Le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg (à dr.) salue le premier ministre ukrainien Arseni Iatseniouk à la veille de la rencontre de l’OTAN à Bruxelles, le 15 décembre 2014. Crédit : Reuters
La décision du 23 décembre d'abandonner le statut hors-blocs de l'Ukraine n'est, sur le plan formel, aucunement liée à l'entrée du pays dans l'OTAN, bien que les politiques ukrainiens considèrent que la loi adoptée représente un premier pas sur cette voie. Le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Pavel Klimkine, a salué la décision de la Rada comme « un choix en accord avec les principes de liberté et de sécurité ».
Moscou n'est cependant pas de cet avis. Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, considère que « le parlement ukrainien crée l'illusion qu'en adoptant de telles lois, il réussira à régler la grave crise politique qui fait rage en Ukraine ».
Les experts russes soulignent qu'une telle solution relève de la propagande. Sergueï Markedonov, politologue et professeur à l'université d'État des Sciences humaines de Russie, a déclaré à RBTH : « L'abandon du non-alignement est symbolique, on ne doit pas y voir quelque chose de concret. Kiev se détache de la Russie de manière officielle, pour faire un pas vers l'Occident ». D'après lui, cette décision aura des répercussions plutôt négatives. Et ce, sur le plan de la politique intérieure comme extérieure.
Selon Markedonov, la fin du statut hors-blocs marque pour l'Ukraine une nouvelle étape dans la construction d'un État fondé sur une « identité ouest-ukrainienne », ce qui attisera encore le conflit entre Kiev et les séparatistes de la région du Donbass ; de plus, les relations entre le gouvernement central et les régions majoritairement russophones du sud-ouest de l’Ukraine en pâtiront.
Côté politique extérieure, l'abandon du non-alignement élimine les vestiges des règles en vigueur dans le « jeu d'échec ukrainien » entre Occident et Russie (règles qui faisaient officieusement de l'Ukraine un terrain neutre). Leonid Sloutski, président du Comité de la CEI de la Douma (parlement russe), considère que cette décision est « un défi lancé à la Russie », qui ne fera « qu'enflammer les ressentiments dans les relations russo-ukrainiennes ». Le premier ministre russe Dmitri Medvedev a même affirmé que l'adoption de cette loi par la Rada, et la candidature de l’Ukraine à l’OTAN, plaçaient le pays parmi les adversaires potentiels de la Russie sur le plan militaire.
Le Kremlin s'en tient pour le moment à des discours acerbes. Mais Moscou n'ira pas plus loin que la rhétorique (aussi piquante soit-elle). La posture de retrait du gouvernement russe s’explique par plusieurs facteurs.
Premièrement, le Kremlin sait qu'une « escalade de la violence » pourrait créer de graves problèmes, et pas uniquement pour l'économie russe. Les présidents kazakh Noursoultan Nazarbaïev et biélorusse Aleksandre Loukachenko ont fait clairement savoir qu'il ne fallait aucunement s'attendre à un soutien de leur part. « Si Moscou venait à choisir l'escalade, elle perdrait l'Union eurasiatique et probablement aussi l'OTSC, et se retrouverait en fin de compte seule ». C'est ce qu'a déclaré au correspondant de RBTH Dmitri Souslov, le directeur adjoint du Centre d'Analyses complexes européennes et internationales de la Haute école d’économie de Moscou.
Deuxièmement, l'abandon du non-alignement et les pourparlers incessants des hommes politiques ukrainiens sur l’entrée dans l'Otan ne signifient pas que l'Ukraine puisse effectivement en devenir membre. Sergueï Markedonov explique que « le désir d'intégration de l'Ukraine ne suffit pas. L'Otan doit elle-même accepter d'intégrer l'Ukraine en son sein. Jusqu'à présent, l'Alliance ne semble pas vouloir réviser les procédures d'adhésion en vigueur, en vue d’accepter un pays qui a des problèmes évidents de voisinage et d’intégrité territoriale ».
Dmitri Souslov affirme que l'Otan soutient l'abandon du non-alignement, car « il renforce la victoire tactique de l'Occident, rendant ainsi le retour de l'Ukraine dans la zone d'intégration russe moins plausible ». Le ministre polonais de la Défense Tomasz Siemoniak considère qu'en abandonnant son statut de pays hors-blocs, « l'Ukraine mettait un pied dans l'Alliance ». Ses paroles ne reflètent pourtant pas la position de l'Union européenne.
Selon Dmitri Ofitserov-Belski, professeur à la Haute école d’économie de Moscou, la Pologne est encline à souhaiter une adhésion de l'Ukraine à l'Otan, car le caractère actuel de la question ukrainienne et l’apparition de missions d'importance confèrent à la Pologne un poids accru sur la scène internationale. Cependant, ce n'est pas uniquement à la Pologne et à son ministre de la Défense de résoudre ce problème. Comme l'a expliqué Dmitri Ofitserov-Belski au correspondant de RBTH, « il ne faut pas tenir compte du discours de Siemoniak. Et ce au moins pour une raison : la question ne dépend pas de lui, et même si elle se posait à l'avenir, ce serait à une nouvelle génération de femmes et d’hommes politiques pro-occidentaux de la résoudre ; ces derniers ne seraient certainement pas polonais ».
L'adhésion de l'Ukraine à l'Otan dépendra de pays tels que l'Allemagne, mais le ministre des Affaires étrangères de celle-ci, Frank-Walter Steinmeier, a récemment déclaré que l'Ukraine ne pourrait pas intégrer l'Otan dans un futur proche.
L'Otan est tout à fait satisfaite de la « candidature éternelle » de l'Ukraine (un cas similaire à la candidature de la Turquie pour entrer dans l'UE). C'est pourquoi, affirme Souslov, « l'Ukraine aura tout au plus le statut de pays allié extérieur à l'Alliance, ou bénéficiera à plus ou moins long terme du Plan d'action pour l'Adhésion. Peut-être qu'en adoptant l'une ou l'autre solution, on assistera à un renforcement de la coopération ».
L’Ukraine n’ayant quasiment aucune chance d’intégrer l'Otan, même à moyen-terme, les experts estiment que la Russie ne doit pas répondre de manière trop vigoureuse.
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