Ukraine : un statut spécial accordé au Donbass

Crédit photo : Reuters

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La Rada suprême (parlement ukrainien) a adopté une loi sur l’octroi d’un statut spécial aux régions de Donetsk et Lougansk. Les experts divergent sur le statut spécial de l’Est de l’Ukraine et sur le processus de paix à long terme.

Le 16 septembre 2014, la Rada suprême a voté en faveur d’un statut spécial aux régions de Donetsk et de Lougansk, proposé plus tôt par le président Petro Porochenko. Les députés ont soutenu le projet de loi, qui prévoit d’accorder une large autonomie à plusieurs districts du sud-est de l’Ukraine sur une période de trois ans.

Le cessez-le-feu est maintenu, mais la légitimité des accords de paix provoque de nombreux débats parmi les experts russes et ukrainiens. 

277 députés ukrainiens sur 450 se sont prononcés pour l’adoption de la loi, qui stipule l’octroi d’un statut spécial au Donbass, la tenue d’élections et la libre utilisation de la langue russe. Porochenko a déclaré que la nouvelle loi permettrait de décentraliser le pouvoir dans le sud-est du pays. Le président compte également apporter des modifications à la constitution du pays. 

Le projet sur l’extension du statut d’autonomie des régions de Donetsk et de Lougansk a été soumis à la Rada suprême par le président Porochenko à l’issue de la réunion du conseil des ministres le 10 septembre dernier. Le chef de l’Etat s’est alors déclaré pour la première fois prêt à faire des compromis et à élargir l’autonomie du Donbass. 

Le 8 septembre, les présidents de l’Ukraine et de la Russie ont tenu plusieurs conversations téléphoniques et ont constaté que le cessez-le-feu avait été respecté. Dans le cadre du processus de paix, les deux pays ont commencé à procéder à l’échange de prisonniers militaires, à la livraison d’aide humanitaire dans les régions touchées et au retrait des groupes armés illégaux.

Le Kremlin a également assuré que le dialogue entre les deux leaders se poursuivrait.

Dans le même temps, Kiev a annoncé avoir entamé le retrait de l’opération anti-terroriste, même si les représentants de l’insurrection assurent qu’à Donetsk et Marioupol, les échanges de tirs ont encore lieu.

Les experts restent partagés sur la solidité du processus de paix. Ils ne s’accordent que sur un point: les négociations sur le statut des régions du sud-est de l’Ukraine doivent se poursuivre.

Timofeï Bordatchev, directeur du Centre des études internationales et européennes auprès de l’Ecole des hautes études en sciences économiques (HSE), n’est pas certain que le processus de paix dans l’est de l’Ukraine tienne longtemps: « Une fois la trêve conclue, les autorités ukrainiennes ont exercé un chantage pur et simple sur les régions de Donetsk et de Lougansk. Les déclarations de Kiev sur la construction d’un mur et la création de soi-disant zones réservées à la frontière russe le confirment. Les autorités de Kiev font preuve d’un véritable cynisme. Ils présentent les négociations  entre Porochenko et Poutine comme la preuve que la Russie est partie prenante dans le conflit ».

Vadym Karassyov, politologue ukrainien, directeur de l’Institut des stratégies mondiales à Kiev, voit dans l’arrêt complet des hostilités le principal succès de l’amorce du processus de paix dans l’est du pays.

« Poutine et Porochenko sont les principaux participants et acteurs du processus de négociation. Comment se nomme le plan de paix actuel ? Le «Plan Poutine». Comment se nommait le plan de règlement du conflit présenté en juin ? Le « Plan Porochenko ». Tout est dit ! Ni Léonid Koutchma, ni les représentants des Républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk Igor Plotnitski et Alexandre Zakhartchenko, n’ont finalement déterminé l’issue des négociations à Minsk. La trêve durera tant que cela profitera aux dirigeants des deux pays », a confié Vadym Karassyov, à RBTH.

La question de la détermination du statut politique des régions de Donetsk et de Lougansk risque de traîner en longueur, estime Andreï Souchentsov, politologue, directeur associé de l’agence « Politique extérieure »: « Les premiers pas vers le processus de règlement pacifique sont de nature technique. Il n’y a aucune tolérance vis-à-vis du futur statut politique des régions de Donetsk et Lougansk. Porochenko est satisfait que les rebelles n’aient pas réussi à s’étendre plus sur le territoire. La campagne, plutôt mauvaise à tous les niveaux pour Kiev, s’est finalement terminée avec des résultats meilleurs que prévus. Pendant un an ou deux, le président va essayer de trouver une entente avec les insurgés, tout en conservant l’unité du pays. Il ne s’attend pas à ce que Donetsk et Lougansk prennent part aux élections parlementaires. Peut-être ne veut-il même pas que les élections aient lieu là-bas aussi ».

Iouri Fedorov, politologue et membre du Centre d’études politiques PIR-Center estime que « Kiev a besoin d’une pause pour consolider le pouvoir, mener les élections et surtout, créer de nouvelles forces armées. Théoriquement, Poutine et sa clique peuvent envahir l’ensemble du Donbass et créer ainsi un couloir vers la Crimée. La tâche de l’OSCE est de donner une certaine respectabilité aux accords qui seront atteints, le cas échéant, entre Porochenko et Poutine. La paix en Ukraine deviendra réelle uniquement lorsque Kiev aura décidé de renoncer aux régions «démembrées» du Donbass, leur accordant l’indépendance et se débarrassant ainsi du fardeau lié à l’entretien des infrastructures, et à la relance économique. En attendant, cet état qui n'est la guerre, ni la paix continuera à végéter ».

De leur côté, les représentants des régions de Donetsk et de Lougansk ont déclaré avoir perçu la loi adoptée par la Rada suprême comme un « point de départ pour un dialogue futur ».

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