Crédit photo : Evgeny Biyatov / RIA Novosti
N’avez-vous pas l’impression que nous revenons à un état de « guerre froide » ?
Nous faisons tout pour éviter qu’un tel mur s’érige. Comme l’avait remarqué le président Hollande dans son entretien avec le président Poutine, nous assistons à un climat défavorable, aussi il est très important de réduire les tensions au sujet de l’Ukraine... Je pense que, dans les situations de crise, on assiste parfois à des moments qui nous donnent l’occasion d’avancer et d’apprendre des choses positives. L’Europe et la Russie sont conscientes de l’importance d’entretenir de bonnes relations.
En 2015, nous célébrerons le 40ème anniversaire des accords d’Helsinki – cela devrait être l’occasion de rétablir le dialogue entre la Russie, l’Europe et les Etats-Unis sur les questions de la sécurité européenne. Il faut reprendre les discussions sur un espace commun allant de Lisbonne et à Vladivostok dans lequel la Russie et l’Union européenne partagent des intérêts communs. J’estime que nous ne sommes pas dans un état de « guerre froide ». Nous sommes dans un état de tension. Mais nous savons quels chemins emprunter pour sortir ensemble de cette situation. Et nous avons la volonté de le faire. Nous continuons tous à collaborer sur les questions communes telles que la crise syrienne, le problème du nucléaire iranien, la lutte contre le terrorisme et contre le réchauffement climatique.
Et pourtant, ici en Russie, nous avons l’impression qu’on cherche à isoler notre pays, ce qui ne manque pas d’encourager ceux qui souhaitent l’auto-isolation en Russie.
Je connais le discours de certaines personnalités politiques russes. Mais leurs déclarations ne signifient pas qu’il s’agit de faits réels. En ce qui concerne la France, nous avons lancé plusieurs initiatives diplomatiques au « format de Normandie », le président de la République s’est rendu à Moscou. Je n’ai pas l’impression que nous cherchons à isoler la Russie. Nos entreprises sont présentes dans votre pays. Ces derniers temps, je me suis rendu à Ekaterinbourg, à Novossibirsk, je reviens tout juste de Kazan. J’y suis allé pour promouvoir le dialogue politique. Du point de vue économique, j’ai été accompagné, dans chacun de ces voyages, par des représentants d’entreprises françaises qui souhaitent développer leurs investissements dans les régions russes... Nous ne cherchons absolument pas à isoler la Russie. Au contraire, nous tentons de surmonter la crise liée à l’Ukraine tout en minimisant les dégâts infligés aux relations entre la France et la Russie, entre l’UE et la Russie.
Vous avez parlé des intérêts des entreprises françaises en Russie. Dans le contexte actuel, comment évaluez-vous les perspectives de coopération économique ?
Jusqu’en 2013, les investissements augmentaient très rapidement et ont atteint un montant total de 19 milliards d’euros. Mais fin 2013 – début 2014, les investissements ont commencé à diminuer, et ce n’est pas lié à la crise ukrainienne. Le ralentissement économique en Russie avait commencé avant, pour des raisons structurelles, mais les sanctions ont indiscutablement aggravé la situation. Nos entreprises ont beaucoup investi à travers les coentreprises formées avec les sociétés russes, ces entreprises souhaitent développer leur production en Russie, cela serait positif pour votre pays comme pour la France. Cela permet également de limiter l’impact des sanctions. Mais la baisse de la demande intérieure en Russie réduit, évidemment, le potentiel de croissance pour les entreprises.
Vous aviez expliqué que l’Europe est prête à payer le prix fort en recourant aux sanctions. Quel est ce prix pour l’économie française ?
Il est difficile à évaluer, mais en moyenne, au cours des neuf premiers mois de l’année 2014, l’Union européenne a perdu 14% en volume d’échanges commerciaux. Ici, il faut distinguer l’impact des sanctions et les conséquences du ralentissement économique en Russie (par exemple, la baisse de la demande pour les automobiles, la baisse du flux touristique).
Je ne pourrais pas éviter de vous poser une question sur les Mistral...
Le président de la République a clairement indiqué que la livraison des Mistral est suspendue pour un certain temps, car les conditions ne sont pas remplies. Je crois qu’on ne pourrait le dire plus clairement.
De quelles conditions s’agit-il ?
La mise en œuvre des accords de Minsk, la désescalade sur le terrain et la paix civile en Ukraine.
Certains disent que l’Elysée a pris la décision sur les Mistral sous l’influence, voire, sous la pression des États-Unis...
En tant qu’ambassadeur de France, je peux vous assurer que la France est un État indépendant. Le président de la République est le chef de l’autorité suprême, sa décision est respectée, car c’est la décision du pouvoir démocratiquement élu. L’histoire des relations franco-américaines est très longue, nous sommes partenaires économiques et alliés au sein de l’Otan. Mais cela ne signifie pas que nous suivons toujours les États-Unis.
Version intégrale initialement publiée sur le site Web du quotidien Moskovsky Komsomolets. Les propos de l'ambassadeur ont été retraduits du russe.
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