Helmut Kohl : le chancelier qui a arraché la réunification de l’Allemagne au Kremlin

Helmut Kohl

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Helmut Kohl, ancien chancelier allemand, est décédé le 16 juin. Il entrera dans l’histoire comme celui qui a permis la réunification de l’Allemagne en 1990. Dans ses pourparlers avec le leader soviétique Mikhaïl Gorbatchev, dont le soutien était vital pour le pouvoir de la RDA, Kohl a tout fait pour que la réunification se fasse selon les termes posés par Bonn. L’homme politique allemand a également su arracher des concessions à Boris Eltsine, le dirigeant russe qui a remplacé Gorbatchev au Kremlin.

Helmut Kohl. Crédit : ReutersHelmut Kohl. Crédit : Reuters

Chef du gouvernement allemand pendant 16 ans à partir de 1982, Helmut Kohl a travaillé tant avec le dernier dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev qu’avec le premier dirigeant russe Boris Eltsine. Les deux ne ménageaient pas leurs louanges, même si Kohl défendait les intérêts de l’Allemagne, tels qu’il les concevait, avec une rigueur incontestable.

La « démarche de Kohl »

C’était « un homme doté d’une immense résilience et d’un caractère fort », disait le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev à propos du chancelier allemand, le qualifiant par ailleurs d’homme politique « intelligeant, franc et sincère ». Gorbatchev rappelle par ailleurs qu’au départ, les relations entre les deux leaders, tout comme les relations entre Bonne et Moscou, n’étaient pas au beau fixe. « Dans des termes, pour ainsi dire, impolis, Kohl a publiquement qualifié notre perestroïka de ruse propagandiste. Cette démarche a fait que les relations entre la RFA et l’URSS se sont retrouvées « gelées » », affirmait Gorbatchev.

Plus tard, quand les relations entre les deux pays se rétabliront à la fin des années 1980, les conflits entre Moscou et Bonne seront nombreux. Il s’agissait à chaque fois de la question de la réunification allemande, soulevée par la perestroïka en URSS, et la perte progressive du contrôle par le pouvoir de la RDA. Au départ, Kohl et Gorbatchev avaient des conceptions divergentes sur l’issue de la question allemande.

Gorbatchev change d’avis

Mikhaïl Gorbatchev et Helmut Kohl. Crédit : APMikhaïl Gorbatchev et Helmut Kohl. Crédit : AP

En novembre 1989, Kohl dévoile, devant le Bundestag, le programme en « 10 points » sur la réunification de la RDA et de la RFA et sur la création d’un État confédéral. Cette décision n’avait pas été discutée avec Gorbatchev, alors que les deux dirigeants avaient convenu de s’entretenir sur ce type d’initiatives, comme le rappellera ensuite Gorbatchev. Moscou n’était alors pas prêt à voir une Allemagne unifiée sur la carte de l’Europe. Deux ans après le discours de Kohl, Gorbatchev annoncera au ministre allemand des Affaires étrangères Hans-Dietrich Genscher qu’il fallait « dire franchement que ces ultimatums étaient adressés à un État allemand indépendant et souverain », qualifiant la déclaration du chancelier de « faute politique ».

Pourtant, fin janvier 1990, le dirigeant soviétique connaîtra un véritable retournement. Gorbatchev reconnaît alors que la réunification allemande était une mission politique urgente. Plusieurs chercheurs attribuent ce changement de pied à la demande adressée par le dirigeant soviétique à Kohl début janvier. Moscou demandait alors à Bonn de fournir une aide alimentaire de plusieurs millions de marks à l’URSS. L’économie soviétique en déperdition ne parvenait plus à nourrir le pays. Kohl a donné une réponse positive.

Lors de la visite de Kohl a Moscou, qui a suivi le 10 février, Gorbatchev a affirmé au chancelier allemand : « la question de l’unité de la nation allemande… doit être décidée par les Allemands ». Moscou a, en réalité, donné son feu vert au chancelier allemand pour la réunification du pays. Il n’est donc pas étonnant que lors de la conférence de presse tenue dans la capitale soviétique Kohl a parlé d’une « percée » dans la question de l’unité allemande.

Adhésion de l’Allemagne à l’Otan

Comme dans le cas de ce qu’on pourrait qualifier d’absorption de son voisin oriental par la RFA, plus puissante économiquement, Kohl parviendra à plier Gorbatchev sur la question de l’adhésion de l’Allemande unifiée à l’Otan. Au départ, Moscou insistait sur le statut neutre et non-aligné du pays, mais finira par accepter la participation de l’Allemagne dans l’Alliance atlantique. Cela se produira pendant la visite de Kohl en URSS en juillet. Le conseiller de Kohl Horst Teltschik se souviendra qu’à son arrivée à Moscou, le chancelier a exigé que Gorbatchev accepte l’adhésion de l’Allemagne unifiée à l’Otan, le menaçant de quitter sur le champ l’URSS et d’annuler la visite dans le Caucase du Nord, programmée avec Gorbatchev. Ce dernier a de nouveau cédé. Le dirigeant de l’URSS a accepté le retrait des troupes soviétiques d’Allemagne. En échange, Bonn a fourni une aide financière à Moscou. De nouvelles livraisons de nourriture étaient prévues. 

L’ancien secrétaire du Comité central du Parti communiste Valentin Faline raconte que, la veille de cette rencontre, Gorbatchev avait demandé « trois à quatre milliards de marks » à Kohl, disant qu’il « n’avait pas de quoi nourrir le peuple ». Un ancien apparatchik estime qu’il pouvait s’agir d’une somme beaucoup plus élevée – l’URSS a pu obtenir plus de 100 milliards de marks de l’Allemagne. Non seulement l’URSS n’est pas parvenu à défendre le statut non-aligné de l’Allemagne réunifiée, mais Moscou acceptera également que les armes nucléaires tactiques américaines restent dans l’ouest du pays. Cette concession sera qualifiée de « plus grand triomphe de l’Otan ».

Kohl et Eltsine

Après l’effondrement de l’URSS et le départ de Gorbatchev, Helmut Kohl établira une relation avec son successeur au Kremlin, le premier président russe Boris Eltsine. En décembre 1992, Kohl rendra sa première visite dans le pays qui est devenu la Russie. Le chancelier allemand et Boris Eltsine organiseront une vingtaine de rencontres. Le dirigeant russe souhaitait conserver des relations constructives avec l’Allemagne et n’a donc pas dévié du cours emprunté par son prédécesseur sur la question allemande. Sous Eltsine, les troupes soviétiques se sont retirées du territoire allemand.

À la mort d’Eltsine en 2007, Kohl qualifiera son décès de perte tragique et déclarera avoir « gardé un souvenir agréable de nos rencontres humainement cordiales et politiquement précieuses, pendant lesquelles il s’est montré en partenaire fiable et en ami fidèle ». Eltsine a qualifié le chancelier allemand d’ami à maintes reprises. Exprimant ses condoléances suite au décès de Kohl, la veuve du premier président russe Naïna Eltsine a déclaré que c’était « un homme qui a tant fait pour le développement de relations égalitaires entre son pays et la nouvelle Russie démocratique ».

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