Obama-Poutine, deux hommes en colère

Les deux chefs d’Etat ne se parleront pas en toute intimité à Saint-Pétersbourg. Crédit : Reuters

Les deux chefs d’Etat ne se parleront pas en toute intimité à Saint-Pétersbourg. Crédit : Reuters

Pour la première fois depuis des années, le chef de la Maison blanche a non seulement annulé sa visite en Russie, qui devait se tenir à la veille du sommet du G20, mais n'a pas non plus prévu de s'entretenir en tête-à-tête avec le président russe. Raison officielle : l'octroi de l'asile politique à l'ex-analyste du renseignement américain Edward Snowden. Evidemment, ce n'est qu'un prétexte.

Obama est, de manière classique, otage de ses stéréotypes politiques. Il parle constamment de dictature et de violation des droits de l'homme, annule l'amendement Jackson-Vanik mais approuve l'acte Magnitski, et au lieu de la Tchétchénie reproche à la Russie sa position vis-à-vis de la Géorgie et de la Syrie. Il semble pourtant avoir raison sur un point : il n'y a plus de graves problèmes dans les relations bilatérales. Le traité START-3 a été approuvé bon gré mal gré, la Russie a adhéré à l'Organisation mondiale du commerce (OMC). Les chances de s'entendre sur le déploiement du bouclier antimissile (AMB) américain en Europe sont aussi faibles que celles de Moscou et de Tokyo de se partager les Kouriles du Sud à court terme. Evidemment, il existe de nombreux sujets importants plus faciles à discuter : les négociations sur le problème nucléaire iranien au format 5+1 ou les négociations à six sur la Corée du Nord. Mais ces processus sont longs, aucun progrès n'est prévu, et par conséquent ils ne nécessitent pas l'intervention personnelle des présidents. Alors pourquoi faire de la démagogie ?

Les deux chefs d’Etat ne se parleront donc pas en toute intimité à Saint-Pétersbourg. D'autant que ces entretiens ont toujours été difficiles pour Obama : il est habitué à dicter ses conditions mais, hélas, le 44ème président américain n'a pas eu de chance avec l'interlocuteur russe. En arrivant à la Maison blanche, Obama espérait avoir affaire au « novateur pro-occidental » et « démocrate » Dmitri Medvedev pendant ses deux mandats. Le « redémarrage » des relations russo-américaines suggéré par les conseillers d'Obama et initié en mars 2009, prévoyait une communication avec Medvedev : Obama se sentait en confiance avec lui. Avec Medvedev il lui était possible pendant une pause d'aller manger un hamburger, puis de revenir marchander au sujet de la Syrie sur un ton tel que « mais pourquoi la Russie soutiendrait un autre dictateur sanguinaire ? » Medvedev aurait pu accepter, au moins par politesse. Mais après le retour de Poutine, le redémarrage a été immédiatement oublié.

Aujourd’hui il n’y a aucun espoir d'arriver à une compréhension ou un compromis avec Poutine. A la veille du sommet du G20, ce dernier a déclaré qu'il voudrait parler à Obama de la Syrie en tant que lauréat du prix Nobel de la paix. Il est clair qu'avec une telle approche il est inutile d'évoquer l'utilisation de l'arme chimique par Bachar al-Assad. Après tout, Poutine est parfaitement conscient qu'il ne s'agit pas des armes ni même d'Assad (le président russe n'écarte pas la possibilité d’approuver l'opération en Syrie dans le cadre de l’ONU). Le fait est que même après la Guerre froide les USA continue à remanier l'ordre mondial existant pour le faire correspondre à leur vision des choses. Lorsque la diplomatie ne fonctionne pas et que l'opposition locale financée par Washington ne donne pas les résultats escomptés, on règle la situation à coups de Tomahawk. Et comme par malheur, pratiquement tout le monde est d'accord - les Etats voyous ne comptent pas et la Chine s'abstient. Seul Poutine s'oppose, à l'instar du ministre soviétique des Affaires étrangères Andreï Gromyko, surnommé en Occident « monsieur Non » pour sa position intransigeante pendant les négociations.

Dans une interview accordée la veille du sommet, Poutine a confirmé que la Russie n'extraderait pas Edward Snowden. Obama a dû pousser un soupir de soulagement : il n'a pas renoncé à rencontrer Poutine pour rien. Et il vaut mieux profiter du temps économisé pour rencontrer les représentants russes de la communauté LGBT. L'entretien sera très explicite.

Article original publié sur le site de RIA Novosti

 

 

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