Poutine et Macron brisent la glace à Versailles

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron.

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron.

Reuters
Des négociations se sont tenues lundi à Versailles entre le nouveau président français Emmanuel Macron et son homologue russe Vladimir Poutine. Cette rencontre n’a marqué aucune percée, mais, selon les experts, il est possible d’envisager à l’issue de ce voyage une intensification du dialogue tant entre la Russie et la France qu’entre Moscou et l’ensemble des pays occidentaux.

Emmanuel Macron et Vladimir Poutine. Crédit : ReutersEmmanuel Macron et Vladimir Poutine. Crédit : Reuters

La visite de Vladimir Poutine était consacrée au tricentenaire du voyage du tsar russe Pierre le Grand en France. Cet anniversaire a été l’occasion d’inaugurer à Versailles une exposition que les deux leaders ont parcourue à l’issue de trois heures de négociations.

Vladimir Poutine et Emmanuel Macron ont passé en revue différents sujets, notamment la situation en Syrie et l’application des accords de Minsk sur l’Ukraine. Le président français a déclaré lors de la conférence de presse qu’il avait également été question de la situation des homosexuels en Tchétchénie – l’Occident est inquiet face aux informations faisant état de violations de leurs droits dans cette république du Caucase russe – et des activités de différentes ONG en Russie.

Réparer les erreurs de Hollande ?

En invitant Vladimir Poutine en France, Emmanuel Macron voulait visiblement réparer l’erreur de son prédécesseur François Hollande, estime Iouri Roubinski, directeur du Centre des études françaises à l’Institut de l’Europe de l’Académie russe des sciences. En octobre dernier, Vladimir Poutine avait annulé in extremis sa visite à Paris après que François Hollande avait déclaré ne pas être certain du caractère opportun d’une rencontre avec le leader russe.
Les experts russes font remarquer que la rencontre entre Vladimir Poutine et Emmanuel Macron avait lieu dans la foulée de la participation du président français au sommet de l’Otan et à la réunion du G7 la semaine dernière. Iouri Roubinski relève dans ce contexte la déclaration faite après la rencontre des présidents russe et français sur le souhait de Moscou de voir participer les États-Unis aux négociations sur l’Ukraine tout en préservant le « format Normandie ». Ce qui laisse penser que cette idée « a vraisemblablement été confirmée à Versailles », a-t-il noté.

Emmanuel Macron et  Vladimir Putin à Versailles. Crédit : ReutersEmmanuel Macron et Vladimir Putin à Versailles. Crédit : Reuters

Pour le politologue Andreï Souzdaltsev de la Haute école d’économie (Moscou), Emmanuel Macron a notamment endossé lors des négociations avec Vladimir Poutine le rôle d’émissaire chargé de tracer avec son interlocuteur de nouveaux axes de développement des relations entre l’Occident et la Russie. Des itinéraires qui avaient probablement été évoqués aux sommets des leaders occidentaux ayant précédé la rencontre de Versailles, a-t-il souligné.

La mission n’était pas des plus simples, d’importantes dissensions ayant vu le jour au sein de la famille occidentale après l’arrivée de Donald Trump à la présidence des États-Unis. L’Occident ne possède pas d’approche unifiée sur les moyens de développer les relations avec la Russie, a-t-il affirmé.

Macron brûle la politesse à Merkel ?

Andreï Souzdaltsev relève également le nouveau rôle dont s’est saisi le jeune président français. Jusqu’ici, les contacts avec la Russie étaient la prérogative de l’Allemagne. Sur ce plan, Emmanuel Macron « a coupé l’herbe sous le pied de (la chancelière allemande Angela) Merkel », a-t-il indiqué, en constatant que le chef de l’Etat français se fixait pour objectif « de surpasser Angela Merkel pour répéter l’exploit de Nicolas Sarkozy », dont l’intervention a notamment permis de mettre fin au conflit en Ossétie du Sud, qui avait opposé la Russie à la Géorgie pendant l’été 2008.

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Difficile de tirer des conclusions pour le moment, mais les experts sont unanimes à estimer que les négociations ont été assez pondérées, surtout dans le contexte des difficultés qui minent les relations Russie-Occident ces dernières années. Le cadre de la visite de Vladimir Poutine, une rencontre à Versailles, prouve que l’Occident souhaite établir de bonnes relations avec Moscou. « L’Europe actuelle ne peut pas exister en ayant à l’est un camp ennemi incarné par la Russie », a-t-il dit.

Les analystes sont certains qu’il n’existe pas d’alternative à la poursuite et à l’intensification du dialogue avec la Russie. Dans ce contexte, ils saluent la décision de lancer un forum franco-russe des sociétés civiles à l’image de celui qui existe entre la Russie et l’Allemagne, Dialogue de Saint-Pétersbourg, et de créer un groupe de travail sur la Syrie. Ce dernier doit présenter des propositions sur la lutte commune contre le terrorisme dans ce pays arabe.

Déclarations fermes de Macron

Dans le même temps, Emmanuel Macron s’est montré ferme sur l’utilisation des armes chimiques en Syrie. « Toute utilisation d’armes chimiques fera l’objet d’une riposte immédiate » de la France, a-t-il martelé. En ce qui concerne le dossier ukrainien, les présidents ont décidé de tenir un nouveau sommet au « format Normandie » sans pour autant citer de points de contact.

Les relations bilatérales restent complexes, ce qui ressort clairement de la réponse d’Emmanuel Macron à un reporter de la chaîne Russia Today (RT) qui l’interrogeait sur l’interdiction faite à certains journalistes russes d’accéder aux événements ayant marqué la fin de sa campagne. « Russia Today et Sputnik (un autre média public russe, ndlr) ne se sont pas comportés comme des organes de presse et des journalistes, mais ils se sont comportés comme des organes d'influence et de propagande mensongère », a-t-il lancé. Commentant ces propos, le porte-parole du Kremlin a souligné qu’il n’était pas d’accord avec l’évaluation du président français. Margarita Simonian, rédactrice en chef de RT, a qualifié cette déclaration de « vaudeville bon marché ». Elle a fait observer que RT n’avait jamais été « contre » Emmanuel Macron, se contenant de ne pas être « pour ».

Début février, Sputnik a publié une interview avec le parlementaire français Nicolas Dhuicq qui affirmait qu’Emmanuel Macron était lié au monde des affaires américain et soutenu par « un très riche lobby gay ». Toutefois, Sputnik n’était pas le premier média à reprendre les paroles de Nicolas Dhuicq, ce dernier n’étant en outre pas le premier à soulever le sujet. Le Monde avait évoqué ces rumeurs dès novembre dernier, tandis que l’ex-président Nicolas Sarkozy avait fait des déclarations équivoques. Au point qu’Emmanuel Macron a dû démentir ces propos en public.

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