Le président d’Ouzbékistan entre la vie et la mort

Le président d’Ouzbékistan Islam Karymov  (à droite) parle avec le président russe Vladimir Poutine lors d'une rencontre des leaders des républiques ex-soviétiques à Burabai, au Kazakhstan, le 16 octobre 2015.

Le président d’Ouzbékistan Islam Karymov (à droite) parle avec le président russe Vladimir Poutine lors d'une rencontre des leaders des républiques ex-soviétiques à Burabai, au Kazakhstan, le 16 octobre 2015.

Reuters
Les rumeurs sur le décès de l’autocratique président ouzbek Islam Karimov circulent depuis lundi dernier, jour de son hospitalisation. Le départ progressif des leaders de longue date des pays d’Asie centrale menace de déstabiliser la région et crée des risques pour la Russie.

L'agence Reuters a annoncé vendredi que le président ouzbek Islam Karimov était décédé à Tachkent des suites d'une hémorragie cérébrale. Les rumeurs sur le décès du leader ouzbek circulent depuis lundi, or aucune confirmation officielle à cette égard n'a toujours été faite. 

L’hospitalisation du président d’Ouzbékistan Islam Karimov a été rendue publique le 28 août. Le lendemain, Lola Karimova-Tillyaeva, fille du politicien indéboulonnable de 78 ans qui était à la tête de l’Ouzbékistan depuis l’indépendance du pays, a posté sur Instagram une photographie de sa famille, dont la légende expliquait qu’Islam Karimov avait été hospitalisé après une crise cardiaque et était en réanimation.

Le soir même, le journal Fergana, spécialisé dans l’Asie centrale, a annoncé la mort du politicien. Tachkent a officiellement démenti cette information. 

L’exemple de Staline

Konstantin Zatouline, directeur de l’Institut des pays de la CEI, compare la situation en Ouzbékistan avec celle qui régnait en 1953 en URSS, lors de la mort de Joseph Staline. «  La lutte pour le pouvoir avait commencé alors que Staline était toujours vivant, mais brisé par la paralysie », rappelle l’expert. « Il me semble que quelque chose de semblable se produise en Ouzbékistan : l’élite est en train de choisir qui occupera la place de Karimov ».

Islam Karimov avait dans les faits tous les pouvoirs en Ouzbékistan, considère l’expert, mais il n’avait pas d’héritier clairement défini. « Le principal défaut des régimes autocratiques comme celui de Karimov est que malgré toute leur stabilité, ils sont vulnérables en ce qui concerne les questions de succession », affirme le politologue. Selon lui, cela concerne aussi, à un autre degré, d’autres Etats d’Asie centrale, comme le Kazakhstan et le Tadjikistan. Un jour où l’autre, ces Etats devront faire face au même problème que l’Ouzbékistan : le renouvellement des élites après le départ de leurs présidents « éternels ».

Potentiel explosif

Les problèmes que rencontrera l’Ouzbékistan après Karimov sont sérieux et assez typiques de la région, considère Irina Zviaguelskaïa, professeure à l’Université d’Etat de Moscou et directrice scientifique de l’Institut d’orientalisme de l’Académie russe des sciences. « C’est l’islamisme radical, l’extrémisme. Une grande partie de la jeunesse vit de façon traditionnaliste, dans la pauvreté et le chômage », explique-t-elle.

En raison de la proximité de l’Asie centrale avec l’Afghanistan, où sont actifs les Talibans et l’Etat islamique, il est à redouter la période de transition qui suivra le départ des élites actuelles fasse de la région une proie des terroristes. Selon Konstantin Zatouline, l’Ouzbékistan est le pays le plus dangereux en ce qui concerne la diffusion du fondamentalisme islamique : « Les Ouzbeks sont un peuple sédentaire, chez qui l’islam a toujours été plus rigide et radical que chez leurs voisins nomades du Kazakhstan ». L’expert craint que des combattants venus d’Afghanistan ne s’infiltrent par l’Asie centrale pour venir jusqu’en Russie.

L’espoir d’un compromis

Les experts considèrent que les pays d’Asie centrale ne pourront régler les problèmes de la région que dans des conditions de stabilité gouvernementale. Selon Irina Zviaguelskaïa, les élites doivent prouver leur capacité à se mettre d’accord.

« Je pense que des groupes au sein de l’élite trouveront un compromis quelconque  », affirme Mme Zviaguelskaïa au sujet de la situation en Ouzbékistan. Elle rappelle que dans le Turkménistan voisin, après la mort du président à vie Saparmourat Niazov en 2006, les élites étaient assez vite parvenues à s’accorder sur la candidature du nouveau dirigeant, Gourbangouly Berdymoukhamedov.

La position russe

Konstantin Zatouline considère que la Russie a tout intérêt à maintenir la stabilité en Asie centrale, et soutiendra donc les leaders montrant leur capacité à assurer cette stabilité. En revanche, peu importe la personnalité de ceux qui prendront le pouvoir après Karimov, Nazarbaïev (président du Kazakhstan depuis 1990), Rakhmon (président du Tadjikistan depuis 1994), à condition que ces personnes soient capables de gouverner leur pays.

Irina Zviaguelskaïa fait remarquer que la Russie dispose de peu de leviers d’influence en Asie centrale, hormis un simple soutien politique. « À cause de la crise, nous ne pouvons pas nous vanter d’un volume d’investissements ou de joint-ventures important. C’est la Chine qui domine la région, et nous ne pouvons pas encore leur faire concurrence ». Selon elle, le principal atout de la Russie dans les républiques d’Asie centrale est le grand nombre de ressortissants de ces pays qui vivent et travaillent en Russie. « Il faut absolument soutenir et développer cette proximité », affirme l’experte.

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