Missiles S-300 pour Téhéran : la Russie redoute-t-elle un rapprochement entre l’Iran et l’Occident ?

Crédit : Kirill Kallinikov/RIA Novosti

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Le lundi 13 avril, le président russe Vladimir Poutine a levé l’embargo sur les livraisons de missiles de défense antiaérienne S-300 à l’Iran, introduit quelques années plus tôt par Dmitri Medvedev. Expliquant les raisons de leur décision, les autorités russes évoquent les changements dans la situation internationale. Les experts estiment que Moscou souhaite prévenir un rapprochement entre Téhéran et l’Occident.

Le président russe Vladimir Poutine a annoncé qu’il levait l’embargo sur les ventes de systèmes S-300 à l’Iran. Moscou indique que le chef de l’Etat a pris cette décision suite aux « progrès importants » enregistrés lors des récentes négociations sur le programme nucléaire de l’Iran. Cette déclaration a été faite par le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, qui a rappelé dans ce contexte les tensions dans la région, avant tout au Yémen, et le caractère défensif des S-300.

Le Conseil supérieur de la sécurité nationale de l’Iran a révélé, selon l’agence TASS, que les systèmes de protection contre les tirs seraient livrés avant la fin de l’année. Le ministère iranien de la Défense a souligné de son côté que la décision de Moscou renforcerait la coopération des deux pays. Le département d’Etat américain a de son côté affirmé que la vente des S-300 constituerait une démarche non constructive, compte tenu du « rôle déstabilisateur » de l’Iran dans la région, comme l’a dit la porte-parole, Marie Harf. 

« Une décision prévisible »

Les experts russes font remarquer que la décision de ne pas livrer les S-300 à l’Iran avait été prise en 2010 par Dmitri Medvedev, à l’époque président de la Russie, dans le sillage d’une résolution appropriée du Conseil de sécurité des Nations unies. Cette décision dépassait le cadre du document en introduisant un embargo sur la vente d’armements à Téhéran. Les experts qualifient la décision de Vladimir Poutine de prévisible et, à l’instar du ministère des Affaires étrangères, la lient au succès des négociations à Lausanne, en soulignant que la Russie espère occuper un créneau de la coopération technico-militaire dans le contexte de la probable levée des sanctions contre l’Iran. Selon le directeur du Centre de l’énergie et de la sécurité, Anton Khlopkov, « la plupart des pays qui désirent être présents en Iran examinent actuellement les moyens de développer leur coopération avec Téhéran ».  La décision de la Russie de lever l’embargo sur la vente des S-300 n’est pas la dernière à l’égard de l’Iran, a-t-il affirmé.

« Appréhensions de Moscou »

Selon d’autres observateurs, la Russie envoie ainsi un message à Téhéran, pour le mettre en garde contre un rapprochement trop étroit avec l’Occident. Pour Alexeï Arbatov, président du Centre de la sécurité internationale de l’Institut de l’économie mondiale et des relations internationales, Moscou « signale qu’il ne faut pas se concentrer uniquement sur la coopération avec l’Occident ». L’Occident « ne peut pas donner (à l’Iran) bien de choses que peut lui fournir la Russie », affirme-t-il, en précisant qu’il s’agit avant tout des systèmes d’armements. De telles démarches seront condamnées par Israël et les pays du Golfe, qui dépendent de l’Europe et les Etats-Unis.

Moscou redoute que l’Iran ne se tourne vers l’Occident, et cesse de prêter attention aux intérêts de la Russie. « Qui plus est, Téhéran pourrait porter préjudice à la Russie dans ses propres intérêts. Par exemple, il peut entrer sur le marché du pétrole et du gaz, ce qui fera baisser les prix et accordera à l’Occident une source d’énergie alternative à la Russie », estime Alexeï Arbatov.

Modèles et délais

Quand seront livrés les systèmes et quel type de missiles la Russie vendra à l’Iran, telles sont les principales questions. « Les S-300 dans la version PMOu-1 ne sont plus fabriqués, a dit à RBTH le directeur adjoint de l’Institut d’analyse politique et militaire, Alexandre Khramtchikhine. Il n’est pas sûr que l’Iran accepte d’acheter une autre version du système, étant donné que Téhéran a déjà rejeté plusieurs propositions du genre ».

Toujours selon l’expert, il sera difficile de remettre à l’Iran des systèmes similaires à ceux dont sont dotées les forces russes, car il faudra y apporter d’importants remaniements. Or, ces derniers ne pourront pas être faits dans des délais acceptables, estime-t-il.

La livraison de systèmes plus sophistiqués, les S-400, pose aussi problème. D’après Alexandre Khramtchikhine, les entreprises russes ne pourront pas facilement fabriquer ces missiles, leurs capacités étant occupées par les commandes passées dans le cadre du programme de modernisation de l’armée à l’horizon 2020. Il estime que dans ce cas, les livraisons risquent d’être reportées pour un délai de huit à dix ans, ce qui n’arrangera probablement pas Téhéran.

 

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