qu’elle avait 15 ans. Un an plus tard, elle apprenait l’existence de ce mouvement avec sa culture et ses règles. Et s’y est jointe instantanément.

Une histoire ordinaire d’une adolescente qui se sent incomprise par ses parents, qui se croit rejetée par le monde entier et qui cherche la compagnie d’individus établissant leurs propres règles. Heureusement que pour se libérer du cadre imposé, les adolescents ne se lancent pas tous dans une course insensée sur les toits, les gratte-ciel, les terrains vagues, les tunnels de métro ou les égouts.

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« Plusieurs fois j’ai été arrêtée par la police », me confie calmement la jeune femme. Je pense qu’elle est si tranquille parce qu’actuellement elle ne risque qu’une petite amende. En cas d’adoption d’une nouvelle loi, qui prévoit de durcir la peine jusqu’à l’emprisonnement pour récidive, la situation pourrait changer.

Kobzarro affirme pourtant que l’idée du durcissement de la peine la réjouit. « Dans un sens, c’est très bien, car moins de personnes risqueront leur vie. Pour ceux qui gardent la tête sur les épaules même avec un hobby semblable, la nouvelle loi offrira « un nouveau niveau » où il sera indispensable d’être plus prudent et de développer la faculté à prendre des décisions encore plus vite ».

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Les « surfeurs » du métro aiment mettre en avant leur amour de la liberté et leur absence de conformisme. Ce qui est naturel pour toute sous-culture de jeunes. Mais Kobzarro me fait une réflexion inattendue : « L’aspiration à la liberté, ce n’est pas la lutte contre le système, mais la recherche de moyens de se réaliser en restant à l’intérieur de celui-ci ».

La jeune femme souligne qu’il est important à tout moment de garder son self-control et de se rendre compte des éventuelles conséquences, car le « métro-surfing » dépend grandement de la technique et ne pardonne pas la moindre erreur.

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En effet, l’expérience vire parfois au drame. La plupart des tragédies surviennent non pas en raison des chutes, mais à cause de la haute tension sur le rail d’alimentation électrique. La voiture de la rame est surmontée d’un pantographe. Si on l’approche et d’autant plus si on le frôle, on voit surgir un arc électrique explique-t-elle.

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Tous les « surfeurs » qui prennent leur hobby au sérieux, comme Kobzarro, possèdent des connaissances assez profondes de la théorie, notamment des nuances techniques des différents modèles de rames, du champ disruptif, des tensions utilisées et des types de courant (alternatif ou continu).

L’élément principal reste pourtant de garder la tête sur les épaules, insiste mon interlocutrice. Comme disent tristement les « surfeurs », non sans une note d’humour noir : celui qui tombera ne remontera plus sur le toit.

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