A supporter holds a flag depicting Turkish President Tayyip Erdogan during a pro-government demonstration in Ankara, Turkey, July 20, 2016.
ReutersLe renforcement des pouvoirs d’Erdogan aura des conséquences au niveau bilatéral. Crédit : Reuters
Pour une partie de la société turque, celle qui a voté pour les amendements, le passage à une gouvernance présidentielle est une évolution logique pour le pays. Une Turquie forte se doit d’avoir un président fort, estime cette partie de la population turque. Pour l’autre partie de la société turque, celle qui a voté contre les amendements (48,6%), le passage à une gouvernance présidentielle et l’élargissement des pouvoirs du président entraîneront l’instauration d’un régime autoritaire, l’abandon de la voie européenne de développement et de nouvelles répressions contre l’opposition.
Le 18 avril au soir, le président russe Vladimir Poutine a félicité son homologue turc pour le « succès du référendum sur les amendements à la Constitution turque », indique le communiqué publié sur le site du Kremlin.
Le dirigeant turc a également été félicité par le chef du Parti libéral-démocrate russe Vladimir Jirinovski, turcologue de formation et homme politique populaire en Russie qui commente régulièrement et publiquement les relations russo-turques. Dans un télégramme adressé à Erdogan, il a exprimé l’espoir d’une amélioration progressive des relations russo-turques. Jirinovski a souligné que les deux pays devaient construire un axe Nord-Sud pour que le réchauffement des relations, amorcé en automne 2016, se poursuive au cours de la prochaine décennie.
Konstantin Kossatchev, président du Comité des affaires internationales au Conseil de la Fédération (chambre haute du parlement russe), a également commenté les résultats du référendum sur sa page Facebook. Pour lui, « Ergodan cherche à renforcer son pouvoir personnel et a, visiblement, abandonné l’idée de l’intégration européenne ». Kossatchev n’a rien dit des conséquences potentielles du référendum pour les relations russo-turques.
Crédit : Reuters
Plusieurs divergences sur les questions politiques traversent les relations entre Moscou et Ankara. Il s’agit de la crise syrienne, où, malgré la coopération menée par les pays dans le cadre du processus de règlement de la crise à Astana et le contact permanent entre les ministères des Affaires étrangères et de la Défense des deux pays, il existe des différends sur les Kurdes syriens et le régime d’Assad. La Turquie s’oppose à toute participation des Kurdes dans les négociations sur le règlement de la crise en Syrie. La Russie, au contraire, soutient les Kurdes et insiste sur leur implication dans le processus de négociations. Quant à Assad, avant la récente attaque chimique dans la province d’Idlib, Ankara avait adouci sa rhétorique sur le président syrien et n’insistait plus sur son départ immédiat. Après l’incident chimique à Idlib, la Turquie а repris son discours appelant au départ d’Assad.
Les divergences politiques influent sur les relations économiques entre les deux pays. Moscou n’a toujours pas levé une partie des sanctions introduites contre Ankara en représailles à la destruction d’un avion militaire russe par la Turquie en novembre 2015. Les tomates et les concombres turcs sont sous embargo et un régime de visa unilatéral est maintenu à l’égard des ressortissants turcs.
De son côté, le 15 mars, la Turquie a instauré des tarifs douaniers élevés sur les produits agricoles russes comme le blé, le maïs, l’huile de tournesol et les sprats. Selon le rapport élaboré par les experts de l’Académie russe de l’économie nationale et du service public auprès du Président de la Fédération de Russie, l’Institut de politique économique Gaïdar et l’Académie russe du commerce extérieur, les pertes potentielles de la Russie liées à la baisse des importations de blé, d’huile végétale et d’autres produits agricoles en Turquie sont estimées à 1,2–1,4 milliard d’euros en 2017.
Les experts estiment que les résultats du référendum n’auront pas de grande influence sur les relations entre la Russie et la Turquie, tandis que les divergences persisteront. « Le pouvoir turc reste le même, les nouveaux pouvoirs ne s’appliqueront qu’au prochain président, dont l’élection est officiellement fixée à novembre 2019 pour le moment. La crise syrienne et le rapprochement rapide des positions turque et américaine sur Assad sont des facteurs beaucoup plus importants. Les tensions dans les relations russo-turques se feront visiblement sentir par à-coups : elles augmenteront pendant les crises, mais entretemps, la coopération économique reprendra », estime Ilchat Saïetov, spécialiste de la Turquie et membre du Centre d’étude du Proche et Moyen Orient de l’Institut d’études orientales auprès de l’Académie russe des sciences.
Crédit : Reuters
Leonid Sloutski, président du Comité des Affaires étrangères à la Douma (chambre basse du parlement russe), estime que les résultats du référendum turc n’auront aucun impact sur les relations avec la Russie. « Notre relation avec la Turquie n’est pas simple, mais c’est clairement une relation de partenariat, tant le domaine économique que dans le domaine politique. Nous n’avons aucune raison de douter de son évolution à l’issue du récent référendum », indique Sloutski, cité par son service de presse.
En Russie, 3 201 citoyens turcs ont participé au référendum sur la modification de la Constitution. Parmi eux, 833 personnes se sont prononcées en faveur des amendements (26%) et 2 368 s'y sont opposées (74%). Ces données divergent fortement avec les résultats du vote des citoyens turcs résidant en Europe. Ainsi, au Pays-Bas, 71% des Turcs ont voté pour cette réforme constitutionnelle, en Belgique ils étaient 75%, en Autriche 73%, en Allemagne 63% et en France 65%.
Efe Tanay, juriste et politologue turc vivant à Moscou, pense que la différence dans les votes des Turcs en Russie et en Europe est liée à l’éducation : « L'ancien ministre turc de l'Energie pointe également l'éducation comme étant un facteur clef. Selon lui, il y a moins de probabilité que des gens instruits votent pour le parti au pouvoir et pour les modifications constitutionnelles qu'il soutient. Toutes les grandes villes de Turquie, où réside la population la plus cultivée, se sont opposées à cette réforme. La différence des résultats du vote en Europe, d'un côté, et en Russie et aux États-Unis de l'autre, est liée au fait que dans ces deux derniers pays habitent principalement des gens ayant un haut niveau d'éducation. Les gens cultivés ont conscience des risques que comprend le nouveau système proposé par ce référendum ».
Crédit : Reuters
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.