Qui voulut  en URSS créer un «surhomme»? 

Lev Borodouline/MAMM/MDF/russiainphoto.ru
Plusieurs scientifiques, soviétiques ou non, cherchèrent à convaincre les dirigeants de l’URSS de la nécessité de favoriser la reproduction uniquement des représentants de la société les plus talentueux. Leurs descendants, plus remarquables encore, auraient dû avec le temps remplacer les citoyens «les moins réceptifs aux connaissances modernes».

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Après leur arrivée au pouvoir en 1917, les bolcheviks s’attelèrent à transformer profondément la société russe : « Le monde va changer de base,
Nous ne sommes rien, soyons tout »
*. Dans le « monde nouveau » devront vivre des « hommes nouveaux », des individus physiquement et intellectuellement développés, pleinement dévoués aux idéaux communistes, intellectuels et créateurs, conscients qu’ils sont de petits mais indispensables « rouages » de la gigantesque machine de l’État.

Défilé des athlètes sur la Place Rouge

L’homme soviétique idéal était forgé par l’éducation de sa personnalité, l’instruction et la propagande. Certains scientifiques connaissaient un autre moyen pour créer cette « nouvelle race d’hommes » : celui de la sélection, comme s’il était question de chiens ou de chevaux. Une vingtaine d’années durant, les partisans de l’eugénisme tentèrent de convaincre le pouvoir soviétique des possibilités d’améliorer les caractères héréditaires de l’homme par ce procédé.

Les meilleurs des meilleurs

« N’importe quelle espèce végétale ou animale, dont l’espèce humaine, peut être modifiée artificiellement par la sélection de reproducteurs qui donneront la combinaison de caractères recherchée chez leurs descendants », écrivait le biologiste et généticien Nikolaï Koltsov. 

Les eugénistes envisageaient que les individus talentueux, qui s’étaient illustrés dans un domaine d’activité ou un autre, ne se reproduisent qu’entre eux. Selon eux, de tels spécimens auraient toutes les chances d’engendrer des enfants aussi remarquables qu’eux et favoriseraient ainsi « l’évolution cérébrale » et « l’enrichissement de la nation par des gènes de qualité ».

Nikolaï Koltsov

Une telle transmission organisée « des gènes de valeur » pourrait fournir à la société un grand nombre de scientifiques, d’artistes et de professionnels dans des secteurs différents physiquement sains, avec une grande force de volonté, attachés à la vie et au travail.

« De nombreuses mères, demain, ... seront fières de mêler leur plasma à celui de Lénine ou de Darwin pour donner à la société des enfants qui auront hérité de leurs qualités biologiques », écrivait à Joseph Staline le généticien américain et membre correspondant de l’Académie des sciences d’URSS Hermann Muller. 

Ce sera ainsi qu’apparaîtra le « surhomme », l’« Homo Creator » qui, à en croire Nikolaï Koltsov, « deviendra enfin le maître de la nature qu’il soumettra à la force de son esprit et de sa volonté »

Comment créer les «surhommes»?

Nikolaï Koltsov s’opposait à un processus de sélection autoritaire. « L’homme moderne, affirmait-il, ne renoncera pas à la plus précieuse des libertés, à savoir le droit de choisir librement son conjoint »

Ce biologiste estimait que la résolution « des tâches eugénistes » incombait à l’État qui avait l’obligation de créer pour « ceux en qui il verrait les meilleurs reproducteurs » de meilleures conditions de vie que pour les autres. Le taux de reproduction serait alors plus élevé chez les premiers que chez « les moins réceptifs aux connaissances et à la culture modernes ».

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Le médecin Sergueï Davidenkov proposa d’organiser des examens psycho-eugéniques de la population pour déceler les capacités congénitales. Le niveau d’instruction, le statut social et l’appartenance ethnique n’influenceraient en rien les résultats des tests qui permettraient classer les individus par groupe génétique. L’État devrait fournir à ceux du groupe supérieur les meilleures conditions possibles pour favoriser leur reproduction : augmentation de salaire de 50 % à la naissance du premier enfant, primes à la naissance des troisième et quatrième, etc.

Le généticien Alexandre Serebrovski, quant à lui, était partisan de l’insémination artificielle des femmes avec « du sperme recommandable » qui n’aurait pas forcément été celui des hommes qu’elles aimaient : « La procréation peut et doit être dissociée de l’amour, ne serait-ce que parce que l’amour est l’affaire privée de ceux qui s’aiment et que le reproduction est une affaire qui concerne la société, qui plus est sous le socialisme », soutenait le biologiste.  

Alexandre Serebrovski

« Pour détruire les relations capitalistiques dans l’économie, le socialisme devra détruire la famille moderne et, en particulier, la différence que l’homme fait entre ses enfants biologiques et les autres », poursuivait-il.

L’eugénisme périclite

En URSS, on ne laissa pas les eugénistes mettre leurs théories en œuvre. On leur imputa leur mépris de la diversité génétique, garante du développement harmonieux des sociétés. On leur reprocha de ne pas pouvoir déterminer scientifiquement les critères qui permettraient de distinguer les « reproducteurs de valeur ».

Les autorités soviétiques craignaient que les processus de sélection ne portent un coup dur au prolétariat  sur lequel reposait leur pouvoir. Par ailleurs, après la création du IIIe Reich, les enseignements sur le « surhomme » étaient sans équivoque possible associés au nazisme.

Dans un camp militaire d'été

À la fin des années 1930, l’eugénisme en tant que concept philosophique fut interdit. Certains des travaux qui avaient été menés dans ce domaine (en particulier, ceux concernant le traitement de plusieurs maladies génétiques) furent utiles dans d’autres branches de la biologie et de la médecine.

*L’Internationale (version imprimée de 1887)

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