Du 14 au 22 octobre, la Russie accueille le XIXe festival mondial de la jeunesse et des étudiants. Les organisateurs de cet événement de grande envergure ont l'intention de réitérer le succès du festival soviétique de 1957, qui a réunis à Moscou 34 000 invités venus de 131 pays.
À quoi ressemblait cet événement il y a 60 ans et quelle impression il fit sur les étrangers qui découvraient l’URSS? Avec le réalisateur Claude Lelouch et le compositeur Michel Legrand, qui faisaient partie de la délégation française, RBTH plonge dans les souvenirs pour faire un voyage dans le temps.
Claude Lelouch.
Maria TchobanovClaude Lelouch : Oui. Effectivement, nous ne nous connaissions pas encore à cette époque. Michel était déjà très connu, et moi absolument inconnu. J’étais simplement cameraman d’actualités, j’avais 20 ans et pour pouvoir séjourner en Russie je me suis même inscrite au Parti communiste.
C.L. : J’ai filmé Lénine et Staline au Mausolée, côte à côte, mais j’ai surtout eu la chance d’aller sur le plateau de Mikhaïl Kalatozov qui tournait à l’époque Quand passent les cigognes.
Quand passent les cigognes.
Kinopoisk.ruC’est en passant cette journée sur le plateau et en assistant au tournage que j’ai eu envie de devenir metteur en scène. Et plus tard à Paris c’est moi qui ai recommandé ce film au Festival de Cannes et c’est grâce à moi en partie que le cinéma russe a eu sa palme d’Or à Cannes.
Michel Legrand : Quand à moi, en 1957 j’étais à Leningrad, Moscou et Kiev avec les concerts. J’ai eu un grand orchestre de 50 musiciens, nous étions partis en bateau du Havre jusqu’à Leningrad, et à Moscou j’ai rencontré la jeune fille que j’ai épousé en rentrant à Paris. Ce festival a changé nos vies – à Claude et à moi !
Michel Legrand.
Maria TchobanovC.L. : Pendant mon premier séjour en Russie tous les Russes voulaient acheter mon blouson, mon pantalon, mon jean, mes chaussures, donc j’ai tout vendu avant de partir. On était des extraterrestres pour eux. Les gens ne connaissaient pas encore très bien le mot liberté et tout ce qu’on pouvait en faire. Nous étions des dieux : ils nous regardaient, ils nous suivaient, on avait le sentiment d’arriver d’une autre planète.
Aujourd’hui on se prend dans les bras, on s’embrasse, parce qu’on parle avec notre cœur, on est au-dessus de la politique. Quand je voyage, je mets la politique de côté, j’y vais pour les hommes et les femmes. Le plus beau pays du monde c’est le genre humain. Je m’en fous des montagnes, des lacs, des mers, c’est très beau à regarder, mais le genre humain c’est le pays que j’aime le plus, et chaque fois que je viens en Russie, le genre humain est colossal. Et les grands films russes sont ceux qui parlent plus au cœur qu’à la matière grise.
M.L. : La Russie parle à mon cœur, à ma tête et à mes oreilles. Je connais très bien ce pays, j’y suis allé plusieurs fois. Les Parapluies de Cherbourg, que j’ai écrit en 1964, quelques années après le premier festival, avait un énorme succès en Russie. Je me souviens la réaction de notre jeune productrice, qui a eu des difficultés de financement pour ce projet, quand tout d’un coup les gens de Mosfilm sont venus à Paris la voir.
Elle a eu du mal à trouver trois cinémas en France pour sortir le film, mais quand les Russes ont vu Les Parapluies de Cherbourg, ils ont demandé 3000 copies. En France on en avait 6 seulement. La productrice a été prise de panique. Tous les laboratoires français et européens travaillaient jour et nuit pour pouvoir donner 3000 copies. Chaque fois que je viens en Russie et je joue les mélodies du film, toute la salle chante, sans erreurs. C’est très émouvant. Le peuple russe est très musicien, non seulement de nature, mais aussi de culture, en France pas du tout.
C.L. : Pour le film Un homme et une femme, nous avons également tiré 3000 copies, donc on a vécu à peu près la même chose avec Michel. J’ai toujours aimé l’âme russe, j’ai toujours aimé le cœur de ce pays. Chaque fois que je vais là-bas, je me sens bien. Et là ou je me sens bien, je vais souvent.
C.L. : Nous avons beaucoup parlé avec l’ambassadeur du passé, nous avons partagé nos souvenirs de l’époque et je pense qu’en octobre on va faire un petit saut au festival pour symboliser ces jolis souvenirs. J’ai toujours avec moi une petite caméra, donc il est probable que même si on ne me demande rien, je vais tourner des choses.
M.L. : Il n’y a rien d’organisé encore, mais je sens le besoin de retourner en Russie 60 ans plus tard parce que j’aimerais beaucoup trouver le moyen de rejouer la musique que j’ai jouée en 1957 dans les concerts qu’on a faits. Ce serait extraordinaire de jouer les mêmes morceaux. Je vais essayer de réussir ce projet.
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