Crime de guerre : Moscou enquête, Kiev riposte

Des manifestants pro-russes et des partisans des nouvelles autorités ukrainiennes à Donetsk. Crédit : AP

Des manifestants pro-russes et des partisans des nouvelles autorités ukrainiennes à Donetsk. Crédit : AP

La Commission d’enquête de la Fédération de Russie a ouvert une enquête pénale sur les crimes perpétrés dans le sud-est de l’Ukraine en vertu de l’article « génocide des populations russophones » et tient pour responsable de hauts représentants militaires et politiques du pays. De son côté, le procureur général de l’Ukraine a lancé sa propre enquête à l’encontre des responsables de la Commission russe. Selon les experts, seul le soutien de la communauté internationale permettra de traduire en justice les auteurs des atrocités commises dans le sud-est de l’Ukraine.

Selon les déclarations des enquêteurs russes, les opérations militaires de l’armée ukrainienne ont été menées en violation de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide de 1948, et des « personnes non identifiées » au sein des plus hautes autorités militaires et politiques d’Ukraine ont donné des ordres visant « l’extermination complète des citoyens russophones ». A cet effet, la justice russe a ouvert une enquête criminelle en vertu de l’article 357 du Code pénal de la Fédération de Russie (« génocide »).

Comme l’attestent les enquêteurs, l’armée ukrainienne a utilisé des lance-roquettes Grad et Uragan, des missiles balistiques tactiques Tochka-U, des bombes à sous-munitions et d’autres armes lourdes qui ont frappé sans distinction durant les opérations militaires menées dans le sud-est de l’Ukraine. Au total, plus de 2 500 civils ont été victimes de ces bombardements.

En réponse aux accusations de Moscou, le procureur général d’Ukraine a ouvert une procédure pénale à l’encontre des membres de la Commissions d’enquête russe, dans le cadre de l’article « participation à une organisation terroriste ». Cependant, le bureau du procureur n’a pas précisé contre qui précisément l’enquête était dirigée.

Quelles conséquences politiques ?

Le partenariat bilatéral entre Moscou et Kiev ne peut plus être détérioré, étant donné que les relations sont déjà au plus bas, estime le président du Conseil pour la politique étrangère et de défense Fedor Loukianov. Ce dernier a expliqué à RBTH que les accusations mutuelles de « coopération avec le terrorisme » et de « génocide » ne déboucheront sur rien de plus qu’un buzz médiatique et psychologique. Cependant, l’enquête sur les crimes contre l’humanité pourrait aboutir grâce à la procédure pénale engagée après la découverte de charniers près de Donetsk.

« Le terme de « génocide » s’emploie lorsqu’un groupe de population est discriminé en raison de son appartenance nationale, raciale ou religieuse. Et je ne vois pas de tels faits dans le cas présent. Parmi les populations du Donbass, il y a des Russes et des Ukrainiens, qui ont été victimes d’atrocités, mais rien ne motive l’utilisation d’un terme aussi grave que celui de génocide », a déclaré à RBTH le directeur adjoint du Département de Droit constitutionnel et municipal de l’Ecole des hautes études sciences économiques de Moscou (HSE) Ilya Chablinsky.

Pour lui, les accusations réciproques revêtent dans une large mesure un caractère populiste, et ne possèdent pas de cadre juridique solide. « Les accusations de l’Ukraine sont une « riposte », étant donné qu’il est difficile de trouver des preuves tangibles de « terrorisme ». Les infractions les plus graves sont les tirs d’artillerie sur les zones résidentielles, mais ils concernent un type d’enquêtes à part. Des deux côtés, russe et ukrainien, il y a des morts. Sans conteste, il s’agit d’un conflit fratricide », a souligné Ilya Chablinsky.

Retenir les leçons de l’histoire

« Après la nouvelle étape du conflit osséto-géorgien en août 2008, plus communément appelé dans les médias occidentaux guerre russo-géorgienne, des enquêtes similaires, relatives à des crimes de guerre, ont été menées. Cependant, aucun procès n’a eu lieu et les coupables n’ont finalement pas été traduits en justice étant donné que la Commission d’enquête de la Fédération de Russie n'a obtenu ni le soutien de la Cour pénale internationale de La Haye, ni celui du Tribunal pénal international de La Haye », a expliqué à RBTH l’expert militaire indépendant Viktor Litovkine.

Il a également rappelé que lorsque la guerre de Yougoslavie s’est terminée, il était dans l’intérêt des pays occidentaux de traduire les criminels en justice et de mener la question du génocide jusqu’à son terme. Ainsi, le procès de l’ancien dirigeant des Serbes de Bosnie Radovan Karadzic, qui fait l’objet de 11 chefs d’accusations pour crimes de guerre commis par ses partisans durant la guerre, se poursuit encore aujourd’hui. Parmi les accusations figure l’assassinat de 7 500 musulmans à Srebrenica en 1995.

« Tous ces tribunaux sont mis en place par les pays vainqueurs ou leurs coalitions afin de souligner le bien-fondé et la légitimité de cette victoire. S’il n’y a pas de soutien de la part de la communauté internationale, il n’y a pas de tribunal. D’ailleurs, il n’existe actuellement pas de tribunal pour juger les responsables occidentaux qui se sont rendus coupables de crimes de guerre en Libye, en Irak, en Afghanistan, en Algérie, etc. », a ajouté Viktor Litovkine.

 

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