Le drame de Paris ouvre la voie à un consensus international

AP
Coïncidence ou non, mais le caractère sinistre et l’ampleur des attentats français du 13 novembre, qui ont envoyé une onde de choc à travers les capitales mondiales, ont accéléré le rythme des négociations sur le dossier syrien tenues à Vienne le lendemain et renforcé la détermination à combattre l’EI au sommet du G20 qui s’est tenu dans la province turque d’Antalya le jour suivant.

Durant le premier sommet du G20 depuis le début de la crise ukrainienne, Vladimir Poutine et le président américain Barack Obama ont engagé une conversation plus ou moins prolongée (elle a duré 35 minutes). Le tête-à-tête marquait un tournant après un long temps d’arrêt.

Poutine a également rencontré des dirigeants avec qui il est en désaccord sur la crise ukrainienne (le premier ministre britannique David Cameron) et sur le sort du président syrien Bachar al-Assad (le président turc Recep Erdoğan et le roi d’Arabie saoudite Salmane ben Abdelaziz Al Saoud). L’attentat terroriste islamique en France a, sans doute, atténué le malaise dans ces rencontres.

Les réunions présentent un contraste saisissant comparées au sommet du G20 à Brisbane, que Poutine avait quitté en avance en raison d’une ambiance hostile : l’ancien premier ministre australien Tony Abbot avait alors menacé de « heurter du torse » le président russe.

À la veille du sommet d’Antalya, les ministres des Affaires étrangères ont convenu à Vienne d’un calendrier pour le règlement politique en Syrie stipulant que, dans un délai de six mois, « un gouvernement crédible, inclusif et non-sectaire » devait être établi. Ce gouvernement serait chargé d’engager le processus de rédaction d’une nouvelle constitution, l’objectif ultime étant d’organiser des élections libres et équitables d’ici 18 mois.

Le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon a qualifié les avancées de Vienne de « rare opportunité diplomatique de mettre fin au conflit en Syrie ». Même la chaîne qatarie Al-Jazeera, plus réservée pour des raisons apparentes, a ainsi commenté le consensus de Vienne : « Cela semble être une percée assez importante ».

Le drame de Paris a-t-il injecté du courant dans les lignes de communications quasi-coupées entre la Russie et l’Occident ? Iouri Rogoulev, directeur de la fondation Franklin D. Roosevelt pour les études des Etats-Unis à l’université d’État de Moscou, explique les subtilités de ces compromis diplomatiques.

« Le fait qu’une tragédie ait frappé l’un des principaux alliés des Etats-Unis en Europe a changé la donne globale. La rencontre des ministres des Affaires étrangères à Vienne a montré qu’il était possible de parvenir à un accord sur la Syrie. Les attentats de Paris ont démontré qu’il y avait un objectif commun. La précédente campagne antiterroriste menée par les Etats-Unis et leurs alliés contre les combattants islamiques en Irak et en Syrie n’a pas porté ses fruits : elle n’a pas réduit leur capacité à frapper les Occidentaux sur leur propre sol. Cette menace ne concerne pas uniquement la Russie, la Syrie ou la Turquie, mais l’Europe dans son ensemble et les Etats-Unis également ».

Au lendemain de la rencontre entre Poutine et Obama, le G20 a élaboré une déclaration sévère soulignant la détermination des vingt nations de combattre l’EI. Toutefois, le Kremlin a ensuite souligné que la stratégie faisait l’objet de mauvaises interprétations et les vues divergeaient sur la tactique à appliquer. Qu’est-ce que cela signifie ?

« L’objectif stratégique est de vaincre le terrorisme. On ne peut le faire séparément, particulièrement au Moyen-Orient, où tout le monde combat tout le monde et les acteurs étatiques impliqués dans les hostilités sont trop nombreux », explique Iouri Rogoulev. « L’union est la clé du succès, tant qu’il y a un consensus sur l’objectif final. Il est à noter que le président Obama a exprimé son soutien aux efforts russes visant à combattre le terrorisme en Syrie. Désormais, il faut définir et s’accorder sur le format des actions coordonnées, tant militaires que politiques ».

Le G20 a donné la priorité au combat contre l’EI et le terrorisme en général. Il fait suite à l’issue positive des négociations tenues la veille à Vienne. Les décisions prises à Vienne et au sommet du G20 permettent-elles de dire que nous assistons à un certain alignement des approches de la Russie et des Etats-Unis dans le traitement de la crise à l’intérieur et autour de la Syrie ?

« La position russe stipulait depuis le début que, premièrement, le sort d’Assad ne devait pas être décidé à Moscou ni à Washington, mais par le peule syrien », explique M. Rogoulev. « Deuxièmement, quelqu’un devait combattre le terrorisme au sol ; il était impossible de vaincre l’EI par des frappes aériennes. Une fois que la victoire est remportée, du moins dans les zones clés, ce sera le bon moment pour le peuple syrien de décider quelle forme de gouvernance il préfère ».

Alors que les divergences persistent sur le sort de Bachar al-Assad et sur l’éventuelle trêve entre les forces gouvernementales et l’opposition, les 19 acteurs internationaux concernés, dont les Nations unies, commencent doucement mais surement à avancer vers l’objectif qu’est le règlement politique du conflit interne en Syrie.

Après le drame de Paris et ses répercussions sur l’esprit de la nation, le double consensus obtenu à Vienne et à Antalya peut difficilement être perçu comme un événement routinier insignifiant. 

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