La guerre commerciale et le ton agressif de la diplomatie russe ont poussé l’opinion publique ukrainienne dans les bras de l’Europe. Crédit photo : PhotoXpress
Moscou ne se console pas de voir Kiev décidé à signer le 28 novembre à Vilnius l’accord d’association avec l’UE. Mais le Kremlin trouve le réconfort dans le choix de l’Arménie, qui, à la surprise générale, renonce à ce même accord au profit de l’Union douanière avec le Kazakhstan, le Belarus et la Russie.
Début septembre, le président arménien Serge Sarkissian a annoncé la volte-face à Moscou, après des années de négociations avec Bruxelles. Lot de consolation, l’Arménie pèse beaucoup moins lourd que l’Ukraine en termes stratégiques et économiques.
L’économie arménienne est dix fois moindre que l’ukrainienne. Erevan est entourée par des pays hostiles (Turquie, Azerbaïdjan, Iran) ou tiède (la Géorgie). Sa population ne compte que 3 millions d’habitants avec l’un des PIB les plus bas d’Europe.
À l’inverse, l’Ukraine compte 46 millions d’habitants, quasiment tous russophones et proches culturellement. Les industries russes et ukrainiennes sont largement imbriquées, surtout dans les domaines stratégiques (aéronautique, espace, nucléaire, métallurgie). L’Ukraine consomme plus de gaz russe que l’Allemagne et reste le principal pays de transit du gaz russe vers l’Europe.
Pourquoi Kiev a-t-il donc choisit le chemin de l’intégration européenne au lieu d’une zone de libre échange avec son principal partenaire commercial ?
« La faute revient principalement à la Russie », estime le politologue Vladimir Fesenko. « Le blocus sur les exportations ukrainiennes vers la Russie cet été et le ton agressif de certains hauts fonctionnaires russes ont poussé l’opinion publique ukrainienne dans les bras de l’Europe ».
24 milliards d'euros d'échanges entre l'Ukraine et la Russie, second partenaire derrière l'UE.
1 milliard d'euros : échanges entre l'Arménie et la Russie. L'UE est le premier partenaire de l'Arménie avec 1,25 milliards d'euros.
34 % La Russie est le premier investisseur en Arménie, devant l'UE (20%) et les Etats-Unis (3%)
Pour Igor Kogut, également politologue, « même à l’Est de l’Ukraine, une région traditionnellement prorusse, la population s’est mise à rêver de l’Europe, de son niveau de vie et de ses valeurs. C’est vrai qu’une énorme machine de propagande s’est mise en place pour promettre aux Ukrainiens des lendemains qui chantent grâce à l’accord d’association ».
Le président ukrainien Viktor Yanoukovitch, longtemps perçu – à tort – par les médias occidentaux comme « prorusse », a pris le train en marche et a fixé sa priorité sur l’intégration européenne, dont l’accord d’association n’est que la première étape. « Il a soufflé au passage à l’opposition ukrainienne son principal cheval de bataille ».
Désormais, seuls les communistes ukrainiens, qui représentent moins de 10% de l’électorat, militent pour l’entrée de l’Ukraine dans l’Union douanière dominée par Moscou. « Moscou n’a plus d’agent d’influence en Ukraine », souligne Vladimir Fessenko.
Tout n’est pas définitivement réglé. Bruxelles réclame comme condition à la signature de Vilnius la libération par Yanoukovitch de la principale opposante Youlia Timochenko. Le président rechigne « parce qu’il veut à tout prix éviter son retour sur l’échiquier politique avant la présidentielle de 2015 », explique Vadim Karassev.
Néanmoins, le premier ministre ukrainien Nikolaï Azarov estime qu’une solution est imminente, car les Européens ont, selon lui, « compris qu’il ne s’agissait pas d’une affaire politique. S’il est question de libération pour des raisons humanitaires, alors nous pouvons trouver un terrain d’entente ».
Pour l’Arménie, le choix s’est présenté de manière radicalement différente. « En rejoignant l’Union douanière, nous avons fait un choix politique », admettait le Premier ministre arménien Tigran Sarkissian le 18 octobre dernier devant un parterre de journalistes à Erevan.
Réputé pro européen, Sarkissian a réfuté les rumeurs selon lesquelles la Russie aurait fait pression pour obtenir ce revirement.
« Poutine a menacé de doubler les prix du gaz à l’Arménie et a signé un gros contrat de vente d’armes avec Bakou. C’est ce qui a convaincu Erevan de renoncer à son aventure européenne », affirme un diplomate occidental.
Erevan fait passer les enjeux sécuritaires avant le développement économique ou même les questions de souveraineté.
« La Russie reste l’arbitre suprême du Caucase, tandis que les Européens n’ont pas su rassurer Erevan face au réarmement de l’Azerbaïdjan », conclut le diplomate.
Dans le cadre d'une utilisation des contenus de Russia Beyond, la mention des sources est obligatoire.
Abonnez-vous
gratuitement à notre newsletter!
Recevez le meilleur de nos publications directement dans votre messagerie.