Le mémorandum de Genève n’a pas sauvé l’Ukraine

Crédit photo : AP

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Les experts estiment que chaque partie a interprété à sa manière la déclaration signée à Genève le 17 avril. Coup d'oeil sur les contradictions entre les deux camps.

Les pays occidentaux accusent la Russie de la guerre civile qui se poursuit dans le Sud-Est de l’Ukraine, comme en témoignent les nouvelles sanctions contre les fonctionnaires, entrepreneurs et entreprises russes. 

« Les hommes politiques occidentaux affirment que les combattants des régions de Lougansk et Donetsk ne sont toujours pas désarmés parce que la Russie n’a pas retiré ses troupes de la région, continue à apporter un soutien moral aux partisans du fédéralisme, concentre ses troupes à la frontière et ne leur a toujours pas ordonné de déposer les armes et de libérer les bâtiments administratifs occupés », a expliqué Dmitri Souslov, directeur adjoint du Centre d'études européennes et internationales de l'École supérieure de l'économie (Moscou).

Le secrétaire d’État américain John Kerry a clairement indiqué que Washington considère que Moscou doit contrôler les opposants pro-russes dans le Sud-Est du pays et les obliger à libérer les bâtiments administratifs et à déposer les armes. Le problème est que ces derniers n’étaient pas représentés à Genève et refusent de suivre les accords.

Moscou a tenté de persuader Kiev, Washington et Bruxelles d’inviter les partisans de l’autonomie régionale à Genève, sans succès. Cela a été perçu comme une victoire diplomatique pour Kiev, mais maints observateurs y ont vu un but contre son propre camp.

D'un point de vue russe, contrairement aux affirmations de l’Occident, à Genève, la Russie ne s’est pas engagée à désarmer les fédéralistes. En outre, la question du « désarmement et de la libération des bâtiments » est définie de manière très floue dans le mémorandum. Par exemple, aucune « feuille de route » ni marche à suivre n’y est indiquée. 

Cela a permis au co-président de la république de Donetsk Denis Pouchiline de déclarer que les manifestants ne quitteront les bâtiments de l’administration régionale et des forces de l’ordre occupés et ne déposeront les armes qu’après le démontage du campement de Maidan, la libération des bâtiments à Kiev et le désarmement des combattants du Pravy Sector. 

La Russie a soutenu cette position : le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov estime que Kiev doit montrer un exemple moral d’exécution du mémorandum aux fédéralistes. 

Concernant le retrait des troupes du territoire ukrainien, Dmitri Souslov estime que la Russie ne peut donner un tel ordre, car ses troupes n’y sont pas présentes. 

Moscou continue à affirmer ne pas avoir envoyé de troupes spéciales en soutien aux citoyens rebelles du Sud-Est. Les autorités de Kiev n’ont toujours pas réussi à fournir des preuves convaincantes d’une intervention russe directe.

« Le mémorandum ne dit mot sur le retrait des troupes russes de la frontière ukrainienne. Toutes ces exigences à l’égard de la Russie ne sont que le fruit d’une interprétation large et unilatérale du mot « désescalade » par nos partenaires occidentaux », explique Dmitri Souslov. 

« Moscou estime que la « désescalade » suppose l’arrêt de l’opération anti-terroriste dans le Sud-Est, le retrait des troupes ukrainiennes formées pour la répression de la contestation civile dans les régions de Donetsk et de Lougansk, ainsi que le déblocage des villes et agglomérations contrôlées par les partisans de la fédéralisation ».

Par ailleurs, le Kremlin considère avoir des raisons légitimes pour refuser de mettre la pression sur les fédéralistes dont Kiev exige les premières concessions.

 « La Russie et ses dirigeants jouissent d’un grand prestige dans le Donbass, la plupart des groupes d’activistes de Donetsk sont prêts à suivre les conseils de Sergueï Lavrov ou de Vladimir Poutine, par exemple, sur de nombreuses questions », explique Roman Travine, un politologue de Kharkiv. 

« Toutefois, si Moscou exige d’importantes concessions unilatérales des habitants de la région, cela sera perçu comme une trahison et le prestige de la Russie dans la région subira un coup sérieux ».

Alors que Mr. Kerry persiste à dire que Moscou doit freiner « la force de la foule », Moscou répond que les manifestants du Sud-Est ne sont pas ses « marionnettes » et que la Russie ne peut les obliger à respecter les accords de Genève tant que la partie adverse poursuit une opération militaire à leur encontre et les qualifie de terroristes. 

« Plutôt que se rendre à l’évidence que quelque chose ne fonctionne pas au sein de l’État ukrainien et essayer d’établir le dialogue », a déclaré le Président Poutine au cours de la ligne directe nationale télévisée, « Il faut emprunter la voie du dialogue avec tous les habitants du pays, où qu’ils résident ».

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