Dans la zone de conflit, le 3 avril 2016.
Assatour Essaïants/ Ria NovostiL’escalade militaire dans la région contestée du Haut-Karabakh, enclave majoritairement arménienne de l’ancienne République soviétique d’Azerbaïdjan, a pris par surprise la Russie comme l’Occident début avril. Des affrontements ont opposé les deux armées jusqu’à ce que l’Arménie et l’Azerbaïdjan signent, avec l’aide de médiateurs, un accord de cessez-le-feu. L’escalade a pu être stoppée, mais les prodromes demeurent inchangés, faute de perspective d’un règlement politique.
Compétition entre les médiateurs
Co-présidé par les États-Unis, la France et la Russie, le groupe de Minsk sur le Haut-Karabakh au sein de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), est chargé de trouver une issue à ce conflit gelé depuis plus de 20 ans. Mais Alexeï Fenenko, professeur associé à la faculté de politique mondiale de l’Université d’État de Moscou, juge comme d’autres experts que le format « a cessé d’être efficace ». Pour lui, les conciliateurs sont dans une impasse depuis 2010, chaque partie cherchant à résoudre le conflit en dehors des autres participants au processus de paix.
Pour Sergueï Markedonov, professeur associé à l’Université d’État des sciences humaines de Russie, l’escalade résulte autant de l’intransigeance des deux républiques du Caucase que d’un manque de rigueur diplomatique dans la recherche d’une solution. Ce qui n’a pas été sans conséquence sur l’image du Groupe de Minsk, qui avait « la réputation d’être uni et bien coordonné », jusqu’à ce que chaque pays médiateur cherche à jouer un rôle prépondérant.
Quel enjeu pour la Russie ?
Aujourd’hui, personne ne semble avoir intérêt à exacerber les tensions dans le Haut-Karabakh – ni les deux parties au conflit, ni les membres du Groupe de Minsk, en particulier la Russie. Après tout, l’Arménie comme l’Azerbaïdjan demeurent des partenaires stratégiques pour Moscou, ainsi que d’importants clients du complexe militaro-industriel russe.
Jusqu’à une période récente, le Kremlin visait ce que M. Fenenko qualifie de « partenariat équilibré » : « conserver une relation collaborative avec l’Arménie » et « un partenariat stratégique avec l’Azerbaïdjan ». Il reste que l’Azerbaïdjan est un proche allié politique de la Turquie. Or, les relations entre Moscou et Ankara se sont fortement détériorées suite à la destruction d’un avion russe par la chasse turque en novembre 2015. Ces tensions ont contribué à fragiliser l’équilibre entre Erevan et Bakou. La Turquie ne cache pas son soutien politique à l’Azerbaïdjan, surtout dans le contexte de la récente flambée qui a vu le président Erdogan prédire que le Haut-Karabakh reviendrait bientôt à son « propriétaire initial ». Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a alors accusé Ankara d’attiser les tensions dans la région. Cela étant, M. Markedonov note que si la Turquie entend minimiser l’influence de Moscou en Azerbaïdjan, elle se soucie aujourd’hui de gérer des problèmes autrement plus urgents.
La Russie, dont l’influence actuelle dans la région est indéniable, pourrait saisir l’occasion qui lui est offerte de jouer un plus grand rôle dans l’apaisement des tensions, ce qui serait bien accueilli tant à Bakou qu’à Erevan, mais pourrait de nouveau mettre en lumière les rivalités cachées au sein du Groupe de Minsk. Depuis la récente escalade militaire dans le Haut-Karabakh, Moscou intensifie ses efforts pour éviter que la crise ne devienne incontrôlable. Peu après les affrontements, les autorités russes, notamment le président Vladimir Poutine et le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov, ont organisé des entretiens téléphoniques avec leurs homologues à Erevan comme à Bakou, ce qui a apparemment contribué à l’accord de cessez-le-feu signé à Moscou.
M. Medvedev s’est ensuite rendu dans les deux capitales pour relancer l’approche diplomatique. M. Lavrov a pour sa part rencontré ses homologues iranien et azéri le 7 avril pour discuter de la feuille de route permettant de sortir de l’impasse et prévenir de nouvelles escalades. Encourageants, ces efforts doivent « impliquer les dirigeants de la république du Haut-Karabakh, qui ont été écartés depuis la fin des années 1990 », indique Hovhannes Nikoghosyan, chargé de cours à l’Université américaine d’Arménie. « La relance du processus passe par deux éléments déterminants : de meilleurs mécanismes d’enquête sur les incidents et une surveillance sans faille du cessez-le-feu sous les auspices de l’OSCE », écrit-t-il dans une tribune pour Russia Direct, ajoutant que pour redevenir crédible, ce processus doit être accompagné d’engagements juridiques durables portant sur le non-recours de la force, compte tenu du passé sanglant des années 1988–1994.
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