Souvent, ce sont les femmes et les enfants qui ont quitté leur logement et sont devenus réfugiés, alors que les hommes restent pour défendre les lieux qui les ont vu naître ou pour combattre. Crédit : Reuters
Plusieurs milliers de ressortissants Syriens essaient de recevoir le statut de réfugiés en Russie, d’après des défenseurs des droits de l’homme russes. Selon eux, la majorité des personnes qui recherchent ce statut ont des liens culturels, sociaux ou économiques avec la Russie : ils ont étudié ou travaillé ici, ou sont mariés avec des citoyens russes, d’après Interfax. Parmi les réfugiés se trouvent des Tcherkesses, des Russes, des Abkhazes, des Ossètes, des Tchétchènes, des Daghestanais. Beaucoup de Syriens sont arrivés en Russie avant la guerre et ne peuvent désormais plus repartir.
D’après le rapport « Réfugiés syriens au Liban, en Jordanie, en Turquie, en Irak et en Egypte », rédigé fin 2012 pour la Commission arabe pour les droits de l’homme, le pourcentage de femmes parmi les réfugiés atteint 28%, les enfants de moins de 18 ans sont 55%, et parmi eux 70% n’ont pas 15 ans. Le rapport a été rédigé par le Centre damasquin de recherches théoriques et sur les droits des citoyens, et par le mouvement « 17 avril – vers des réformes démocratiques ».
Les données nécessaires à ce rapport ont été recueillies lorsqu’il était encore possible de mener un sondage à Alep, à Deir Ezzor, à Rakka et dans d’autres endroits où se déroulent désormais des combats. Les chiffres sont actuellement en augmentation : le nombre d’enfants orphelins augmente chaque jour, de même que le nombre de veuves.
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Souvent, ce sont les femmes et les enfants qui ont quitté leur logement et sont devenus réfugiés, alors que les hommes restent pour défendre les lieux qui les ont vu naître ou pour combattre.
« Les réfugiés souffrent tant matériellement que physiquement et psychologiquement », explique à un journaliste de La Russie d'Aujourd'hui Nasser Ghazali, directeur du Centre damasquin de recherches théoriques et sur les droits des citoyens et directeur du groupe qui a préparé le rapport. « La plupart des réfugiés vient de régions très pauvres. Les maladies se répandent largement : les adultes soufrent d’hypertonie et de diabète à cause du stress, et les enfants sont la cible d’infections à cause de la proximité et des mauvaises conditions d’hygiène. »
Ghazali ajoute : « Ceux qui sont partis ces derniers temps l’ont fait sous la menace permanente soit des bombardements de l’armée soit d’un enlèvement par les groupements armés de leur région. Les uns et les autres souffrent d’un stress psychologique. Et la majorité vit pratiquement à ciel ouvert. Par ailleurs, les réfugiés ont dû se déplacer d’un endroit à l’autre plusieurs fois à cause de l’avancée des combats qui les repousse de plus en plus loin. »
Beaucoup de réfugiés restés en Syrie vivent dans des écoles, des gymnases, des parcs. Leur état est comparable à celui d’otages : « les autorités procèdent régulièrement à des arrestations dans ces camps, les volontaires qui aident les réfugiés sont aussi parfois arrêtés. Pendant les inspections, une partie de l’aide donnée par la population locale est volée. C’est pourquoi certains réfugiés choisissent de revenir dans leurs maisons détruites. »
Vivre dans une école ne garantit pas que l’on soit protégé : des combats entre l’armée régulière et les groupements armés se sont déroulés dans des centaines d’écoles. Beaucoup de réfugiés y ont été coincés sous un feu croisé. D’après le rapport, 2072 écoles ont été détruites à cause des combats, et plus de 800 sont utilisées pour loger des réfugiés. D’après l’Unicef, environ 90 employés du secteur de l’enseignement ont été tués. Pendant l’année qui vient de s’écouler, les cas d’assassinats d’enseignants et d’employés de l’enseignement pour des raisons confessionnelles et politiques se sont multipliés.
Le rapport indique que 67% des lieux de soins médicaux ont souffert de la guerre, et parmi eux 29% ont été totalement détruits. Ces chiffres ont augmenté pendant l’année passée, d’après Ghazali. Seuls demeurent les hôpitaux des zones où il n’y a pas eu de combats. Le rapport rappelle les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé : 271 ambulances ont été détruites sur les 520 qui se trouvaient en Syrie. Ghazali affirme que beaucoup d’employés du secteur médical ont été tués, tant par le pouvoir que par les groupements armés. « On peut parler de dizaines de médecins tués par le pouvoir qui les suspectait de soigner les rebelles et de dizaines d’autres qui ont été enlevés par les rebelles pour qu’ils les soignent ».
D’après Ghazali, son groupe de travail a acquis la conviction que tant le pouvoir que les rebelles utilisaient les réfugiés. « Dans les pays proches de la Syrie, les réfugiés sont humiliés et exploités. C’est le cas au Liban, en Jordanie, en Turquie. » Cela confirme ce qui est dit dans le rapport : « les garçons de plus de 15 ans sont forcés à rentrer en Syrie et à combattre aux côtés des groupements armés ». Ghazali donne un exemple : « Un homme nous a raconté qu’il avait deux fils qui avaient un peu plus de 15 ans. Ils ont été envoyés combattre en Syrie. Et on exige qu’il se joigne à eux, mais il a quatre filles adolescentes, et il ne veut pas laisser sa famille sans protection. Qui est responsable de cette situation dans les camps ? En majorité ce sont des islamistes ».
Ceux qui fuient le Sud de la Syrie (surtout de la ville de Deraa) arrivent en Jordanie, où d’après Ghazali « les attend une température mortellement élevée, des tempêtes de sable et un déficit aigu en eau. Il y a moins d’un litre par personne et par jour, et ce pour tous les besoins ».
« En outre, poursuit Nasser, dans l’écrasante majorité des cas les écoliers et les étudiants ont cessé d’étudier. Et même lorsqu’apparaît une possibilité d’étudier, les islamistes en prennent le contrôle pour qu’elle suive leur ligne. » Ghazali attire aussi l’attention sur l’utilisation extensive du travail des enfants dans les pays qui accueillent les réfugiés.
En réponse à une question sur les conditions de vie des femmes réfugiées, Ghazali répond avec amertume : « elles ont en majorité perdu leurs maris (d’après le rapport, 80% des morts sont des hommes). Toutes les difficultés reposent sur leurs épaules : la recherche des moyens de subsistance pour la famille, l’organisation des déplacements des enfants vers des zones moins dangereuses, les travaux lourds ».
« Mais il y a aussi une souffrance féminine particulière, d’après Ghazali, l’obligation de se marier jeune et l’exploitation sexuelle. Voyez les données de l’ONU sur la situation des réfugiés dans le camp Zaatari en Jordanie : sur 9000 femmes, 720 sont enceintes. D’après notre rapport (qui date de la fin 2012), pendant les affrontements armés 172800 femmes syriennes ont été victimes de violences, 57700 ont été harcelées sexuellement, et 780 ont été violées. Ces chiffres ont augmenté au cours de la dernière année. Est-ce qu’ils ne sont pas suffisants pour comprendre l’étendue de la catastrophe humanitaire en Syrie ?! » s’exclame-t-il.
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