Officier ukrainien : « Nous en avons assez de cette guerre »

Crédit : Valery Sharifulin / TASS

Crédit : Valery Sharifulin / TASS

Le correspondant du magazine russe Expert, Marina Akhmedova, a franchi la ligne de front et s’est rendue à Slaviansk afin de rencontrer l’un des officiers de commandement directement impliqué dans la conduite de l’opération antiterroriste (ATO) dans l’est de l’Ukraine. Le nom de l’officier n’est pas publié pour des raisons de sécurité.

Pourriez-vous décrire brièvement la situation actuelle dans la zone d’ATO ? Que fait l’état-major ?

Eh bien… c’est l’hiver. Pour les deux parties, c’est très difficile de combattre en ce moment. Les deux parties accumulent les forces et les ressources, organisent la rotation des effectifs, remanient le dispositif et conduisent des opérations absolument normales.

Donc il n’y a pas d’espoir que la trêve se transforme en paix ?

Il est très difficile de faire des analyses dans la situation actuelle. Nous sommes face à un simulacre étrange d’un processus de négociation, mais il est tellement atypique qu’il est difficile d’espérer un résultat mutuellement bénéfique. On annonce la trêve, et le lendemain les bombardements reprennent. 

À quel niveau l’exécution de l’ordre de la « trêve » est-elle rompue ?

De chaque côté, il y a beaucoup d’unités qui ne respectent tout simplement pas le haut commandement. Il n’y a pas de structure claire. Il y a seulement le ministère de l’Intérieur avec ses propres bataillons de volontaires qui, selon ses dires, est formé par le ministère même.

Mais annoncer à l’unité « À partir d’aujourd’hui, vous êtes une structure du ministère de l’Intérieur » ne change rien. Les dirigeants prennent des décisions totalement inadaptées à la situation actuelle. Les personnes qui se battent au front voient qu’ils sont incapables d’exécuter ces décisions. Et ainsi arrive… ce qui arrive.

Les dirigeants ne voient pas le tableau entier, dans les unités, sur le front ? 

Je pense qu’ils ne veulent pas le voir, ce tableau.

Au sein de l’état-major d’ATO, y a-t-il des personnes qui souhaitent que la guerre s’arrête au plus vite ?

Je ne sais pas ce que pensent les dirigeants… Eux ne veulent sans doute pas que ça se termine. Les commandants des unités qui, avec leurs hommes, pourrissent dans les tranchées…Croyez-moi, nous en avons assez de cette guerre.

Le nombre officiel de morts parmi les membres d’ATO est-il, à votre avis, exact ?

Depuis les premiers jours de la guerre, de nombreuses unités n’ont pas été recensées par manque de temps. Les pertes n’ont probablement pas été comptées. En revanche, nous avons des statistiques sur ceux qui ont été mobilisés et se trouvaient dans les unités militaires régulières. 

Donc ils sont quatre mille et quelque, comme annoncé ?

C’est une question difficile. Je pense que non… Je n’ai pas d’information vérifiée, mais je ne pense pas que le chiffre annoncé corresponde totalement à la réalité. 

Pour quoi combattez-vous ?

 Moi ? Je fais mon devoir. Je suis un officier de carrière.

Savez-vous que les représentants de la RPD et de la RPL [République populaire de Donetsk et République populaire de Lougansk, ndt] prennent des prisonniers parmi les gens comme vous, mais pas parmi les combattants des bataillons volontaires ?

Cela doit-il me rassurer ou me réjouir ?

Décrivez votre adversaire.

C’est un soldat de la partie adverse qui veut m’ôter la vie.

Avez-vous eu à interroger les insurgés ?

J’ai eu à leur parler.

Que disaient-ils ?

Rien de nouveau. Ils me parlaient de leurs désirs et espoirs, ni plus ni moins. Ils voulaient, comme nous, vivre sans les oligarques. Ils voulaient, comme nous, que les usines tournent. Tout comme nous, ils voulaient être respectés.

Si je vous dis, contrairement aux médias qui évitent de le dire, que cette guerre est une guerre civile et fraternelle, le nierez-vous ?

Non, je ne le nierai pas.

Pourquoi ? Tant que cette guerre est qualifiée de guerre d’occupation, elle peut trouver une justification dans les esprits et les cœurs des citoyens.

Comment voulez-vous appeler ceux qui, il y a un an seulement vivaient dans le même État que vous et qui, maintenant, ont décidé de défendre leur vision l’arme à la main au mépris du régime politique ?

Source : Expert.ru

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