Construction du gazoduc Nord Stream
ZUMA Press/Global Look PressGazprom a trouvé la formule qui lui permettra d’attirer des capitaux étrangers dans la construction du gazoduc Nord Stream 2 et de contourner les exigences du régulateur anti-monopole polonais UOKiK. Le projet, visant à assurer la livraison du gaz russe en Europe sans passer par l’Ukraine, sera financé à 50% par Engie (France), OMV (Autriche), Royal Dutch Shell (Grande-Bretagne et Pays-Bas), Uniper et Wintershall (Allemagne). Le géant gazier russe a annoncé la signature de l’accord ad hoc le 24 avril.
« C’est une percée. Ceci est une confirmation ferme de la participation étrangère dans ce projet et une base financière importante pour le projet qui devrait être achevé d’ici fin 2019 », a déclaré le patron de Gazprom Alexeï Miller à l’agence Reuters.
L’accord de financement a été signé par les compagnies européennes et la filiale de Gazprom Nord Stream 2 AG. Selon les termes de l’accord, chaque compagnie s’engage à apporter jusqu’à 950 millions d’euros de financement à long terme. Le montant global des investissements s’élèvera à 4,75 milliards d’euros, soit la moitié du coût estimé de Nord Stream 2. Gazprom restera le seul actionnaire du bureau de conception, Nord Stream 2 AG.
Auparavant, la participation des partenaires européens était également envisagée : ils devaient devenir actionnaires de Nord Stream 2 AG en rachetant des parts de 10% dans le projet, Gazprom conservant 50% des actions.
Cependant, pendant l’été 2016, l’agence polonaise UOKiK a refusé de valider la demande de construction du gazoduc, arguant que l’élargissement des positions de Gazprom viendrait entraver la concurrence sur le marché gazier européen. La Pologne a été soutenue par l’Ukraine, puis par le Danemark, qui a argué d’une menace pour sa sécurité nationale. Par suite, les partenaires européens se sont abstenus d’insister sur une participation actionnariale dans le projet, car elle aurait nécessité l’approbation de leurs régulateurs nationaux et menaçait de retarder le processus de construction.
« Quand le régulateur polonais a bloqué Nord Stream 2, il fallait, d’une manière ou d’une autre, mettre le projet en œuvre. Le plus simple est d’apporter un financement, pour éviter de retarder la construction, et seulement ensuite de tenter de contester la restriction ou de chercher d’autres moyens d’entrer dans le capital », explique l’analyste en chef du Fond de sécurité énergétique nationale Igor Iouchkov.
Le communiqué de presse conjoint publié par les compagnies indique que le projet « contribuera à la sécurité énergétique à moyen et long terme, particulièrement dans le contexte de déclin anticipé de la production européenne ».
« Les sources européennes domestiques de gaz, dont celles située en Grande-Bretagne et dans la mer du Nord, sont amenées à s’épuiser au fil du temps, alors que la demande européenne va croître », explique Georg Oppermann, attaché de presse d’Uniper, à propos du nouvel accord. Il précise qu’en participant à la construction de Nord Stream 2, les compagnies européennes « cherchent à diversifier au maximum leurs approvisionnements en gaz. Tous ceci contribuera à la sécurité de l’approvisionnement en gaz à l’avenir ».
« Nous aidons aujourd’hui à financer ce projet, car nous croyons qu’il est nécessaire pour l’Allemagne et l’Europe. Nous ne sommes pas +impliqués+ dans le projet en tant que partenaires, mais nous coopérons avec le Nord Stream 2 en matière de financement », précise également Georg Oppermann.
La sécurisation de l’approvisionnement en gaz n’est pas l’unique avantage que les partenaires européens du géant gazier russe tireront de leur participation, assure Igor Iouchkov. « Gazprom remboursera le crédit avec intérêts, de plus, l’accord peut parfaitement prévoir des conditions de rabais sur le prix de vente », estime-t-il. Pour lui, la réalisation de Nord Stream 2 est également profitable pour les compagnies allemandes, car elle fera de l’Allemagne le plus grand hub gazier d’Europe.
Nord Stream 2 est un gazoduc de 1 220 km et d’une capacité de 55 milliards de m3 par an qui reliera la Russie à l’Allemagne par la mer Baltique. Il vient élargir le gazoduc existant South Stream. La construction du projet démarrera en 2018 pour s’achever fin 2019. Outre Nord Stream 2, la Russie est impliquée dans la mise en œuvre du projet Turkish Stream. Les trois gazoducs achemineront le gaz en Europe en contournant l’Ukraine.
Par ailleurs, dans son entretien avec Reuters, Alexeï Miller a annoncé que Gazprom prévoyait de maintenir le transit de son gaz vers l’Europe via l’Ukraine, même après la mise en exploitation du gazoduc Nord Stream 2. Il a cependant précisé qu’il s’agirait de volumes beaucoup plus faibles destinés aux pays frontaliers de l’Ukraine.
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