Moscou et Berlin soutiennent le « format de Minsk »

Crédit photo : Edouard Pessov/ministère russe des Affaires étrangères

Crédit photo : Edouard Pessov/ministère russe des Affaires étrangères

À l’issue de la visite du ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier à Moscou, les parties ont reconnu que les accords de Minsk signés en septembre constituaient l’unique plan de paix efficace. Les experts russes interrogés par RBTH estiment que les pourparlers de Minsk offrent le format le plus approprié, car seule une communication directe entre les insurgés et le gouvernement ukrainien est en mesure de résoudre le conflit dans le Donbass.

Avant de se rendre à Moscou, le ministre allemand des Affaires étrangères Frank-Walter Steinmeier s’était rendu à Kiev pour y conduire des pourparlers avec le gouvernement ukrainien sur les perspectives du règlement du conflit dans le sud-est du pays. Steinmeier avait exprimé la volonté de l’Union européenne d’apporter un soutien économique et politique, et de déterminer un format de règlement acceptable pour le gouvernement ukrainien. Le premier ministre Arseni Iatseniouk avait indiqué que Kiev souhaitait la reprise des négociations au « format de Genève ». Au cours de pourparlers entre Steinmeier, Vladimir Poutine et Sergueï Lavrov à Moscou, les parties ont reconnu que le format de Minsk était le plus efficace et que, par conséquent, il ne fallait pas y renoncer.

Timofeï Bordatchev, directeur du Centre d’études européennes et internationales de l’École des hautes études en sciences économiques :

« Le format de Minsk suppose des négociations directes entre les parties au conflit ukrainien, ce qui constitue leur principal point fort. Le format de Genève s’est épuisé, car la Russie ne fait pas partie du conflit et que Moscou n’a rien à négocier avec les parties au conflit »

Andrei Kortounov, directeur général du Conseil russe des Affaires internationales :« Les pourparlers de Minsk offrent le format le plus approprié. Toutefois, en conduisant les pourparlers sur l’avenir du sud-est de l’Ukraine, Kiev doit s’employer à résoudre les problèmes sociaux-économiques. Compte tenu de la concurrence politique croissante entre le président Petro Porochenko et Arseni Iatseniouk, il serait prématuré d’affirmer que les nouvelles négociations sur le statut du Donbass puissent aboutir »

Iouri Fedorov, politologue et membre du Centre d’études politiques PIR-Center : « Moscou insiste sur le format de Minsk dans le but de forcer Kiev à reconnaître de facto les résultats des élections du 2 novembre et à accepter les autorités du Donbass en tant que représentants légitimes de la population des territoires concernés, et pour obliger le gouvernement ukrainien et l’Union européenne à assumer la gestion des problèmes sociaux du Donbass.

Néanmoins, le objectif principal stratégique du Kremlin est de faire en sorte que les régions échappées au contrôle de Kiev demeurent au sein de l’État ukrainien. Tôt ou tard, les dirigeants du Donbass seront, d’une manière ou d’une autre, intégrés dans l’establishment politique ukrainien, ce qui offrira à Moscou un puissant levier de pression sur l’Ukraine, notamment en vue de sa future fédéralisation. L’Union européenne acceptera tout format de négociations susceptible d’empêcher la confrontation militaire et l’introduction de nouvelles sanctions contre la Russie. Le statut du Donbass est une question secondaire pour les Européens.

La position des autorités ukrainiennes est la plus complexe. Ils comprennent qu’il est inopportun de conserver le Donbass au sein de l’Ukraine : la population est hostile, la reconstruction et la modernisation de l’industrie et des infrastructures nécessitent des investissements. Mais Kiev ne peut se permettre de renoncer ouvertement au Donbass en se montrant incapable de réprimer l’insurrection séparatiste par la force. C'est ce qui explique la position de Iatseniouk, qui appelle à limiter les négociations au format de Genève. C’est-à-dire à la question du retrait des troupes russes, de la démarcation, notamment en ce qui concerne l’aéroport de Donetsk, du retrait de l’artillerie lourde de la ligne de démarcation. Dans les faits, cela reviendrait à renoncer au Donbass et, par conséquent, à toute responsabilité concernant la situation de la population de ces régions.

Les pourparlers seront conduits sous un format de Minsk aménagé. Kiev insistera sur le respect des accords précédents et l’invalidation des élections du 2 novembre. Moscou pourrait l’accepter, mais pour les dirigeants du Donbass, cela serait inacceptable. Toute la question est de savoir si Moscou voudra placer les dirigeants du Donbass entièrement sous son contrôle. Cela dépendra des forces qui domineront au sein du Kremlin ».

Nikita Mendkovitch, expert de l’agence analytique Politique extérieure : « Le principal défaut des accords de Minsk signés en septembre est le non-respect de leur volet militaire, décrié par les insurgés. À l’heure actuelle, les opérations militaires reprennent de plus belle. Les insurgés affirment relever entre 10 et 20 violations quotidiennement. L’objectif principal des républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk est d’obtenir la reconnaissance par Kiev de leurs territoires conformément aux limites administratives et le retrait de l’armée au-delà de cette ligne de démarcation. Le format de négociation qui permettra de réaliser cet objectif n’a pas d’importance pour les insurgés. Les républiques autoproclamées de Donetsk et de Lougansk ne sont pas des acteurs de la politique mondiale, ainsi, ils ne sont intéressés que par le résultat local des négociations qui définira leur existence même.  Pourtant, même si les négociations reprennent, je doute que Kiev s’y résolve ».

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