Paix froide: Russie et Occident gèrent leurs différends en Arctique

FAIRBANKS, ALASKA, USA - MAY 11, 2017: Sweden's Foreign Minister Margot Wallstrom, Russia's Foreign Minister Sergei Lavrov, US Secretary of State Rex Tillerson, and Norway's Foreign Minister Borge Brende (L-R) pose for a group photo ahead of the 10th Arctic Council Ministerial Meeting.

FAIRBANKS, ALASKA, USA - MAY 11, 2017: Sweden's Foreign Minister Margot Wallstrom, Russia's Foreign Minister Sergei Lavrov, US Secretary of State Rex Tillerson, and Norway's Foreign Minister Borge Brende (L-R) pose for a group photo ahead of the 10th Arctic Council Ministerial Meeting.

Alexander Shcherbak/TASS
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a déclaré à la réunion ministérielle du Conseil arctique qu’il n’existait pas de potentiel de conflit entre la Russie et les autres pays riverains de l’Arctique. Les experts en relations internationales estiment que la situation est plus complexe, mais constatent que jusqu’ici il a toujours été possible de régler les problèmes.

Crédit : Alexander Chtcherbak / TASS Crédit : Alexander Chtcherbak / TASS

La Russie et l’Occident sont rarement d’accord ces dernières années. Washington, en commun avec les capitales européennes, et Moscou soutiennent des camps opposés dans la guerre civile en Syrie, interprètent de manières différentes le conflit dans les régions orientales de l’Ukraine et s’entraccusent de tentatives d’ingérence dans leurs affaires intérieures. Dans ce contexte, la rhétorique concernant l’Arctique semble plus que pacifique.

Ceci vient d’être confirmé le 11 mai à Fairbanks (Alaska) dans le cadre d’une rencontre ministérielle du Conseil arctique. « Il n’existe pas de potentiel de conflit quelconque en Arctique », a affirmé le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, lors de la rencontre. Selon lui, la Russie fait tout pour que la région arctique reste un territoire de paix et de coopération.

Des déclarations semblables ont été faites par ses homologues occidentaux, les ministres des Affaires étrangères du Danemark, d’Islande, du Canada, de Norvège, des États-Unis, de Finlande et de Suède (tous membres du Conseil arctique). « L’Arctique est un territoire de paix » : tel est le slogan traditionnel de tous les forums consacrés à la région. Pourtant, certains pensent que ce n’est pas tout à fait le cas.

Menaces cachées

La région polaire reste hautement militarisée depuis la guerre froide, rappelle Alexeï Fenenko, expert de l’Institut de sécurité internationale. « Tous les itinéraires des missiles balistiques intercontinentaux, aussi bien russes qu’américains, passent par l’Arctique », a-t-il indiqué à RBTH. C’est également ici que sont concentrées les principales forces stratégiques nucléaires de Russie. « Dans ce sens, l’Arctique est le fer de lance du pays (dans la confrontation) », a-t-il affirmé.

Certains officiels constatent également que la région est en proie à une course aux armements dissimulée. Ainsi, le commandant de la Garde côtière des États-Unis, Paul Zukunft, a exprimé le 3 mai dernier son inquiétude et a déclaré au magazine américain Foreign Policy que la Russie « mettait échec et mat » les États-Unis en Arctique en dépassant les Américains en termes de quantité et de qualité des armements et des matériels, notamment des brise-glaces.

La Russie, elle, est traditionnellement mécontente du renforcement de l’Otan en Arctique. Le ministre russe de la Défense, Sergueï Choïgou, a vivement critiqué le 26 avril dernier la mise en place dans le nord de la Norvège d’un polygone accueillant en alternance des contingents de l’Alliance. Il a estimé que c’était « une démonstration de la promotion des intérêts de l’Otan par la force ».

Intérêts particuliers de la Russie

Toutefois, malgré certaines déclarations acerbes, la Russie et l’Occident essaient tant bien que mal de maintenir un développement pacifique, a noté Andreï Kortounov, le directeur général du Conseil russe pour les affaires internationales. « En ce qui concerne les déclarations sur la supériorité de la Russie sur le plan militaire en Arctique, cette situation s’est formée historiquement », a-t-il dit à RBTH.

Selon lui, l’Occident a toujours réalisé que l’Arctique revêtait une importance particulière pour la Russie, étant donné que ses forces navales, à la différence de la flotte des États-Unis, n’ont pas d’accès direct aux océans Atlantique ou Pacifique, ce qui fait que les pays de l’Otan ne cherchent pas à atteindre la parité dans la région. Et d’ajouter : « Si cette compréhension persiste, je pense que nous pourrons éviter la course aux armements ».

Ressources et territoires

L’Arctique est une région très précieuse qui concentre, selon les chercheurs, 13% des réserves mondiales conventionnelles de pétrole et 30% des réserves de gaz. Au fur et à mesure de la fonte des glaces, la Route maritime du Nord prendra de plus en plus d’importance : d’ici la fin des années 2030, elle pourrait être entièrement dégagée des glaces et devenir la plus grande voie de transport.

Crédit : Alexander Chtcherbak / TASS Crédit : Alexander Chtcherbak / TASS

Dans ce contexte, le fait que le problème de l’appartenance des eaux arctiques ne soit pas encore définitivement résolu a son importance. L’Arctique est divisée entre cinq pays – Russie, États-Unis, Norvège, Danemark et Canada – avec préservation de la zone patrimoine mondial, mais ces pays se formulent des griefs territoriaux réciproques. Ainsi, les demandes d’extension de leurs territoires en Arctique déposées devant les Nations unies par la Russie, le Canada et le Danemark se recoupent, car chacun des pays calcule à sa manière le territoire du plateau continental et estime les griefs des voisins infondés.

Un litige, pas de guerre

Alexeï Fenenko estime que de sérieuses tensions pourraient apparaître dans cinq à dix ans, lorsque les Nations unies prendront leur décision. Ainsi, d’éventuels heurts seraient possibles si l’Onu accorde un territoire près du pôle Nord à un pays membre de l’Otan dont les avions survoleront la région. « Un conflit local pourrait éclater sur la Route maritime du Nord », a-t-il souligné.

Pourtant, Andreï Kortounov cite trois sérieux facteurs de dissuasion. Premièrement, les principales réserves de ressources naturelles sont concentrées dans des régions mises en valeur et délimitées dont l’appartenance n’est pas contestée. Deuxièmement, les demandes aux Nations unies sont présentées « avec une marge » et bien que des litiges territoriaux existent, les pays sont capables de les régler sur la base de concessions réciproques, comme l’ont fait la Russie et la Norvège en partageant la mer de Barents en 2010. Troisièmement, l’Onu examine les demandes progressivement : « La décision ne sera vraisemblablement pas prise avant le milieu des années 2020. D’ici là, beaucoup de choses vont changer et la tension dans les relations internationales pourrait disparaître ». Par conséquent, il ne faut pas dramatiser le problème arctique : il existe, mais nul risque d'être confrontés ici à une guerre chaude.

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